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Billet de blog 15 mars 2013

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Le marché de l'alcool en France

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Combien de milliards d’euros sont dépensés chaque année en France dans des boissons alcoolisées ?

Quelles sont les entreprises du secteur ?

Combien les alcooliers dépensent en publicité chaque année en France?

Combien l’alcool rapporte-t-il à l’Etat sous forme de taxes?

Combien d’emplois dans le secteur « alcool » en France ?

Comment l’alcool contribue-t-il à la balance commerciale ?

Cet article va donc s'intéresser au "poids" du secteur alcool en France. Beaucoup de chiffres, et peut être quelques découvertes...

On ne parlera pas ici des malades et des morts de l'alcool, mais peut être penserez-vous à eux en lisant ce billet...

Combien de milliards d’euros sont dépensés chaque année en France dans des boissons alcoolisées ?

On estime à 42,5 millions les expérimentateurs (12-75 ans) de l'alcool en France. Les usagers réguliers sont estimés à 9,7 millions. Pour mesurer les quantités totales d'alcool consommées par la population, on convertit les volumes des différentes boissons alcoolisées (vin, bières, etc.) en quantité équivalente d'alcool pur ( ainsi 1 "dose" d'alcool correspond à 10g d'alcool)

En 2008, les ménages français ont consacré 15 milliards d’euros, soit en moyenne 1 % de leur budget (ou encore 8,6 % du budget « alimentation ») aux boissons alcooliques (source : Insee).Cependant, il n'est pas pertinent de ne parler que de moyenne, surtout pour les boissons alcoolisées. En effet, de nombreuses personnes ne boivent jamais d'alcool ou très rarement alors que d'autres consomment tous les jours.

Concrètement cela signifie que monsieur Y dépense 100 euros par semaine en boissons alcoolisées, somme que madame X dépense en 1 voire 2 an(s)... Le but du business de l'alcool est donc de fidéliser monsieur Y car il est 50 à 100 fois plus rentable que madame X...

Qui sont donc les buveurs ?

 Il y a  différents "profils" de buveurs en France, avec une proportion de l'ordre de 10% de la population de 12 à 75 ans que l'on considère comme alcoolodépendantes. Il y a donc environ 3 à 5 millions d'alcooliques en France... Difficile de dire précisément car il y a un continuum dans le développement de l'addiction à l'alcool (on devient pas alcoolique aussi vite que dans l'addiction tabagique par exemple)

La consommation de vin a diminué, alors que celle d'alcools forts comme la vodka a augmenté, témoignants de l'ouverture du marché et des changements dans les habitudes de consommer.

Les "jeunes" boivent moins régulièrement que les "vieux" mais pratiquent le binge drinking, nouvelle "mode" qui favorise sans aucun doute le passage dans l'alcoolisme chronique pour certains d'entre eux.

En tout cas, la France est un pays propère pour les vendeurs de boissons alcoolisées, nous allons le voir par la suite.

Quelles sont les entreprises du secteur ? Comment fonctionnent-elles ?

Pernod Ricard, Diageo, ABinBev, LVMH, Rémy Cointreau,Heineken, Carlsberg… et d'autres...

Il n'y a pas (encore) contrairement au tabac, de BIG FOUR ou FIVE, mais les entreprises citées sont des GROS du secteur... Des chiffres d'affaire supérieurs au milliard d'euros, des parts de marché sur tous les continents, des perspectives tout à fait florissantes...

Il est bien loin le temps des petites fabriques locales et artisanales, l'époque est à l'industrialisation, la mondialisation, la concentration, bref la course aux profits !

L’alcool est donc un marché mondial en pleine expansion en particulier en Asie.

Quelques grosses entreprises se partagent ce gigantesque marché, adaptent leurs stratégies commerciales et marketing pour chaque segment avec un panel de marques adaptées à chaque cible, investissent des sommes considérables dans la publicité directe et indirecte.

Ces sociétés sont cotées en bourse dans les différentes places financières mondiales et assurent une profitabilité importante à leurs actionnaires et leurs dirigeants (Objet d'un prochain article...)

