Carnet de correspondance
Casino Bar ‘‘Le Coco Loco’’ - Nice Baie des Anges
Le 8 février 2010 – 15h55 gmt
Maître des gants et du crin,
M’envoyer patauger sur la Côte d’Azur est l’une des plus belles idées que vous ayez eu. Je suis directement entré dans le feu de l’attraction. Je me suis fait surnommer ‘’Bob’’ et je vogue une main gantée sur le volant acajou de mon speed racer griffonné par Starck, une main sur ma fesse moulée dans un maillot napolitain et le corps définitivement arquebouté vers la grâce. Ou lorsque le poids de nos turlupineries existentielles s’étiole dans notre propre sillage. Magnifique. Le ciel noyé dans mes lunettes teintées, je suis ivre de classe. Tel ce coquin d’Ulysse, je pouvais sentir Poséidon me reluquer la turbine. Je n’ai juste qu’à jeter un battement de cil sur la côte pour en mettre plein la vue aux promeneuses anglaises encore émoustillées des échos lointains du Swinging London. Le soleil auréole ma chevelure et fait reluire ma cambrure car c’est moi qui humidifie les sens de tout ce qui s’agrippe à la corniche. Oui Maître.
Il aura fallu que je décrive des sinusoïdales sur le bleu de la mer d’azur avec un sourire de banquise aux lèvres pour que j’entrevoie une esquisse de votre quotidien… Vous jouissez lorsque d’autres jouent Maître du tanga brodé et si les vagues lèchent mes remous, c’est parce que je suis votre vitrine. Et je continue à me transporter sur les flots, ma peau idolâtrée par le plus puissant des spots de la scène niçoise, l’élu Estrosi, et je macule n’importe quel endroit de la côte des signes ostentatoires de la distinction féline. Hier, j’ai jumelé Cannes à Saint-Raphaël le temps d’un dos papillonné. Et ce, figurez-vous, sans que la proue décomplexée d’un yacht danois n’ait pénétré ma coiffure gominée. Les baby-sitter de Bolloré en sont encore sur les genoux.
Si vous m’aviez confié une pelleteuse panaméenne, Maître des écoutilles éventées, j’aurai rogné la terre jusqu’à Lyon et dans l’élan bouyguesque que procure le génie au civil, j’aurai fendu le pays en deux. Pour qu’enfin Anvers et son port soient en liaison directe avec le Golfe d’Aden et que nos ferry-boat maquillés puissent flotter en dodelinant jusqu’au Gujǎrāt [ɡudʒ(ə)ɾat]. Dans l’hypothèse au vous m’autoriseriez à faire sauter Chypre, bien évidemment. Voguer sur le chenal Indo-Suez Maître… Un rêve d’ubiquité boursière et de somnambulisme maritime. Vous et moi, avons été élevés dans le giron moite de la marine marchande et nous savons apprécier la valeur d’un canal. Aussi étroit soit-il.
Je ne regrette pas l’option que j’ai mise sur ce hors-bord lustré alors que je déambulais au Salon de la Bière et de la Bagarre ™ de Tucson, l’automne dernier. Un épisode des ‘‘Persuaders’’ m’a convaincu de la chose. Je me devais de retrouver le classicisme des hommes de main d’hier. Un peu de panache dans le milieu ne rendra pas le gin Bombay moins amer.
Amicalement vôtre,
Votre homme de Rio