Nous allons montrer à travers quelques exemples extraits notamment des tobaccodocuments comment l’industrie du tabac se sert de certaines personnes exposées médiatiquement dans le domaine du « débat d’idées » ( car la philosophie ne saurait correspondre à de telles mascarades.)
Le titre de l’article fait référence à l’un de ces philosophes qui (pour des raisons qui restent floues à ce jour) correspond à l’argumentaire des communicants de l’industrie des cigarettes.
Les documents présentés sous forme d’images dans l’article sont téléchargeables en bas de page.
Le syndrome de Raynaud, pour ceux qui l’ignorent fait partie de la longue liste des problèmes de santé provoqués par le tabagisme.
L’industrie du tabac n’est pas la seule industrie à peser de tout son poids dans la fabrique de l’opinion publique, néanmoins ce fut la première_par exemple en menant des controverses scientifiques depuis plus de 60 ans_ et toutes les autres se sont inspirées du modèle en la matière qui a réussi à prospérer sur des millions de cadavres grâce à un permis de tuer universel et au dessus de tout débat démocratique.
Si l’influence de l’industrie du tabac n’est plus à démontrer, (encore que! Il est frappant de constater auprès des malades l'ignorance_ savamment entretenue_ de la population sur ces sujets) apparemment, cela ne choque pas grand monde de dire à quel point les cigarettiers sont partout :
En politique bien sûr, où ils financent allègrement partis et syndicats. (Des pays comme la Grèce, l'Autriche, la Hongrie, la République Tchèque ou même l'Allemagne_pour ne citer que des pays européens_ sont totalement sous la coupe de Big Tobacco)
Ils ont leurs entrées dans les ministères, les parlements nationaux, au parlement européen et à la commission européenne sachant même qu’ils sont à la manœuvre depuis le début de la construction européenne.
Dans le domaine de la recherche scientifique et universitaire, il y a de quoi en écrire des livres entiers... ( lire le livre "Golden Holocaust" de Robert Proctor et "la fabrique du mensonge" de Stéphane Foucart)
En économie, si la banque mondiale a révélé dans l’un de ses rapports le scandale financier, l’industrie du tabac continue d’influencer grandement son environnement économique, en faisant croire qu'elle est indispensable au budget de l'Etat tout en pratiquant l'évasion fiscale.
Les think tank, dont le mode de financement permet de contourner la loi sur le financement des partis politiques sont pour certains des créations de l’industrie du tabac elle-même (même si c'est difficile d'en apporter la preuve évidemment).
L’institut économique Molinari fournit des recherches qui correspondent aux arguments des cigarettiers, simple coïncidence ou non?
Les médias qui sont presque tous aujourd’hui, c'est induscutable, sous la coupe de grands groupes industriels, sont très souvent complaisants, parfois même complices de l’industrie du tabac.Celle-ci peut en effet compter sur des journalistes et des rédacteurs en chef qui lui sont dévoués. L’exemple le plus gigantesque, nous y reviendrons, est incarné par Rupert Murdoch et News Corporation .
La culture est elle aussi réduite à une marchandise et soumis aux influences des lobbys industriels. L’influence s’exerce principalement par le cinéma, malgré l’interdiction du placement de produits, les films n’ont jamais montré autant de scènes tabagiques (surtout les films français d’ailleurs) toujours positives. D’autres techniques sont utilisées comme le parrainage de musées, de théâtres, d'associations, de groupes de musique...
Pour « le débat d’idées » on peut retrouver quelques éléments tout à fait extraordinaire dans les tobaccodocuments.
Profitons-en à ce stade pour lire un très bel article signé David Leloup et Stéphane Foucart.
"Le colloque s'intitule "Le plaisir est-il en danger ?". Il est organisé, en janvier 1997 à Paris, par Associates for Research into the Science of Enjoyment (Arise, Scientifiques associés pour l'étude du plaisir), une association internationale "de scientifiques et d'universitaires qui débattent de questions liées aux plaisirs légaux". Environ 25 journalistes se déplacent pour écouter psychiatres, professeurs d'université, chercheurs et écrivains en vue discourir "du rôle du plaisir pour réduire le stress et promouvoir la santé". L'historien Jean-Louis Flandrin, alors directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess), intervient par exemple sur le thème : "La table et le sexe en France, du Moyen Age à nos jours".