En France, le CAC 40 comprend Pernod Ricard et LVMH - Moët Hennessy Louis Vuitton

Les marques Pernod Ricard:

 LVMH regroupe des marques d'alcools comme Hennessy dans le cognac, la vodka Belvedere, les whiskys Glenmorangie, Ardbeg, le rhum 10cane et les alcools blancs chinois Wenjun. Il est très présent dans le vin de Champagne avec Moët & Chandon, Dom Pérignon, Mercier, Veuve Clicquot-Ponsardin, Krug ou la Maison Ruinart. Il a vendu en revanche la Maison Pommery et la Maison Montaudon (mais pas les vignobles qui servaient à sa production).

La production viticole couvre aussi d'autres vignobles avec le Château Cheval Blanc à Saint-Émilion, le Château d'Yquem, le domaine Chandon présent en Californie, en Argentine, au Brésil et en Australie, la marque Cloudy Bay en Nouvelle-Zélande, Cape Mentelle en Australie, Bodegas Chandon, Terrazas de los Andes et Cheval des Andes en Argentine, Newton en Californie et Numanthia en Espagne.(Source: Wikipédia)

Rémy Cointreau, qui figure dans l’indice CAC Mid 60 a réalisé un chiffre d’affaire de 1,026 milliards d’euros sur l’exercice 2011-2012. Lors de son exercice 2006 - 2007, le groupe avait réalisé un chiffre d'affaires de 785,9 millions d'euros

Les marques du groupe sont: Rémy Martin, Louis XIII, Centaure de Diamant, XO,Cointreau, Metaxa, Mount Gay Rum,Passoa, Izarra, St Rémy (Source : Rémy Cointreau)

Le marché étant ouvert, les alcooliers sont présents partout où ils le peuvent, la France n’étant qu’un marché comme un autre.

Faisons un petit tour du côté de la "communication externe" des alcooliers, à destination des investisseurs essentiellement.

 Le groupe Pernod Ricard, « créateurs de convivialité » page d’accueil du site internet

 Publicités Ricard, 80 ans et toujours jaune!

 Diageo (coleader mondial des alcools forts avec Pernod Ricard), la  « compréhension approfondie des clients et des consommateurs » et « célébrer la vie, chaque jour, en tout lieu »

 sans commentaire... 

 Rémy Cointreau, «We seek nothing but Perfection »

c'est beau quand même...

 ABInBeV, « starting conversations »

Depuis 1366, ça fait longtemps quand même... Cela change des boulangers d'en face, artisans de père en fils depuis mars 2004...

Bon mais alors, combien gagnent-ils nos amis alcooliers?

Selon l’Insee , le chiffre d’affaires de la filière alcool française représentait 15,8 milliards d’euros en 2007, dont :

  •  7,4 milliards d’euros pour le secteur des vins, champagnes et mousseux,
  •  4,8 milliards d’euros pour les spiritueux (whisky, rhum…) et les eaux de vie naturelles (cognac, armagnac, etc.),
  •  2,7 milliards d’euros pour la brasserie.

En 2011, le groupe Pernod Ricard a réalisé en France 750 millions d’euros de chiffre d’affaire et emploie en France 2713 personnes (contre 4977 personnes en 1991-1992) dans 15 sites

Le poids économique des spiritueux en France en 2005

- production française : 610 millions de litres = 6,10 millions d'hectolitres (pour les nuls en maths)

- chiffre d’affaires : 4 milliards d’euros ;

- France : 3ème producteur européen, 9ème mondial ;

- ventes sur les marché français : 240 millions de litres (= 2,40 millions d'hectolitres pour les très nuls en maths)

- ventes sur les autres marchés : 370 millions de litres

 Les chiffres sur la consommation de spiritueux en 2009.
Il se serait écoulé 372 millions de litres de ces alcools forts, soit une augmentation de 0,3% par rapport à l'année précédente. En tête des ventes on retrouve tout d'abord le whisky, qui truste 38% de parts de marché avec 142 millions de litres écoulés, viennent ensuite les anisés, avec 29,3% et, loin derrière, la vodka à 5,7%. Selon la FFS le whisky représentait un marché de 1,6 milliard d'euros en 2009, soit une hausse de 23,1% sur 4 ans.

