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Billet de blog 10 octobre 2022

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Affaire Adrien Quatennens, le problème n'est pas forcément où on le croit

Il y a encore 10 ou 20 ans, le grand public n’en aurait probablement pas entendu parler. Comment ce qui aurait pu et du rester un simple incident dans une affaire de divorce, révèle plusieurs des tares de la société contemporaine et l’état grave de nos médias de masse.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis la mi-septembre, nous vivons un feuilleton insensé que les médias nous repassent encore et encore. Tout cela parce qu’une fois, dans une dispute, au cours d’une campagne politique extrêmement intense, après deux ans de restrictions historiques, pendant un divorce, un jeune député Français a une fois giflé sa femme1. Comment, pour une seconde d’erreur, peut-on en être arrivés à mettre Adrien Quatennens au rang de criminel, et à presque briser sa carrière si prometteuse ?

Aujourd’hui, il semble que tant de personnes n’aient plus aucun recul ni faculté à relativiser, à mettre en perspective. Le règne du présumé coupable n’est pas la société que nous voulons pour demain.

Cette tendance est indissociable de la surinformation, un problème majeur auquel la société est de plus en plus confrontée depuis au moins deux bonnes décennies. Elle est révélatrice de la capacité médiatique a monter des affaires, des procès dans un contexte où la hiérarchisation de l’information a pratiquement cessé d’exister. Et aussi une mise en garde sur la façon d’envisager le monde et les personnes qui nous représentent. À force d’exiger la perfection de nos meilleurs élus, ce sont finalement les pires qui nous gouvernent.

Plutôt que d’être obsédés par ce geste d’Adrien, souvenons-nous de tout ce qu’il a fait d’autre, et de tout ce qu’il n’a pas fait. Au vu des informations dont nous disposons actuellement, rien n’indique qu’Adrien Quatennens soit pas un pervers, ni même un mari violent. Les faits qui lui sont reprochés ne sont pas à mettre au même niveau que les déboires d’un autre politicien français à New-York en 2011, ni que les scandales liés à un ancien Premier Ministre Italien, démissionnaire la même année. Adrien Quatennens est en revanche un jeune député brillant, capable d’accomplir tant de choses, qui a le courage d’attaquer le Grand Capital et ses combines. Voilà la principale raison de ce procès médiatique outrancier qui lui est fait. Parce que les principaux médias sont à 90 % détenus par une poignée de milliardaires, des ultra riches qui ont tout intérêt à éliminer politiquement l’un des membres les plus éminents de l’opposition. Et pendant ce temps, tous les actuels Ministres sous le coup d’enquêtes pour des faits nettement plus graves sont maintenus à leur poste au Gouvernement, et de ce fait autorisé à poursuivre leurs activités.

Adrien et Céline ont commis des erreurs, comme cela peut malheureusement arriver dans un couple. Beaucoup de choses intelligentes auraient néanmoins pu être dites au sujet des Quatennens. À commencer sur la scandaleuse révélation publique par les grands médias de l’existence d’une main courante, qui a pour objectif avant tout de protéger la personne qui l’a déposée. Quant est-il du secret, de la séparation entre vie publique et vie privée ? Surtout qu’il ne s’agit pas d’une plainte, et que le divorce n’a pas encore eu lieu. Même venant de la presse à scandale, cela n’aurait pas été acceptable.

Certain.e.s auraient également pu en profiter pour s’attaquer au mariage, dire que c’est une perversion de la vie de couple, capable de corrompre les relations même chez d’honnêtes gens, comme les Quatennens. Qu’il s’agit d’une mise en scène type de l’ère victorienne, du flicage à l’ancienne de la vie sociale, d’un pilier du patriarcat, l’héritage d’une société que l’on doit dépasser. Ou tout simplement pour rappeler à quel point deux ans de confinements, de restrictions diverses et d’angoisses télédiffusées en continu ont pu détériorer la vie de couple de millions d’individus à travers le monde.

Mais comme trop souvent, tant de grands médias ont choisi un fait divers, qui fait idéalement diversion, accessoirement dans le but de faire échouer l’une des mesures phares de La France Insoumise et de la coalition NUPES, à savoir d’attribuer un milliard d’euros à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Faire diversion, s’en prendre à l’opposition plutôt que d’enquêter sur celles et ceux qui nous gouvernent déjà. Peopolisation et voyeurisme d’un journalisme dégradé, pourvoyeur d’informations à sensations, pour la plupart inutiles et qui nous empêchent de nous concentrer sur l’essentiel. Le geste d’Adrien Quatennens ne peut en aucun cas être soutenu, mais il ne menace pas non plus l’intégrité de la nation. Sa surmédiatisation contribue à faire oublier le plus grave. Pourra t-on encore se loger, se chauffer décemment, manger sans compter, lorsque l’hiver viendra ? Et si ce n’est pas le cas, à qui la faute, finalement ? Certainement pas Adrien. Pas plus qu’a Julien d’ailleurs.

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1Déclaration d’Adrien Quatennens publiée notamment sur son compte Twitter https://twitter.com/AQuatennens/status/1571423829515436033?cxt=HHwWgoDQ3bXp6M4rAAAA

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