
Hélène
Lorsque la belle Hélène, femme de Ménélas,
Fut ravie par Pâris, elle goûta l’extase.
Ravie d’être ravie, la pétulante Hélène
Suivant le beau Pâris, courut à perdre haleine.
Son cocu magnifique, vert de rage et jaloux
Envoya son armée châtier le filou.
Les deux amants s’aimaient, le barbon n’aimait guère…
Pour venger son honneur, il déclencha la guerre.
Des Grecs contre des Grecs, en une lutte à mort
Vont, neuf années durant, s’étriper sans remords.
Pour les seins blancs d’Hélène, ses étreintes brûlantes,
Pour sa peau de satin et sa fougue d’amante,
Des guerriers, des héros, des princes et des rois
Pour la gloire et l’Amour périront devant Troie.
Les poulpes au vin rouge
- Oh, Victor ! Ménélas, ce vieux cocu notoire,
Ta belle Hélène l’a bien pris pour une poire !
Et tous ces va-t-en-guerre au front obtus de bœuf
Se trucidant entre eux pour les yeux d’une meuf,
En guise de cerveau avaient dans le cigare
Quelques pots de yaourt brassés au goût bulgare !
Ménélas le cornu peut bien battre sa coulpe,
Se venger dans le sang, réduire Troie en cendre…
Les femmes ont en commun ceci avec le poulpe :
C’est qu’au plus on les bat, au plus elles sont tendres !
- J’adhère à tes propos, petit, sans réticence
Tant ils semblent frappés à l’aune du bon sens.
Tes réflexions hardies sont dignes de Silène,
Alors levons nos verres et trinquons à Hélène.
Son Spartiate aurait pu la garder jour et nuit
S’il avait réveillé ses ardeurs assoupies,
Et chatouillé en lui le cochonnet qui bouge
En cuisinant pour elle un poulpe au vin rouge.
Le nom grec en est « Oktapodhi krasato »
Mais on le mange aussi à Naples ou à Porto.
— Comment prépares-tu ce plat aphrodisiaque
Que les Grecs tirent de leur culte dionysiaque ?
— C’est un plat délicieux, ni cher, ni compliqué.
Bats longuement le poulpe, sans faire de chiqué,
Et oublie tes propos de macho de malheur :
On ne bat pas les femmes, sinon avec des fleurs !
Lave et coupe le poulpe en petites portions
Que tu sèches avec du papier à absorption.
Chauffe quatre cuillers de bonne huile d’olive
Dans une casserole bien antiadhésive,
Quatre ou cinq gousses d’ail pelées et écrasées,
Puis tes morceaux de poulpe. En cuistot avisé
Fais revenir le tout jusqu’à ce que ça dore.
Un verre de vin rouge puissant de Roquemaure,
Bois-en un toi aussi, c’est pas toi qui conduit,
Et tourne gentiment pendant que ça réduit.
Tu cisèles une branche de fenouil odorant
Dont le parfum subtil est très revigorant.
Pèle, émonde, écrase deux tomates bien mures
Que tu vas rajouter, enfin, à ta mixture.
Laisse cuire à feu doux trois-quarts d’heure environ,
La sauce épaissira et deviendra marron.
Jette-z-y une grosse poignée d’olives noires,
Sel, poivre du moulin, piment obligatoire,
Deux pincées seulement, pour chauffer les papilles
Sans mettre pour autant son estomac en vrille.
Quelques minutes encore sur le feu, en tournant,
Puis sers ton plat très chaud. L’effet est surprenant !
À nous, belles conquêtes ! Le vin vous embellit.
Continuons la fête, ouvrez-nous votre lit.
Chantons, rions, mangeons, et trinquons nuit et jour
À la beauté des femmes, au vin et à l’amour !
Ingrédients et proportions pour six personnes:
- 3 beaux poulpes bien battus, - 1 quart d'huile d'olive, - 3 verres de vin rouge puissant de Roquemaure (plus un pour le cuistot), - quelques branches de fenouil ciselées, - 6 tomates bien mûres, - 2 poignées d'olives noires dénoyautées, - sel, poivre, - 3 cuillerées à dessert de piment d'Espelette.
Les vins conseillés:
Intéressants pour ce plat, des vins jeunes, légers, gouleyants, des vins "à boire".
En Côtes-du-Rhône: Rochefort, Estézargues, Ste-Cécile-les-Vignes, Côtes-du-Ventoux, Coteaux-du-Luberon, Coteaux-du-Tricastin, Costières-de-Nîmes.
En vins du Languedoc: Saint-Saturnin, Pic-saint-Loup, Saint-Christol, Saint-Drézery.
En vins de Provence: Côteaux-des-Baux, Saint-Maximin, Varages et Villecroze.
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