L’Arcep est un organisme qui a vu ses missions quelque peu évoluer au cours des années. Initialement en charge de faciliter l’émergence de nouveaux concurrents sur le marché des communications électroniques face à l’opérateur historique Orange (anciennement France Télécom), le gendarme des télécom a diversifié ses activités, surveillant désormais le bon déploiement des réseaux mobiles et fixes. L’Arcep vérifie ainsi que les différents opérateurs ont le même objectif de connectivité du territoire et qu’ils maintiennent une concurrence loyale, le tout dans l’intérêt des consommateurs.
Aujourd’hui, nombreux sont les logements éligibles à la fibre optique, technologie de plus en plus accessible sur le territoire. Les différents opérateurs sur le marché, comme Orange, Bouygues Telecom, SFR ou Free, mettent les bouchés doubles pour proposer une connexion fibre à de plus en plus de logements, et le très haut débit fixe partout en France pour l’horizon 2025. Aujourd’hui, la France en est à 12,4 millions d'abonnés à la fibre et est loin devant les autres pays de l’Europe à ce niveau.
En dépit de ces chiffres encourageants, l’Arcep est contrainte d’intervenir régulièrement. En effet, de nombreux cas de figure de déploiement de la fibre donnent lieu à des interventions “ratées”. Les sous-traitants, et en particulier pour XP Fibre, une filiale d’Altice (maison mère de SFR) sont donc sous le feu des critiques, une enquête étant d’ailleurs en cours à leur sujet. Même si l’on sait que le déploiement de la fibre n’est pas toujours facile et peut prendre du temps, les utilisateurs ressortent trop souvent avec une connexion plus que médiocre et sont délaissés. Au-delà d’un déploiement rapide qui en fait le pays le plus performant à ce niveau en Europe, la France doit donc veiller à ce que la technologie soit déployée correctement.
Pour cela, l’Arcep a publié un plan d’action visant à changer la donne et régler les problèmes de malfaçon, lesquels sont régulièrement à l’origine de défaillances sur le réseau et la qualité des débits obtenus par les abonnés. La présidente de l’Autorité de régulation des télécoms indique d’ailleurs qu’elle reçoit “un nombre incalculable de courriers de réclamations. Il y a de la colère, face aux portes des armoires de rues fracturées ou fermées avec du Scotch, aux cordons de fibre emmêlés, aux déconnexions sauvages…”. La condition de qualité, que les opérateurs commerciaux et d'infrastructures sont censés respecter, “n'a pas été mise en place chez tous les opérateurs”.
Dans les faits, il faut savoir qu’un opérateur d’infrastructure tire les câbles de fibre jusque devant les maisons et les immeubles. Les opérateurs commerciaux, pour leur part, se chargent de raccorder les câbles aux habitations. Malgré la volonté de ne pointer personne en particulier, l’opérateur d’infrastructure XP Fibre est celui auquel le plus de plaintes sont adressées. L’Arcep indique qu’il y a des “pannes récurrentes sur les services fournis aux abonnées par les opérateurs commerciaux sur les réseaux exploités par XP Fibre et de ses filiales, ainsi que d’importants délais de résolution des incidents”. Elle ajoute également que “ces signalements font notamment état de cas de pannes qui pourraient résulter du débranchement des lignes à l’occasion du raccordement d’un nouvel abonné”. Des éléments qui interrogent sur la qualité des services assurés et qui ont conduit l’Arcep à ouvrir une enquête.
Madame de La Raudière explique que la structure XP Fibre est à l’origine de “beaucoup plus d'alertes sur ses réseaux que sur les autres” et la plupart des excuses sont liées à des “possibles problématiques d’architecture” qui ne permettraient pas le raccord de la fibre chez les clients. L’ennui est que la plupart des opérateurs engagent des sous-traitants pour faire ce travail de raccordement afin d’accélérer au mieux le déploiement de la fibre et l’avancée du plan très haut débit.
Seulement il semblerait que l’accent ait été trop mis sur la rapidité et pas assez sur la qualité. Le constat est en effet alarmant dans la mesure où “un peu moins d’un raccordement sur cinq se solde par un échec”. L’Arcep voudrait donc renforcer les procédures et les contrôles en instaurant notamment un système de compte rendu photo. Le gendarme des télécoms voudrait que les opérateurs arrêtent “de recourir à la sous-traitance en cascade” et qu’ils se cantonnent à un nombre de sous-traitants plus restreints afin de limiter les prestations non conformes et de favoriser le recours à des prestataires fiables.
Pour appuyer cela, l’Arcep fait part du fait qu’il n’est pas exclu que des sanctions voient le jour si les opérateurs ne font pas le nécessaire pour respecter les règles de qualité quant au déploiement des connexions internet très haut débit. La fibre étant très importante dans le déploiement du plan France THD, il est nécessaire que les opérateurs aient conscience de l’importance d’avoir des installations pérennes. Reste à voir si les reproches vont être pris en compte. En effet, le pouvoir de sanction de l’Arcep reste incertain. La dernière fois que l’Arcep a voulu appliquer ce pouvoir, tout ne s’est pas passé comme prévu.
Il se trouve que dans le passé, l’Arcep a voulu sanctionner l’opérateur Orange pour avoir dégradé les lignes cuivre par lesquelles passe le réseau ADSL. L’Arcep avait alors demandé à Orange de remettre le réseau en l’état sous peine d’une amende d’un montant s’élevant à 1 milliard d’euros. Les avocats de l’opérateur ont contesté le pouvoir de sanction de l’organisme, celui-ci étant assez précaire puisqu’il repose sur des principes juridiques bancals. Les faits qui ont été remis en cause, sont notamment la non-séparation décisionnaire de l’organisme. Le PDG d’Orange dit que “l’absence de séparation au sein de l’Arcep entre les équipes chargées d’écrire la règle, de contrôler son respect et de sanctionner les éventuels écarts” est le talon d’Achille du régulateur des télécoms.
C’est donc dans ce contexte que les problématiques relatives à la qualité du déploiement du très haut débit en France peuvent mettre du temps à se corriger. L’Arcep, qui réfléchit à deux fois avant d’opérer des changements, poursuit donc la réflexion quant à d’éventuelles sanctions et leur application.