"Une journaliste très connue a couvert la conférence pour France Inter en concluant qu'"un morceau de chocolat, un verre de vin, une bonne cigarette, ne vous gênez pas ! Au lieu d'être obsédé par la santé, tout le monde devrait être obsédé par le plaisir, qui induit une bonne santé"", précise un mémo de Philip Morris que Le Monde a exhumé des "tobacco documents". Il ajoute : "Le Parisien a également couvert la conférence dans un long article de fond intitulé "Le plaisir, un bon médicament". D'autres papiers suivront dans les nombreux mensuels présents à la conférence."
Le plan secret des industriels du tabac a parfaitement fonctionné. Les journalistes sont tombés dans le panneau. Car les cigarettiers n'ont pas seulement financé des recherches qui leur étaient favorables dont les résultats ont inondé la littérature scientifique. Ils ont aussi réussi le tour de force de faire publier des centaines d'articles positifs pour l'industrie dans les médias. Au moins 846 rien que sur Arise entre 1989 et 2005, dans la presse européenne, australienne et américaine, selon une étude d'Elizabeth Smith (professeure de sciences sociales et comportementales à l'université de Californie à San Francisco) publiée en 2006 dans European Journal of Public Health.
"PETITS PLAISIRS"
Arise était la riposte des cigarettiers au rapport des autorités sanitaires fédérales américaines de mai 1988 affirmant que la nicotine peut créer une dépendance aussi forte que l'héroïne et la cocaïne. Dès que le rapport sort, Philip Morris et Rothmans demandent à David Warburton, professeur de psychopharmacologie à l'université de Reading (Royaume-Uni) et consultant de l'industrie du tabac, de rassembler un groupe international de sociologues, psychologues, éthiciens et scientifiques, dont la mission sera précisément de briser ce lien entre nicotine et drogues dures. L'idée ? Positionner la cigarette sur le même plan que d'autres "petits plaisirs" qui soulagent le stress, comme le chocolat, le café, le vin ou les bonbons.
Arise s'efforcera même de populariser l'idée - biaisée - que le plaisir éprouvé en fumant une cigarette renforce l'immunité puisque fumer soulage le stress, qui, lui, a un effet négatif sur le système immunitaire. Bref, fumer - première cause de mortalité évitable dans le monde - aurait ainsi un effet positif sur la santé : le retournement de réalité est digne d'un roman de George Orwell...
L'organisation de colloques internationaux (Venise, Rome, Amsterdam, Kyoto...), de tables rondes, de sondages d'opinion, et la publication de trois livres offriront ainsi une belle visibilité médiatique à Arise durant les années 1990. Financée par Philip Morris, British American Tobacco, RJ Reynolds, Rothmans et Gallaher, l'association se présente pourtant publiquement comme "indépendante". En 1994, année où elle s'ouvre à l'industrie agroalimentaire, son budget annuel dépasse les 386 000 dollars (414 000 euros courants).
Les archives du tabac révèlent que le sociologue français Claude Fischler, directeur de recherches au CNRS, paraît avoir été instrumentalisé par l'industrie du tabac. En 1993, il est repéré par Hélène Bourgois, la directrice du Groupement de fournisseurs communautaires de cigarettes (GFCC, qui regroupe les majors américains, britanniques et français), qui fait circuler un de ses articles intitulé "L'addiction, un concept à utiliser avec modération ?" au sein de la Confédération des fabricants de cigarettes de la Communauté européenne (CECCM, principal lobby européen du tabac basé à Bruxelles).
"AUX FRAIS DE LA PRINCESSE"
En avril 1997, Claude Fischler est invité par Arise - "aux frais de la princesse", se souvient-il aujourd'hui - pour intervenir à un colloque international de quatre jours à Rome sur le thème : "La valeur des plaisirs et la question de la culpabilité". L'événement se clôture par un cocktail et un dîner de gala à la villa Monte Mario, qui offre l'un des plus beaux panoramas sur la Ville éternelle.
