Ah, les roses, ce sont des fleurs fantasques. Le jardinier les surveille, du coin de l'oeil. La saison est bien tardive, mais des boutons sont là. Sur le rosier il y a plusieurs tiges. L'une d'entre elles avait poussé la première, une autre avait semblé hésiter avant que de se lancer vers le ciel très décidée, d'autres ont manifestement pris un coup de gel le week-end dernier et se recroquevillent déjà. Il ne reste plus que deux roses candidates, mais une seule pourra fleurir dimanche.
Ah, les roses, ce sont des fleurs compliquées. Elles poussent avec des épines et l'on risque de s'y piquer. Elles n'aiment pas les robinets d'eau tiède qui se déversent sur nos ondes, et préfèrent un bon seau d'eau fraiche qui les revigore. Du fumier, elles font un engrais qui les épanouit...
Ah, les roses, ce sont des fleurs jalouses. Du coin de la pétale, elles se jaugent, se mesurent. Qui sera la plus belle ? Qui sera la première ?
Ah, les roses, ce sont des fleurs entêtantes. Que l'on en prenne une en affection, et l'on ne voit plus qu'elle ! Les autres en deviennent toutes fades, on les oublie, on les méprise, on les rabaisserait presque au rang de fleurs des champs. Mais que notre adorée se fane, et l'on est bien content d'avoir encore les autres, fortes et têtues, et finalement pas si différentes que cela de notre ancienne préférée.
Ah, les roses, ce sont des fleurs admirables. Droites et raides comme la justice, piquantes comme la vie, mais aussi rêveuses, soyeuses et accueillantes.
Ah, les roses, ce sont des fleurs fragiles. Evidemment, ce ne sont que des fleurs, elles essayent bien de changer la vie, mais n'y réussissent pas toujours... Mais que les roses disparaissent de notre jardin, et la vie devient tellement vite si dure, hostile et inquiétante que l'on ne peut que leur pardonner de n'être pas plus que ce qu'elles sont.
Ah, les roses, ce sont des fleurs horripilantes. Tellement avides de victoire qu'elles se donnent des coups d'épine...
Ah, les roses, ce sont des fleurs courtisanes. Il suffit que l'une d'entre elles semble favorite, et toutes ou presque se rallieront à elle, cherchant à se faire mieux admirer en étant le plus près possible de celle que tout le monde regarde.
Mais ah, les roses, ce sont des fleurs imprévisibles. Car qu'une retardataire trouve subitement sa propre trajectoire vers la lumière, et elle parviendra, rassemblant toute son énergie, en une courte journée à fleurir la première !
Les roses, les roses... on en a tant besoin qu'on ira voter dimanche. Et que celle qui fleurira, nourrie du coeur du peuple de gauche, puisse gouverner la France en 2012 !