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Pierre Louÿs
LA FEMME
Ex libris, nequam scriptoris
His libellus, o clitoris,
Ad limen te mittat oris.
Madame, vois l'ex-libris
D'un auteur français, qui peut-être
A mouillé votre clitoris
Plus d'une fois sans vous connaître.
L'ORCHIDÉE
Une fleur a mangé ton ventre jusqu'au fond
Sa tige se prolonge en dard sous les entrailles
Fouille la chair de sa racine et tu tressailles
Quand aux sursauts du cœur tu l'entends qui répond
C'est une fleur étrange et rare, une orchidée
Mystérieuse, à peine encore en floraison
Ma bouche l'a connue et j'ai conçu l'idée
D'asservir sous ses lois l'orgueil de ma raison.
C'est pourquoi, de ta fleur de chair endolorie,
Je veux faire un lys pur pour la Vierge Marie
Damasquiné d'or rouge et d'ivoire éclatant,
Corolle de rubis comme une fleur d'étoile
Chair de vierge fouettée avec des flots de sang
Ta Vulve rouge et blanche et toute liliale.
LA VULVE
I. LES POILS
Un rayon du soleil levant caresse et dore
Sa chair marmoréenne et les poils flavescents
Ô que vous énervez mes doigts adolescents
Grands poils blonds qui vibrez dans un frisson d'aurore.
Quand son corps fatigué fait fléchir les coussins
La touffe délicate éclaire sa peau blanche
Et je crois voir briller d'une clarté moins franche
Sous des cheveux moins blonds la chasteté des seins,
Et sous des cils moins longs les yeux dans leur cernure.
Car ses poils ont grandi dans leur odeur impure
La mousse en est légère et faite d'or vivant
Et j'y vois les reflets du crépuscule jaune ;
Aussi je veux prier en silence devant
Comme une Byzantine aux pieds d'un saint icône.
II. LES POILS
Quand j'énerve mes doigts dans vos épaisseurs claires
Grands poils blonds, agités d'un frisson lumineux,
Je crois vivre géante, aux âges fabuleux
Et broyer sous mes mains les forêts quaternaires.
Quand ma langue vous noue à l'entour de mes dents
Une autre nostalgie obsède mes narines :
Je crois boire l'odeur qu'ont les algues marines
Et mâcher des varechs sous les rochers ardents.
Mais mes yeux grands ouverts ont mieux vu qui j'adore :
C'est un peu d'océan dans un frisson d'aurore,
La mousse d'une lame, un embrun d'or vivant,
Flocon vague oublié par la main vénérée
Qui façonna d'écume et de soleil levant
Ta peau blanche et ton corps splendide, Cythérée !
III. LE MONT DE VÉNUS
Sous la fauve toison dressée en auréole
À la base du ventre obscène et triomphant,
Le Mont de Vénus, pur ainsi qu'un front d'enfant,
Brille paisiblement dans sa blancheur créole.
J'ose à peine le voir et l'effleurer du doigt ;
Sa pulpe a la douceur des paupières baissées
Sa pieuse clarté sublime les pensées
Et sanctifie au cœur ce que la chair y voit.
Ne t'étonne pas si ma pudeur m'empêche
De ternir l'épiderme exquis de cette pêche,
Si j'ai peur, si je veux l'adorer simplement
Et, penché peu à peu dans les cuisses ouvertes,
Baiser ton Vénusberg comme un saint sacrement
Tel que Tannhäuser baisant les branches vertes.
IV. LES NYMPHES
Oui, des lèvres aussi, des lèvres savoureuses
Mais d'une chair plus tendre et plus fragile encor
Des rêves de chair rose à l'ombre des poils d'or
Qui palpitent légers sous les mains amoureuses.
Des fleurs aussi, des fleurs molles, des fleurs de nuit,
Pétales délicats alourdis de rosée
Qui fléchissent, pliés sur la fleur épuisée,
Et pleurent le désir, goutte à goutte, sans bruit.
Ô lèvres, versez-moi les divines salives
La volupté du sang, la chaleur des gencives
Et les frémissements enflammés du baiser
Ô fleurs troublantes, fleurs mystiques, fleurs divines,
Balancez vers mon cœur sans jamais l'apaiser,
L'encens mystérieux des senteurs féminines.
V. LE CLITORIS
Blotti sous la tiédeur des nymphes repliées
Comme un pistil de chair dans un lys douloureux
Le Clitoris, corail vivant, cœur ténébreux,
Frémit au souvenir des bouches oubliées.
Toute la Femme vibre et se concentre en lui
C'est la source du rut sous les doigts de la vierge
C'est le pôle éternel où le désir converge
Le paradis du spasme et le Cœur de la Nuit.
Ce qu'il murmure aux flancs, toutes les chairs l'entendent
À ses moindres frissons les mamelles se tendent
Et ses battements sourds mettent le corps en feu.
Ô Clitoris, rubis mystérieux qui bouge
Luisant comme un bijou sur le torse d'un dieu
Dresse-toi, noir de sang, devant les bouches rouges !
VI. L'HYMEN
Vierge, c'est le témoin de ta virginité
C'est le rempart du temple intérieur, ô Sainte !
C'est le pur chevalier défenseur de l'enceinte
Où le culte du Cœur se donne à la Beauté
Nul phallus n'a froissé la voussure velue
Du portail triomphal par où l'on entre en Dieu
Nul homme n'a connu ton étreinte de feu
Et le rut a laissé ta pudeur impollue.
Mais ton hymen se meurt, ses bords se sont usés
À force, nuit et jour, d'y boire des baisers
Avec l'acharnement de la langue farouche.
Et quelque jour, heurtant le voile exténué,
Le membre furieux dardé hors de ma bouche
Le déchiquettera comme un mouchoir troué.
Pierre Louÿs
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