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Moi qui suis un athée très anticlérical
Lorsque vient le printemps, j’aime l’agneau pascal.
J’aime sa chair gorgée de toutes les fragrances
Qu’exhalent les collines entre Rhône et Durance,
J’aime le jus coulant de cette peau dorée
Fleurant l’ail et le thym. J’aime le dévorer,
Oui mais avant cela, encor faut-il le cuire
Comme on fait en Provence. Je m’en vais vous le dire.
Prenez donc un gigot d’agneau de Sisteron
D’environ deux kilos, au cuissot doux et rond.
Coupez six gousses d’ail dégermées en lamelles,
Glissez-les sous la peau avec votre Opinel ;
Dans un hecto de beurre fondu demi sel
Vous mélanger cumin, thym, poivre, peu de sel ;
Enduisez le gigot avec cette pommade,
Et laissez reposer dans cette marinade
Trois heures de pendule ; mieux : la nuit au frigo,
Pour que tous ces parfums pénètrent le gigot.
Placé votre appareil dans un plat bien beurré
Dans votre four réglé sur cent-trente degrés.
Laissez cuire deux heures en le tournant souvent
Il va se colorer et cuire doucement,
Puis baisser votre four sur 110 ou sur Un
Tournez et arrosez lorsque c’est opportun,
Laissez encore cuire pour une heure et demie
Sur la fin vous salez avec parcimonie.
Cette cuisson très douce va sublimer la viande
Qui restera rosée, bien juteuse et gourmande.
Coupez « à la française » : angle droit avec l’os,
Pour que ça reste chaud, vous servez rapidos
Avec des flageolets réchauffés dans le jus
Mais cèpes et girolles sont aussi bienvenus !
Buvez très largement de la tété d’automne
Ces vins de large soif de la Côte-du-Rhône,
Et pour laisser le monde des maigres, des sans-goûts,
Alors resservez-vous !
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Et puis, tout en festoyant, rappelons-nous :
La chanson de Craone
Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut en baissant la tête
- Refrain :
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés
Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et le silence
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes
- Refrain -
C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu d'se cacher tous ces embusqués
Feraient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien
Nous autres les pauv' purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr' les biens de ces messieurs là
- Refrain :
Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s'ra votre tour messieurs les gros
De monter sur l'plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau
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