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Billet de blog 10 mars 2024

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Raymond Dixmier, de Clermont à l'enfer du camp de Mittelbau-Dora

Résistant en Auvergne, mon grand-père a survécu à sa déportation. Voici son histoire. Cette histoire, il ne l'a pas racontée lui-même. Disparu en 1973, mon grand-père Raymond Dixmier ne l'a jamais détaillée à ses proches. Des menus détails, comme la peur des tunnels, qui lui rappelait son séjour vers l'indicible.

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Illustration 1
Raymond Dixmier, ancien membre de la Résistance intérieure française, en visite aux Etats-Unis en mai 1957 © Archives familiales/Victor Dixmier

Cette histoire il ne l'a pas racontée lui-même. Disparu en 1973, mon grand-père Raymond Dixmier ne l'a jamais détaillée à ses proches. Des menus détails, comme la peur des tunnels, qui lui rappelait son séjour vers l'indicible, un camp usine installé...dans un tunnel dont personne, ou presque, ne parlait après 1945.

Ce puzzle de la mémoire a a été reconstitué en 2020 par l'équipe de chercheurs de Laurent Thiery dans l'ouvrage sur les 9000 déportés de France vers le camp de concentration de Mittelbau-Dora.

Ingénieur et membre de la Résistance française, il a survécu aux horreurs de la déportation, puis à une "marche de la mort" lors lors de l’évacuation du camp par les Nazis en 1945.

 Des racines en Auvergne

Raymond Dixmier est né le 30 novembre 1913 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Il est le fils de Michel Dixmier (1890-1914), électricien, et de Marie-Antoinette Barse, une employée aux usines Michelin. Raymond grandira sans son père :  Michel Dixmier, sergent au 305e régiment d'infanterie, est décédé le 8 septembre 1914 à Puisieux (Seine-et-Marne) dans les premières semaines de la Première Guerre Mondiale.

Après son baccalauréat, Raymond Dixmier poursuit ses études à l’école normale des instituteurs, d’où il est renvoyé en janvier 1931 pour "indiscipline et propagande communiste". Il change alors d’orientation et devient ingénieur. Il travaille ensuite au ministère de l’air dans les télécommunications.

Raymond Dixmier épouse le 7 juin 1937 Cécile Nagelgerg (née à Lvov, en Pologne, le 3 juillet 1911, décédée à Gentilly en 2015) à la mairie du 5e arrondissement de Paris. Cécile est une jeune femme juive, mais non pratiquante. Quant à Raymond, il est athée.

Raymond et Cécile ont eu deux enfants : Michel Dixmier (né le 1er aout 1943), enseignant, et Claire Dixmier (1946-2022), psychosociologue et musicienne. La famille est d’abord domiciliée à Clermont-Ferrand, au 62 boulevard Aristide Briand.

Après 1945, Raymond et Cécile Dixmier résident à Gentilly (Val-Marne).

La Résistance dans le mouvement Franc-Tireur

 En 1933, Raymond Dixmier effectue son service militaire à la caserne du 92e régiment d’infanterie de Remimeront dans les Vosges. Mobilisé comme soldat de 2e classe, il participe à la campagne de France au 4e bataillon de mitrailleurs.

Capturé le 14 juin 1940 à Verdun, il est interné au Stalag VI-D à Dortmund, en Allemagne. Evadé, il est rapatrié le 7 août 1941 et rejoint Sathonnay, situé à quelques kilomètres au nord de Caluire, près de Lyon. 

Fin 1941, il a rejoint le mouvement Franc-Tireur sous les ordres d’Henry Ingrand. En octobre 1942, il rejoint un autre mouvement de résistance, le Mouvement de Libération nationale (MNL), et en mars 1943 il en devient responsable régional.

Arrêté par la Gestapo

Le 29 décembre 1943, cinq ou six agents de la Gestapo l’interpellent place Gaillard, à Clermont-Ferrand, suite à une dénonciation. Sans jugement, il est écroué à la caserne du 92e régiment, où il est torturé pendant ses interrogatoires. Transféré par train de nuit, il arrive au camp de rassemblement de Royallieu à Compiègne le 17 janvier 1944.

Le 22 janvier 1944, Raymond Dixmier est déporté vers le camp de Buchenwald (Allemagne) comme 2000 prisonniers, dans le cadre de l’opération Meerschaum, dans des wagons à bestiaux surpeuplés et irrespirables. C’est le 7e convoi entre les camps de Compiègne et Buchenwald. Dépouillé de tout, Raymond Dixmier se déclare ingénieur en électricité et devient le matricule 42947.

Le 17 février 1944, il est affecté au Kommando de Dora. Il est astreint au travail comme électrotechnicien sur les chaines d’assemblage des fusées A4-V2.

Il surmonte les horreurs de la déportation jusqu’à l’évacuation du camp le 5 avril 1945 : Raymond Dixmier entame une « marche de la mort » à pied ou en convoi ferroviaire, sans ravitaillement et sans eau, sous le contrôle des SS et sous les bombardements. Le 14 avril, il atteint le camp de Ravensbrück (Allemagne), où il reçoit un nouveau matricule, le 13627.

Le 24 avril, le calvaire se poursuit et il repart sur les routes en direction de la mer Baltique. Il parvient à s’évader d’une colonne de déportés à Stolpe, près de Parchim et Ludwiglust. (Allemagne, dans le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale).

Libéré le 4 mai 1945 par une armée alliée, il est rapatrié en France le 13 et passe par le centre d’accueil de Lille (Nord). Il pèse à peine une cinquantaine de kilos.

En 1951, il reprend son métier d’ingénieur. Il s’éteint le 12 octobre 1973 à Rueil-Malmaison (Seine).

Une rue en hommage près de Clermont...et un oncle résistant

Le 25 avril 1946, Raymond Dixmier est décoré de la médaille de la Résistance. Autre hommage : la commune de Cébazat (Puy-Dôme), toute proche de Clermont-Ferrand, a dédié une rue à Raymond Dixmier et à son oncle, Arsène Dixmier (1888-1974) également résistant en Auvergne.

Chef de gare et maire de Saint-Beauzire (Puy-de-Dôme), connu dans la Résistance sous le nom de « Limagne », Arsène Dixmier est lui aussi revenu de sa déportation au camp de Buchenwald.

La bravoure d'Arsène lui a valu la médaille de la Résistance française.

Raymond et Arsène reposent tous deux dans le caveau familial de Cébazat (Puy de Dôme).

Pour en savoir plus sur Arsène Dixmier

En savoir plus sur les 9000 déportés de France du camp de Mittelbau-Dora

En savoir plus sur Dora : le documentaire "Les ombres de Dora"

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