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Billet de blog 25 septembre 2013

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La fabrique du mensonge: quand l'Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière s'invite dans la revue du praticien

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous avions il y a quelque temps fait tomber les masques de l’institut du cerveau et de la moelle épinière, nous allons aujourd’hui tenter d’analyser l’une de ses ramifications, à savoir l’essaimage d’articles dits scientifiques dans des publications à destination des médecins.

La revue du praticien (revue diffusée à environ 14 000 exemplaires) de mai 2013 à consacré une monographie intitulée « avancées en neurologie » à la lumière des neurosciences. Je dois avouer que dès ce moment une sorte de pressentiment m'a fait penser d'emblée à l'institut du cerveau et de la moelle épinière cette sombre prédiction c'est malheureusement avérée juste. Et c'est un euphémisme.

Presque 40 pages de pur bonheur, carte blanche pour l'institut du cerveau et de la moelle épinière pour inonder de son génie les esprits influençables_ même si beaucoup s'en défendent_ des médecins. ( les marketeurs appellent cela le "condition branding", appelons tout cela simplement falsification ou manipulation)

L' introduction signée Yves Agid pose le décor.

« Dans l'avenir, ces avancées scientifiques impliqueront des choix politiques difficiles mais nécessaires. Comment nos institutions pourront-elles concilier nos ambitions scientifiques et les contraintes financières inhérentes à ces avancées comment développer à la fois l'exploitation industrielle (industrie pharmaceutique, biotechnologies) avec une finalité de santé publique, et assurer dans le même temps la liberté de création dont on sait qu'elle est nécessaire pour la recherche innovante qui seule par les grandes découvertes ? Comment renforcer une recherche coûteuse qui dépend d'une technologie de haut niveau (biologie moléculaire, thérapie génique, neurochirurgie) présente dans les pays les plus développés, alors qu'un tout autre type de recherche est nécessaire dans les contrées les plus pauvres afin d'éradiquer les grands fléaux que sont l'infection par le VIH, la tuberculose, le paludisme ? Comment financer la recherche pour les maladies rares (maladie de Huntington, myopathies) affections paradigmatiques qui sont source de progrès médicaux,et en même temps mettre en place de vastes programmes de santé publique dont l'impact social est à court terme pour des maux qui intéressent lasociété (toxicomanie, psychiatrie de l'adolescent, maladies génétiques du jeune enfant, tragédie pathologique du grand âge) ?

Serons-nous capables d'assurer simultanément le développement de la recherche préclinique chez l'homme (phase II)  dans les centres d'investigation clinique, de créer de vastes réseaux de recherche clinique et scientifique à l'échelle  européenne, de former les jeunes neurologues et psychiatres à la recherche, de multiplier les coopérations avec l'industrie, et en même temps de résoudre le problème éthiques nouveaux qui ne manqueront pas d'apparaître, précisément en raison de ces avancées scientifiques ?

Notons au passage, c’est écrit en bas de page (633) « Y.Agid déclare recevoir des honoraires de consultant des laboratoires Servier »

Nulle mention de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière né chez Philip Morris International à la fin des années 90.

Ce doit être un problème de démence débutante à moins qu’il ne s’agisse d’un oubli volontaire. Il devrait aller consulter chez Olivier Lyon-Caen qui pourrait confirmer (ou non) le "diagnostic d’anosognosie" !

Ceci expliquant peut-être cela, à savoir que les 40 pages consacrées aux « Avancées en Neurologie, A la lumière des neurosciences » ne consacrent pas un article ni même un paragraphe sur les pathologies du système nerveux (et elles sont nombreuses) hautement évitables puisque liées au tabagisme.

Seulement une fois, page 637, dans le paragraphe sur les "Facteurs de risques génétiques et interactions avec l’environnement"dans la maladie de Parkinson.

Et encore pour dire que le tabagisme est… protecteur !

L'auteur nous explique tout naturellement que "le poids des facteurs environnementaux est également important dans la maladie de Parkinson: l'exposition aux pesticides majore le risque alors que la consommation tabagique le réduit. " (vous noterez la sublitité de consommation tabagique vs intoxication tabagique)

Ce serait intéressant de faire une nouvelle méta-analyse des facteurs de risque dans le Parkinson en excluant les travaux financés par l’industrie du tabac ( un peu comme on le fait dans le démence sénile autrement appelée aujourd'hui Alzheimer).

Effectivement c'est scandaleux d’affirmer que le tabagisme est protecteur de la maladie de Parkinson.

Quelle plausabilité biologique (physiopathologie)? (Vu que le caractère neurotoxique de la fumée de cigarette by "Bigtobacco" n’est plus à prouver)

Que montrent les publications NON financées par l’industrie ? (les biais de publication et l'effet de financement jouent des rôles très importants et systématiquement cachés pour des raisons évidentes par les auteurs peu scrupuleux)

Les biais de sélection, les facteurs de confusion ont-ils été pris en compte ?

Sachant que « la maladie de Parkinson » se déclare chez le sujet âgé de 60 à 70 ans voire plus et en sachant qu’ à ces âges il y a environ un fumeur sur quatre qui est déjà décédé, mathématiquement il y moins de gens fumeurs qui sont diagnostiqués maladie de Parkinson puisque une bonne partie est déjà décédée à cet âge.. (C'est d'ailleurs cet argument nauséabond qui nous est vendu par les tenanciers du statu quo pour justifier "économiquement" le tabac: moins de retraites à payer...)

