Carnet de correspondance
Clinique Thamer - Saint-Julien-Chapteuil,
Le 14 janvier 2009 – 16h09 gmt
Maître du fric et du chic,
Cette clinique me rend intangible et je erre entre les blouses vertes comme un spectre chromé. Entre les sandales hollandaises et les sabots de laitières, mon esprit essaye de vaquer à ses occupations, les plus éloignées possibles des goûts du contingent hospitalier. S’en est fini de la monacale austérité des anciens hospices dont la seule exubérance se résumait à quelques rares soupirs de nonnes ménopausées. Ce matin, le staff médical affirme avoir trouvé la photo d’un chamois dans mes urines. Je ne suis pourtant jamais allé en Colombie britannique et je ne plonge que les dimanches de mai. Ils ont dépêché un ancien para pour mon pouls. Il me l’a tâté et il est parti sans nous dire un mot. Quel diagnostique a-t-il emporté avec lui ? Quels mystères m’a-t-il dérobé? Mon légionnaire s’en est allé avec les battements de mon cœur et il me laisse là, gisant dans le doute et la douleur. Une caresse sur le poignet et je m’attache comme un piercing à un téton bourguignon. La bétadine me rend sentimental Maître. Mais ça serait faire une entorse au règlement des hôpitaux que de s’amouracher d’un membre viril du personnel par intérim. Profitant d’une crise d’épilepsie du personnel de garde, j’ai eu le droit à ma première promenade dans le parc cette nuit. J’ai discuté avec un émissaire du Dakota qui me rappelle furieusement ma défunte tante et actrice. Celle là même qui m’a initié en deux minutes au scoutisme libertin. Ma tante hâtive et désespérée. Elle a fini par se perdre dans le tunnel sous la Manche avec son accordéon du Gabon. Je vous dis tout Maître du secret et de la conciergerie car j’aime l’idée de semer mes écrits vains devant vos yeux rougis par la corrosivité du bourbon.
Demain, on m’enlève ma collection d'agrafes et mon casque transparent. Je vais vraisemblablement ressembler à un rôti découpé par un Ray Charles sous acides. Mais j’ai la peau qui dure Maître du soufisme cévenol. Pour me redonner un peu de fringance, je pensais me faire le menton de Roselyne Bachelot. Histoire de passer encore plus inaperçu durant mes missions d’infiltrations au sein de la pègre pharmaceutique. Mais c’est sur un air de New Order qu’il m’a semblé opportun d’exiger un doigt de kirsch dans ma perfusion. J’ai hâte de recouvrir mon teint jordanien et de sentir à nouveau le sable chaud.
Votre âme noyée