"Cette conférence positionne le tabac comme étant similaire à la nourriture, dont la consommation peut être parfois "risquée", mais qui est essentielle à la vie, contrairement au tabac", commente Elizabeth Smith. L'intervention du sociologue porte notamment sur les "jugements moraux binaires" qui souvent condamnent les aliments pour "le décès éventuel de celui qui les mange" : "M. Fischler perpétue l'argument de l'"inévitabilité" - "les gens qui mangent meurent" - selon lequel il n'y a aucune raison d'éviter de tels produits puisque de toute façon nous mourrons tous. Cela sans se poser la question de savoir comment - paisiblement ou dans la douleur, à la suite d'un cancer du poumon ou d'un diabète ? - ou quand - à 80 ans ou à 60 ans ?", note-t-elle.
Le sociologue se focalise aussi sur les "croyances" concernant ces produits, et sur leur image, plutôt que sur leurs véritables effets sur la santé, "ce qui tend à normaliser leur consommation, poursuit la chercheuse. Enfin, il se focalise sur les consommateurs - le mangeur de sucre solitaire, le fumeur - et leur stigmatisation supposée plutôt que sur les industries qui promeuvent ces produits."
Selon sa déclaration d'intérêts à l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), M. Fischler est actuellement consultant pour Nestlé, Barilla et l'Institut Benjamin-Delessert (créé par le Centre d'études et de documentation du sucre, Cedus, financé par l'industrie sucrière). "Je n'ai jamais été consultant pour l'industrie du tabac et n'ai pas eu de 'collaboration' particulière avec Arise. J'ai juste été invité par David Warburton à parler à un colloque, par l'intermédiaire d'un collègue américain, se souvient le sociologue. J'ignorais que les cigarettiers finançaient l'événement, mais j'avais trouvé bizarre qu'un groupe de gens fume aussi ostensiblement lors des pauses. Je n'avais jamais vu ça à un colloque..."LE MONDE SCIENCE ET TECHNO
" (Fin de citation)
Après ce petit prélude très savoureux, parlons d’Hélène Bourgois Kornel, qui était directrice du GFCC, le Groupement de Fournisseurs Communautaires de Cigarettes en 1992.
C’est l’époque des grandes manœuvres privatisation de la SEITA , batailles autour de la loi EVIN etc…
Visiblement, Madame Bourgois-Kornel apprécie beaucoup le travail de Phillipe Michaud, au point de savoir avant tout le monde ce que celui-ci allait dire deux semaines plus tard ! Le document est confidentiel et forcément interroge…
Plus de 20 années plus tard, le mondedutabac.com, officine de l’industrie du tabac_et des buralistes_ en France pour la communication externe montre que Phillipe Raynaud est toujours suivi avec beaucoup d’intérêt par Big Tobacco
Lecture de week-end : « et on tuera tous les fumeurs »
« Des esprits vides dans des corps sains ? » : c’est le titre consacré par le mensuel – d’opinions tranchées et de débats acérés – Causeur d’Elisabeth Lévy pour son grand dossier de septembre sur notre société et la santé. Et le sous-titre en précise le ton : « alcool, tabac, bagnole : la folie du risque zéro ».
• Le contexte ? Elisabeth Lévy le dessine dans son papier d’ouverture : « L’Etat mène une guerre totale contre le tabac, mais face aux caïds de cité, il n’y a plus personne » (…) « En somme, moins l’Etat est régalien, plus il est maternel. Moins il peut faire, plus il nous dit quoi faire. Comme si, faute de pouvoir agir sur le monde, il lui fallait régir les moindres détails de notre existence ».
• Plus loin, le philosophe et professeur de philosophie et professeur de sciences politiques, Philippe Raynaud (sous le titre « Et on tuera tous les fumeurs ») nous soumet son analyse des fondements « idéologiques » d’un certain type de discours anti-tabac : « le but n’est plus depuis longtemps de protéger des individus concrets mais d’éliminer complètement toute association d’idées positives avec le tabac ».
• Enfin, Claude Le Pen (professeur d’économie de la santé à Paris-Dauphine) « se lâche » dans une interview.
. Sur la politique anti-tabac : « en 1989, l’Etat a commandé à cinq « sages » l’un des premiers rapports importants sur la lutte contre le tabac. Il en est sorti un texte culpabilisateur et prohibitionniste, recommandant non pas de corriger, d’éduquer, d’atténuer ou de réparer, mais d’interdire et d’éradiquer le tabagisme – en somme – d’inventer, une fois de plus, un homme nouveau, moralement supérieur ».