 Le texte de cet article n'est pas signé Agid mais David Grabli (également de la Pitié) et qui on l'imagine a du être relu avec attention par Yves Agid ou je ne sais quelle sommité de l’ICM avant d'être envoyé à la revue du praticien...

Comme il est drôle de voir Yves Agid s'interroger sur "des problèmes éthiques nouveaux qui ne manqueront pas d'apparaître " alors que celui-ci viole ostensiblement l'obligation de déclaration de conflit d'intérêt et piétine la déontologie médicale en occultant des pans entiers des neurosciences:

Introuvables dans cette revue les traveaux d'éminents chercheurs qui étudient les ravages de la publicité sur les comportements, d'une façon plus globale les effets de la télévision sur le cerveau ou les effets des polluants environnementaux (tabagisme, pesticides, aluminium, certains médicaments etc...) pas un mot non plus sur le baclofène dans le traitement des addictions.

Bref pas un mot qui pourrait faire tâche dans ce positivisme totalitaire: il s'agit surtout de ne pas mordre la main de celui qui vous nourrit...

Agid préfère mélanger tout et n'importe quoi (avec un langage "opérationnel" très polissé et "unidimensionnel" )

L’homme unidimensionnel Herbert Marcuse

 notamment la confusion (entretenue surtout par l'industrie pharmaceutique) à savoir que les scientifiques et les industriels sont semblables et poursuivent les mêmes objectifs. 

A l'instar d'un communiqué du ministère de la santé diffusé largement par Bigpharma ( appelée plus "RSE" "LEEM" ) qui précisait le 21 mai 2013 "les relations entre professionnels de santé et industrie sont indispensables au progrès médical et leur reconnaissance est un instrument de confiance entre le citoyen et le système de santé "

Pour celles et ceux que ce genre de langue de bois interpelle, je recommande la lecture de Bigpharma, livre passionnant sorti il y a moins d'un mois.

Au sujet de création de « vastes réseaux de recherche clinique et scientifique à l'échelle européenne » il faut tenter d'apporter  quelques éclaircissements .

A la lumière non des neurosciences mais d'une petite enquête il s'avère qu'au niveau européen précisément,vers la fin des années 90, un grand projet de collaboration scientifique publique avait été lancé et ses responsables avaient commencé à contacter des scientifiques dont le domaine de compétence touchait de près ou de loin les neurosciences. Un jour, un scientifique du CNRS qui avait été contacté et donné son accord  rappelle son interlocuteur (n'ayant plus de nouvelle de ce projet), et celui-ci lui annonça que le projet était enterré.  Pourquoi ?

Réponse: "Parce que les neurologues français s'y étaient opposé. "

Où trouvait-on déjà les leader d'opinion en neurologie en France il y a 15 ans?            Et bien à la Pitié-Salpêtrière…

Ce qui signifie peut-être que le projet d'institut du cerveau et de la moelle épinière initié par Philip Morris International était déjà dans les tuyaux depuis la fin des années 1990 et que "naturellement" tout a été fait pour bloquer ce grand projet européen public qu'ils (les têtes pensantes de la Philip Morris Family) ne pourraient pas directement contrôler...

De pareilles accusations sont graves mais à ce niveau les coïncidences nombreuses ne laissent guère d' autres hypothèses. Car de A à Z la création de l'ICM a été pensée, construite, organisée et planifiée par un nombre très limité de personnes parmi lesquelles Louis Camilleri  bien sûr, Gérard saillant et très vraisemblablement un ou plusieurs neurologues de la Pitié-Salpêtrière dont Yves Agid.

L' ironie que dis-je la schizophrénie réside dans l'édito de Jean Deleuze rédacteur en chef de la revue du praticien celui de ce numéro 2013 qui déplore à juste titre l'absence de politique de santé publique  je cite « on reste confondu devant le peu d'intérêt porté aux deux principales causes de mortalité et de morbidité évitable que sont le tabagisme et une consommation excessive d'alcool » fin de citation

Quelques pages plus loin en effet  il y a de quoi  rester confondu devant ce qui se fait de pire en matière de détournements de science et de conflit d'intérêts.

Dans la fabrique du mensonge le journaliste Stéphane Foucart  écrivait au passé que l'industrie du tabac Philip Morris international en tête, avait corrompu depuis les années 50 des pans entiers de publications scientifiques internationales.

Sans doute pensait-il que tout cela était terminé. D’ailleurs pourquoi ?  Car jamais l'industrie du tabac n’a été aussi florissante...

Espérons que « le monde » l’employeur de Stéphane Foucart, qui ne cesse de vanter l'institut du cerveau et de la moelle épinière depuis sa création avec notamment un portrait  véritablement hagiographique d’Olivier Lyon Caen l’actuel conseiller santé du président saura reconnaître son erreur… Cela est aussi vrai pour les autres médias. ( que l’on devrait appeler banalement canaux de propagande et de lavage de cerveaux)

Car sinon cela signifie que Philip Morris International a réussi à gagner son pari, réussir en quelques années, avec relativement peu de moyens (en proportion de ceux de Bigtobacco bien sûr !)  à corrompre la science et la recherche notamment en l’orientant dans des domaines qui visent à disculper l’industrie ( et en cas de procès en France contre eux, ils pourront toujours faire témoigner leurs experts de l’ICM…) de faire de l'argent car c'est bel et bien de corruption organisée dont il s'agit (outre le détournement de fonds publics qui finance cet institut)

PS: visiblement la recherche avance...

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