Quelle part pour le secteur des bières ?

Le poids économique des bières en France (source: association des Brasseurs de France – avril 2005)

- la France produit 17 millions d’hectolitres de bière (à titre de comparaison : monde =1400 millions d’hl – Europe : 310 millions d’hl) ;

- elle est le 6ème producteur d’Europe (après l’Allemagne, le Royaume Uni, l’Espagne, la Pologne et les Pays-Bas) ;

- la consommation française en 2004 : 20 millions d’hectolitres ;

- sur les 17 millions d’hectolitres produits, 2 vont à l’export ;

- 5 millions d’hectolitres sont importés.

Une ombre à ce magnifique tableau, c'est que plus de la moitié des emplois directs dans les brasseries ont disparu depuis 1985 : 9 800 en 1985 à 4 300 en 2003.

(Pour les nuls en anglais, il y écrit "bière" sous ce très bel abdomen...)

 Et le vin ??Le poids économique du vin en France en 2005

La production vinicole représente (quelle que soit la couleur du vin d'ailleurs...)

- 1,7 % du territoire réparti sur une trentaine de départements ;

- 189 000 équivalents temps plein (+ 41 000 à 56 400 emplois pour la commercialisation) ;

- 7,5 milliards d’euros en 2003 sur un total de 57,1 milliards d’euros de production agricole

(2ème poste après la production de lait) ;

- la valeur de 100 Airbus à l’exportation.

Sur les 63,4 millions d’hectolitres récoltés et importés, 54 % vont à la commercialisation pour

mise à la consommation en France et 25 % vont à l’exportation. Les 21 % restants ont pour

destination l’industrie, des jus, des prestations viniques ou seront distillés.

Belle propagande non?! Il faut bien vivre m'sieur...

Bon, à propos de propagande, parlons un peu de la publicité...

Combien les alcooliers dépensent en publicité chaque année en France?

Sur l’exercice 2011-2012, le groupe Pernod Ricard a dépensé à lui-seul en France 193 millions d’euros au titre de frais publi-promotionnels (189 millions sur l’exercice 2010-2011)

En 2006 les investissements publicitaires en France en faveur des boissons alcooliques représentaient 306 millions d’euros (données TNS Media Intelligence). La liberté des médias financés par les alcooliers est bien sûr totale...

En 2003, les investissements publicitaires des alcooliers se chiffraient à environ 237 millions d’euros dont :

  • · 72,4 millions € pour les bières ;
  • · 39,5 millions € pour les whiskies ;
  • · 35,1 millions € pour le secteur des vins ;
  • · 30,9 millions € pour les apéritifs ;
  • · 26,9 millions € pour les liqueurs et les fruits à alcool ;
  • · 20,5 millions € pour les champagnes et mousseux ;
  • · 9,7 millions € pour les alcools et eaux de vie ;
  • · 2,4 millions € pour les cidres. (source:OFDT)

Pour se divertir, un petit panorama publicitaire:

 Bon, pour ceux que la publicité laisse de marbre et qui s'interrogent sur la pertinence de la pub, il faut quand même savoir que les alcooliers sont les mieux placés pour savoir si ça marche ou pas... Ils peuvent même suivre l'augmentation des ventes quasiment en temps réel...

Et puis, pensez-vous qu'ils soient suffisamment idiots pour dépenser entre 20 et 30% de leurs chiffre d'affaire pour rien?

Allez, encore un petit effort, on arrive au bout...

Comment l’alcool contribue-t-il à la "balance commerciale" française?

Plus du tiers du chiffre d’affaires de la filière (6 milliards d’euros) est réalisé à l’étranger(source : Insee).

 La France est le premier producteur et exportateur mondial de vin (source :Viniflhor).

