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Billet de blog 14 juillet 2009

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Aux armes, citoyens !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Et voilà le 14 juillet. On va voir des fanfares, des défilés, le Président de la République et des feux d'artifice. On ne va pas travailler... mais que se passera-t-il lorsqu'un prochain 14 juillet tombera un dimanche ? Les magasins resteront-ils ouverts sur les Champs Elysées, permettant aux glorieux bataillons de faire une pause shopping avant de saluer les dignitaires assemblés sur leur estrade ?

L'ironie est tentante, pour ne pas sombrer dans le plus profond désespoir. Mais souvenons nous. Le 14 juillet, c'est la fète de la Fédération, en 1790. La nation unifiée après l'abolition des privilèges. Un rêve de démocratie. Quelques mois avant la Révolution, les prémices en avaient été posés au Chateau de Vizille, près de Grenoble. Cette année, ce sont les salariés de Caterpillar qui ont fait parler d'eux, près de Grenoble.

Quels droits ont les salariés, dans l'entreprise ? Oh, ils en ont obtenu beaucoup, de haute lutte. Mais pas le droit le plus important, qui consisterait à avoir leur mot à dire sur leur propre avenir. Dans le monde de l'après guerre, où la croissance et l'industrie fordiste semblait pouvoir se développer sans limite, ce droit pouvait ne pas sembler si important que cela. Et la cogestion a pu faire peur : ne risquait-on pas la compromission ? Mais aujourd'hui ! Les patrons eux mêmes sont le plus souvent de simples mercenaires envoyés pour quelques mois mettre en place la nième réforme visant à maximiser la rentabilité du capital. Gestionnaires et non propriétaires, ils n'ont souvent pas beaucoup plus de latitude que les salariés qu'ils licencient quant à la stratégie de leur entreprise (mais évidemment, ils ont, eux, une bonne rémunération, des primes généreuses, une possibilité de continuer dans une autre filiale s'ils réussissent leur sale boulot de nettoyeur).

Mercenaires, en effet, dans des structures qui n'ont parfois d'entreprise que le nom. Les premiers théoriciens du capitalisme seraient bien étonnés que l'on nomme entreprise une vague usine, réalisant des pièces à façon pour un client unique ou seulement quelques uns, possédée par l'alliance improbable d'un fonds de retraite américain et d'investisseurs saoudiens, petit reliquat surnageant après des années de découpage des grandes industries d'avant la mondialisation.

La démocratie sociale dans l'entreprise devient aujourd'hui une exigence absolue. Il ne s'agit pas d'intéressement. Déjà, trop de salariés espèrent bêtement voire leur portefeuille de placements s'apprécier davantage que la croissance de la valeur ajoutée mondiale... et s'étonnent un peu tard de recevoir une lettre de licenciement. Il n'est pas question de conditionner une part de la rémunération des salariés à l'évolution de la quote boursière de leur entreprise ! Il s'agit de démocratie, c'est à dire de donner le pouvoir au peuple, c'est à dire ici aux salariés qui sont les principaux concernés.

Choix des dirigeants d'entreprise, fixation des rémunérations, arbitrage entre investissements, augmentation des salaires et rémunération des actionnaires, fixation de la stratégie d'entreprise : toutes décisions qui doivent être soumises à l'approbation de la majorité des salariés. Les modalités peuvent varier : démocratie plus directe ou plus représentative, toutes les nuances sont possibles. Quant aux actionnaires, ils garderaient un pouvoir exhorbitant : celui de s'en aller, ce qui n'est bien souvent pas le cas des salariés. Un équilibre peut être trouvé, si la stratégie d'entreprise est intelligente, approuvée par les salariés, et portée par des dirigeants convaincus. La rémunération du capital est en effet légitime, à un niveau qui doit pourtant rester raisonnable si l'on veut bien accepter de penser dans la longue durée. C'est la prédation qui sera refusée, et le privilège exhorbitant de décider de tout qui sera aboli. Le rapport de forces sera d'autant meilleur que des fonds publics (locaux, nationaux, européens même, peut-on rêver) pourront venir à l'aide des entreprises désertées par leurs investisseurs mondialisés.

Sur le plan de la stratégie des entreprises, et de leurs investissements, d'autres acteurs devront avoir leur mot à dire : les riverains, principaux concernés notamment pour ce qui concerne l'environnement. Ce pouvoir là pourrait être déployé sur une base territoriale, sur la taille d'un canton par exemple. Un conseil environnemental, élu au suffrage universel des habitants, aurait le pouvoir d'agréer ou de mettre un véto sur les choix de développement des entreprises locales. Ces conseils, élus sur listes à la proportionnelle, auraient un intérêt collatéral : amener les associations écologistes à entrer dans un processus de mesure de leur représentativité sur une base démocratique réelle.

Sur le même ensemble géographique, les élus des entreprises pourraient former un second collège de cette assemblée. Et les élus locaux un troisième. Des aides à l'investissement pour la mise en place de technologies plus propres ou l'amélioration des processus de production pourraient être décidées par ces assemblées locales, dans une logique de décentralisation de fonds régionaux pour l'environnement. Et les aides publiques reçues pourraient enfin être suivies sur la durée.

Démocraties sociale, environnementale et politique, fédérées pour la dynamisation de l'emploi dans le respect de l'environnement, permettraient de réorienter nos entreprises poubelle, qui polluent et jettent leurs salariés, vers un nouveau modèle de développement, et aboliraient les privilèges exhorbitants des seuls apporteurs de capital. Il ne faudrait néanmoins pas qu'un tel système, quelque peu "localiste", amène à trop de compétition entre les régions. L'Etat pourrait en être le garant. Et pour les grandes entreprises, implantées sur plusieurs sites, il devrait être possible d'instruire les décisions les concernant à l'échelle supérieure, jusqu'au niveau national où existe d'ailleurs déjà un Comité économique, social et environnemental, purement consultatif hélas. Ne craignons pas trop la fuite des capitaux : des entreprises aidées à se repositionner sur des marchés porteurs, soutenues pour leur innovation, bien ancrées sur leur territoire, à la pointe des critères écologistes, seront vite plus compétitives que les tristes parodies d'entreprises que les investisseurs pillent aujourd'hui. S'ils partent pour quelques années, et que la collectivité les supplée pendant ce temps, ils reviendront vite.

Evidemment, ce projet ne dit rien des nécessaires renationalisations des services publics, ni des réformes nécessaires tant au niveau du droit du travail que des modes de répartition des richesses dans un univers qui sera nécessairement marqué, dans les prochaines années, par un profond bouleversement de nos modes de production, tant à cause du progrès technique que de l'impératif écologique. A suivre, donc...

En attendant, bon 14 juillet, citoyens !

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