Fondé en 2005, Samsung a rapidement été reconnu pour la fiabilité de ses produits high-tech. Le conglomérat sud-coréen s’est notamment distingué en 2010 avec le lancement de la première gamme de smartphones Galaxy. Aujourd’hui, Samsung fait partie des dix premières marques mondiales de la téléphonie et a grandement contribué à la mise en place du réseau 5G dans son propre pays. Pour s’illustrer au-delà des frontières coréennes, Samsung a décidé d’investir 22 milliards d’euros sur trois ans à l’international. En parallèle, le groupe commence déjà à réfléchir et travailler sur la 6G.
Cependant, comme l’évoque ZD Net, bien que reconnu comme l’un des meilleurs constructeurs de smartphones, Samsung éprouve encore des difficultés à s’imposer comme un équipementier réseaux de référence. La firme coréenne souffre en effet d’un manque d’expérience à ce niveau face aux géants de la téléphonie que sont le chinois Huawei, le finlandais Nokia ou encore le suédois Ericsson. Outre la volonté de s’affranchir de cette image de novice dans la fourniture d’équipements de réseau, la crise sanitaire du coronavirus a également un impact sur l’avenir de Samsung. Avec une chute des ventes de smartphones à l’international, Samsung chercher en effet à miser sur les réseaux de télécommunications et à s’affirmer comme nouvelle place forte dans ce domaine.
Le contrat proposé par les Etats-Unis, à savoir fournir l’équipement 5G sur tout le territoire nord-américain, est une belle opportunité. Samsung passe non seulement devant tous ses concurrents, mais va travailler avec Verizon qui n’est autre que le géant de la télécommunication aux Etats-Unis. Par ailleurs, le marché nord-américain est l’un des plus juteux du fait de sa superficie. Le groupe sud-coréen s’engage pour un contrat courant jusqu’au 31 décembre 2025. Avec à la clé 6,6 milliards de dollars, il s’agit ni plus ni moins que du plus gros contrat jamais remporté par le géant coréen.
Alors qu’il était dans l’ombre des principaux leaders du marché, comment Samsung a pu avoir une telle opportunité ? Les difficultés rencontrées par Huawei jouent pour beaucoup dans la réussite de Samsung. Le groupe chinois est en effet en proie à de vives critiques, notamment relatives à des failles de sécurité, dans la continuité du conflit sino-américain qui fait rage depuis plusieurs mois. Le gouvernement de Donald Trump soupçonne Huawei de ne pas être si indépendant et d’entretenir d’excellentes relations avec le gouvernement chinois. Il est également important de savoir que son dirigeant actuel, Ren Zhengfei a été ingénieur dans l’armée chinoise.
Conséquences de ces suspicions d’espionnage et d’insécurité au niveau des données, Huawei s’est retrouvé exclus de nombreux projets de développement de la 5G, que ce soit aux USA ou en Europe. Et ce, alors que jusqu’à présent Huawei était omniprésent dans le secteur de la téléphonie, que ce soit en tant qu’équipement réseau ou constructeur de téléphones. Depuis son arrivée en Europe, Huawei était en effet passé devant Apple en termes de ventes de smartphones. La concurrence entre les deux nations, qui trouvent sans doute ici son paroxysme avec deux entreprises mondialement connues, semble avoir été fatale à Huawei, pourtant référence en matière de connaissances et de technologies pour les réseaux mobiles.
Sur le marché américain, c’est donc Samsung, l’un des membres fondateurs du groupe Open RAN Policy Coalition, qui tire profit de la situation. Pour rappel, l’Open RAN Policy Coalition est un groupe rassemblant une trentaine de sociétés de technologies et de télécommunications souhaitant une 5G plus ouverte. Leur objectif est d’éviter ainsi la prédominance du groupe Huawei, qui déjà leader de ce secteur, pourrait devenir à terme l’unique fournisseur du réseau mobile de cinquième génération. Pour Samsung, le coup est donc double avec une opportunité inédite de montrer ses aptitudes dans les infrastructures réseaux tout en bénéficiant d’un marché considérable longtemps promis à un concurrent de taille.
Verizon a justifié son choix porté sur Samsung et non sur un autre de ses concurrents européens en déclarant que « Samsung est un pionnier de l'innovation en matière d'ondes millimétriques, de sub-6 et de RAN virtualisé, et un leader des solutions 5G de bout en bout – des puces aux réseaux en passant par les appareils. Nous sommes ravis de continuer à proposer des technologies de réseau de pointe qui permettront d'étendre les possibilités offertes par la 5G ».
En Chine, une loi mise en place en 2017 précise par ailleurs que “toute entreprise citoyenne est dans l’obligation de coopérer, voire de collaborer avec le gouvernement”. Partant de ce postulat, le pays de l’Oncle Sam s’est rapidement interrogé : la Chine ne risque-t-elle pas de profiter de la réussite de Huawei pour se lancer dans le cyberespionnage ? Tous ces éléments ont poussé les Etats-Unis à prendre des distances avec le groupe chinois. Non content de fermer la porte à Huawei, le gouvernement américain a également vivement encouragé ses alliés à prendre des distances avec le géant asiatique. Huawei s’est ainsi vu successivement fermer les portes des puissances telles que les Etats-Unis, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Les pays européens, à commencer par la France et l’Allemagne, ne sont quant à eux pas en reste. Washington a fait passer le message. Huawei et la société ZTE, entreprise d’équipement téléphonique, ne sont plus les bienvenues sur le territoire américain. Donald Trump a même fait supprimer les applications chinoises TikTok et WeChat. Celle-ci demeure cependant autorisée en Chine pour les entreprises américaines. En effet, elle sert de moyen de paiement pour de nombreux Chinois.
En décembre 2018, le gouvernement de Donald Trump avait déjà procédé à l’arrestation de Meng Wanzhou, la fille du dirigeant de Huawei. Cette dernière avait été interpellée sur le territoire canadien suite à une demande de Washington. Elle était effectivement soupçonnée d’avoir fait installer des équipements de télécommunication en Iran malgré l’embargo américain. Cette interpellation a provoqué la colère de la Chine, et mis simultanément le Canada dans une posture délicate. Au cours de l’année 2019, des citoyens canadiens en déplacement sur le territoire chinois ont ainsi été arrêtés et leur procès expédié. Ils ont été emprisonnés, voire condamnés à mort.
La concurrence entre les puissances américaines et chinoises n’est pas uniquement centrée sur la téléphonie, elle s’étend sur un domaine géopolitique. En parallèle, l’alliance de certains opérateurs et entreprises de télécommunications a été faite au détriment de Huawei. Elle permet certes d'empêcher l’étendue d’un réseau unique, favorisant une rivalité qui demeure entre les entreprises de la téléphonie. Au premier rang des opportunistes de ce contexte délicat figure le sud-coréen Samsung. Reste à sa charge de se montrer à la hauteur du projet qui lui ai confié afin de définitivement s’asseoir à la table des leaders des équipementiers réseaux.