. Sur la cigarette électronique : « on dirait que ce qui pousse le gouvernement à agir, c’est qu’elle puisse donner du plaisir à des gens. Comme s’il y avait dans ce plaisir quelque chose d’un peu scandaleux. La cigarette électronique permet de rétablir deux choses dont les fumeurs ont été privés : le plaisir individuel lié au tabac et la convivialité entre fumeurs et non-fumeurs (…) Une politique de santé publique non moralisante et économiquement rationnelle devrait encourager son utilisation comme substitut à la cigarette ».
. Sur le coût du tabac : « il faut être clair : le tabac coûte cher (…) Cela étant, comment mesurer vraiment ce coût ? Au nombre de « morts anticipées »,c’est à dire aux heures de vie perdues ? Mais une vie peut-elle se mesurer en termes économiques, en volume de production et de consommation ? (…) Elle est aussi un bien que nous voulons en tant que tel, avec des plaisirs qui ont pour nous un certain prix ».
Une autre figure, plus jeune et moins connue apparait dans le dispositif, Myriam Mascarello (qui travaille aujourd’hui pour France 24)
Encore la trace du fameux Robert Molimard, pièce utilisée davantage dans la controverse scientifique.
Tous ces penseurs ont en commun l’oubli (in)volontaire de rappeler que le problème du tabac n’en serait pas (1ère cause de loin de mortalité et de maladies en France et dans le monde) si il n’y avait une industrie derrière, laquelle a quand même été condamnée aux Etats-Unis par la loi anti-mafia . Tout un symbole pour une industrie qui, ne pouvant plus faire de chantage à l’emploi ni récuser la dangerosité de ses produits agite sans cesse le spectre de la prohibition !
Un autre exemple de fabrique de l’opinion a été le fameux appel d’Heidelberg piloté par l’industrie de l’amiante vite rejointe par d’autre notamment l’incontournable Philip Morris. « rien de moins que l’enrôlement, à leur insu, de milliers des plus brillants esprits de notre temps » selon Stéphane Foucart qui a enquêté également sur ce sujet (cf la fabrique du mensonge). « L’appel » est rendu public le 1er juin 1992 à la veille de l’ouverture du sommet de la Terre à Rio.
Ce fut comme d’habitude si j’ose dire l’exemple même d’un tapage médiatique fracassant. Un seul journaliste à l’époque n’est pas tombé dans le panneau, Roger Cans, au Monde. Son article du 19 juin 1992 « Savantes colères.Des scientifiques se mobilisent contre l’écologisme « irrationnel » » est bien sûr tout de suite repéré par l’industrie du tabac.
Luc Ferry attire l’attention de Madame Bourgois-Kornel, non tant sans doute pour son physique avantageux que pour son influence pami les courants de pensée en France
L’appel d’Heidelberg est donc le précurseur de l’argumentaire des fameux climato-sceptiques sont on sait aujourd’hui l’origine industrielle (surtout américaine)
Ces marchands de doute, que ce soit pour le climat ou le tabac sont soutenus par le très influent Rupert Murdoch, patron du 1er groupe de média dans le monde, News Corporation, et membre du conseil d’admnistration de Philip Morris depuis août 1989…
Phillipe Raynaud, que l’on pourrait désormais orthographier Philip Reynolds ou PR (comme Polyarthrite Rhumatoïde, autre maladie du tabac) n’est donc qu’une petite pièce (un pion !) dans le grand échiquier de l’industrie du tabac.
Mais ce "syndrome de Phillipe Raynaud" a contribué et contribue au vrai syndrome de Raynaud, dont l’une des causes les plus terrifiantes (chez le fumeur) la Maladie de Buerger conduit à l’amputation à défaut d’un arrêt total et définitif du tabac. Nos amis angiologues et chirurgiens vasculaires qui n’en sont parfois pas moins des philosophes à leurs heures perdues, apprécieront sans doute avec plus de compréhension pourquoi certains les nomment ayatollah anti-tabac.
Pour finir en beauté, je ne résiste pas au plaisir de vous montrer ceci: