D’abord ce brave volcan islandais qui nous fout une glorieuse merde dans les transports aériens, montrant ainsi que la Terre a encore de sacrés ressources pour remettre à sa place ce poulet sans poils appelé « humain » et qui plante la zone partout où il grouille. Des transports qui ne servent pas à grand-chose : des tpouristes qui vont saloper des pays de rêve, des « hommes d’affaires » souvent glauques qui se rencontrent pour plumer un peu plus le pingouin, des tonnes de produits à bouffer faisant des milliers de km pour passer du champ de l’esclave dans l’assiette de l’obèse… Quel malheur ! Les gros cons ,ne peuvent pas se réveiller à Istamboul, bouffer à midi à Paris et aller au putes le soir à New-York… Les avions restent cloués au sol ? Extra ! Les riverains des aéroports respirent, le ciel n’est plus égratigné, des milliers de tonnes de pétrole ne sont plus gaspillées.
Tiens ! Ça nous amène à la seconde bonne nouvelle : l’augmentation du prix du pétrole. La difficulté croissante à étancher la soif planétaire en pétrole est chaque jour plus évidente. Le Nord pompe à tour de bras depuis près de cent cinquante ans, et le Sud aspire logiquement à le rejoindre. La consommation mondiale, les formidables tensions géopolitiques, tirent le prix du baril vers le haut dans une spirale infernale. Cette situation provoque des raisonnements en noir et blanc. Les optimistes parient que la technologie, l'argent dégagé par un pétrole cher, doperont l'exploration et la découverte de nouveaux gisements. Les autres voient le compte à rebours déjà enclenché, le monde consommant presque autant en vingt ans qu'il ne l'a fait depuis la construction du premier derrick : technologie ou pas, d'ici deux décennies, peut-être même une seule, l'or noir aura quasiment disparu. Et bien avant cela la carte politique du monde risque d'être profondément bouleversée, car les pays assoiffés d'or noir n'assistent pas les bras ballants au désastre annoncé.
Et si, pourtant, ce baril hors de prix avait des vertus ? Aujourd'hui, personne ou presque ne se soucie de consommer mieux, c'est-à-dire de consommer moins de ressources et surtout d'énergie. En dépit d'un engouement sans précédent, les énergies «propres», sans hydrocarbures ni déchets à long terme, ne pèseront au mieux que 2 % de la consommation mondiale en 2030. Même l'atome n'y pourra rien. Pourtant, la Chine, l'Inde, l'Europe, n'en finissent pas de planter des moulins à vent ; le Brésil fait tout pour sucrer ses moteurs et ceux du reste du monde ; et les adeptes du diesel à huile découvrent des qualités à la friture.
Un pétrole cher, c'est l'assurance que les milliers de projets, d'expériences du moins consommer, ou du consommer autrement, ne seront plus de simples gouttes d'eau réservées à quelques bobos. La plupart des idées qui germent ici et là n'attendent plus qu'un petit coup de pouce et beaucoup de pédagogie : est-il normal que l'Autriche affiche trois fois plus de chauffe-eau solaires que la France ? Est-il raisonnable d'utiliser des hordes de camions quand le rail a prouvé depuis longtemps son efficacité ? Est-il judicieux que les ingrédients d'un simple pot de yaourt parcourent plusieurs milliers de kilomètres avant d'atterrir sur nos tables ? Est-il légitime de dégrader les côtes chiliennes en quelques années pour assouvir l'appétit de saumon des Européens?
Le choc pétrolier dont nous vivons les prémices exige des politiques ambitieuses, pour forcer les uns, et accompagner les autres. Mais on ne les voit se dessiner ni en France ni en Europe ni ailleurs. La cure de désintoxication au pétrole aujourd'hui, la panne sèche demain, seront d'autant plus violentes que les responsables politiques auront gardé leurs œillères. Pourtant, le développement durable, trop souvent considéré à tort comme un simple thème en vogue, ambitionne d'instaurer un état universel de bien-être en «écologisant», en humanisant l'économie. Chacun, politiques en tête, récite sans se tromper la définition du développement durable : «Un type de développement qui permet de satisfaire les besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.» Mais voilà, chacun voit la durabilité à sa porte. Si nous ne faisons rien, demain, le baril sera à prix d'or quand le sevrage sera impossible et le climat en surchauffe. Alors aujourd'hui, ce pétrole déjà cher est l'occasion ou jamais de changer notre monde.
Vive le volcan et le pétrole cher, donc!