Elle se situe au 5ème rang européen pour la production de bière (source :Brasseurs de France), et au 3ème rang européen pour les spiritueux (source : Fédération française des spiritueux).

 Et l'éternelle question du "combien ça rapporte à l'Etat?"

Combien l’alcool rapporte-t-il à l’Etat ?

Le régime fiscal des alcools comprend de nombreux niveaux de taxation liés au degré et au procédé de production. Les vins ne sont taxés qu'à hauteur de 3,55 euros par hectolitre (8,78 euros pour les mousseux). Pour les vins doux naturels, le taux atteint 56,40 euros et grimpe à 223 euros pour les produits dits intermédiaires, tels que le pineau des Charentes. Pour les alcools plus forts, les droits dépendent de la quantité d'alcool pur (1.514 euros par hectolitre d'alcool pur). Les rhums produits dans les DOM ont un taux réduit (859 euros) mais la quantité est contingentée. Une cotisation sociale sur les boissons de plus de 25 degrés s'ajoute pour les alcools, à hauteur de 1,60 euro par litre. Enfin, une taxe frappe les « premix » (110 euros par litre d'alcool pur) qui mélangent alcool et soda

Accises-Fiscalité et taxation   applicables au titre des contributions indirectes

Vins tranquilles 3,55 euros par hectolitre

Vins mousseux 8,78 euros par hectolitre

Produits fermentés autres que la bière, le vin, les   cidres, poirés, hydromels et pétillant de raisins 3,55 euros par hectolitre

Produits intermédiaires 223,51 euros par hectolitre

Vins doux naturels 56,40 euros par hectolitre

Alcools  1.514,47 euros par hectolitre d’alcool pur

Rhums des DOM  859,24 euros par hectolitre d’alcool pur

Bières dont le degré alcoométrique ne dépasse pas   2,8% vol.   1,36 euro par hectolitre et par degré alcoométrique

Bières dont le TAV 1 > 2,8 % vol. et produites   par une petite brasserie indépendante dont la production annuelle est <10   000 HL 1,36 euro par hectolitre et par degré alcoométrique

Bières dont le TAV1 > 2,8 % vol. et produites par   une petite brasserie indépendante dont la production annuelle est >10 000   HL et < 50 000 HL 1,62 euro par hectolitre et par degré alcoométrique

Bières dont le TAV1 > 2,8% vol. et produites par   une petite brasserie indépendante dont la production annuelle est >50 000   HL et < 200 000 HL 2,04 euro par hectolitre et par degré alcoométrique

Autres bières > 2,8 % vol.  2,71 euros par hectolitre et par degré alcoométrique

Cidres, poirés, hydromels et pétillants de raisins  1,25 euros par hectolitre

Par ailleurs:
- Taxe sur la valeur ajoutée : 19,6% à compter du 1er avril 2000.
- Cotisation sécurité sociale sur les boissons alcooliques ayant un titre alcoométrique volumique acquis supérieur à 25% vol : 0,16 euro par décilitre ou fraction de décilitre, soit 1,60 euro par litre.
- Taxe sur les Premix : 11 euros par décilitre d’alcool pur. (ce qui fait pour les nuls en maths 110 euros par litre...)

 Chaque année, les taxes sur les boissons alcooliques (hors TVA) représentent environ 2,5 milliards d’euros, dont près de 80 % proviennent des spiritueux, plus de 10 % sont issus des bières et environ 5 %, des vins (source : Insee).

 Combien d’emplois dans le secteur « alcool » en France ?

La filière alcool représentait près de 500 000 emplois directs ou indirects en France en 2000 (source : Inserm). La France comptait en 2003 environ 540 000 débits de boissons (190 000 débits à emporter, 80 000 restaurants et 270 000 débits à consommer sur place) (source : DGDDI)

PS:

Coût des soins pour l’alcool : 6,15 milliards d’euros (contre 18,3 milliards pour le tabac).

Coût social estimé de l’alcool : 37,4 milliards d’euros (2,37 % PIB) (contre 47,7 milliards d’euros pour le tabac, soit 3,05 % du PIB)

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