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Billet de blog 3 décembre 2008

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Richard Matheson, "Je suis une légende" d'Hollywood à la Bibliothèque nationale de France

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après son succès au box-office il y a un an dans « Je suis une légende » Will Smith prépare un prequel du film se déroulant au moment de la contagion à New York. Léonardo Di Caprio quant à lui s’apprête à produire une nouvelle version de « La quatrième dimension », série télévisée déjà adaptée au cinéma par Steven Spielberg et Robert Zemeckis en 1983. Eddie Murphy quant à lui va revenir l’année prochaine avec « L’homme qui rétrécit ».
Qui sait qu’à travers ces succès prévisionnels, ces projets hollywoodiens les plus tendance se trouve le même auteur, qui a commencé sa carrière de romancier en 1950 ?
Richard Matheson, puisqu’il s’agit de lui, n’est pas une nouvelle découverte. Remarqué dès le début des années cinquante par une de ses 200 nouvelles « Journal d’un monstre » (repris au théâtre les 10 et 11 décembre par la compagnie Florence Lavaud à Paris dans le cadre du festival Escapades) aux Etats-Unis mais aussi en France dans le journal « Fiction » Richard Matheson a connu de gros succès littéraires, cinématographiques et télévisuels au cours de ces cinquante-huit années de carrière.
« Je suis une légende » et « L’homme qui rétrécit » furent des succès littéraires mondiaux, mais il convient également de citer « Le jeune homme la mort et le temps », roman sur le voyage dans le temps qui fut adapté au cinéma par Jannot Szwarc sous le titre « Quelque part dans le temps » avec Christopher Reeves et Jane Seymour.
Les adaptations de « L’homme qui rétrécit » par Jack Arnold (1957) et de « Je suis une légende » furent des succès cinématographiques. Car avant le film avec Will Smith il y eut une autre adaptation à succès de « Je suis une légende » : « Le survivant » de Boris Sagal (1971) avec Charlton Heston affrontant une secte aux cheveux et aux yeux blancs. Richard Matheson a suscité aussi des versions officieuses, la plus célèbre étant « La nuit des morts vivants » (1968) de Georges Romero. Le réalisateur le reconnut bien volontiers. Richard Matheson avait donc inventé le mort vivant moderne qui a suscité bien des opus depuis dont la série cinématographique des « 28 jours plus tard » et « 28 semaines plus tard » et même un jeu vidéo qui vient de sortir.
Mais le plus grand succès au cinéma de Richard Matheson en tant qu’auteur et adaptateur de son propre texte est un film qui connut sa première diffusion sur la télévision américaine et qui révéla un jeune réalisateur : « Duel » de Steven Spielberg (1971). Ce film où un camion poursuit inlassablement un automobiliste sur les routes sous prétexte qu’il l’a dépassé est aujourd’hui un classique.
Le succès de Matheson à la télévision de Richard Matheson fut encore plus précoce avec la série « La quatrième dimension », de 1959 à 1964 où il adaptait ses propres nouvelles et où il créait aussi des scénarios originaux. Richard Matheson travailla également sur la série d’espionnage « Annie agent très spécial », sur « Au nom de la loi » avec Steve McQueen, sur « Star Trek » avec William Shatner et Léonard Nimoy. Du fantastique, du western, du policier, de la science fiction, de l’espionnage Richard Matheson a touché à tous les genres et la masse de son œuvre écrite est considérable.
C’est ce qui explique sans doute qu’après de tels succès le nom de Richard Matheson demeure, si ce n’est inconnu du moins méconnu. Classé comme auteur de science-fiction et de fantastique cette image ne correspond pas à l’ensemble de son œuvre. Les amateurs de science-fiction peuvent ne pas se retrouver dans cet ensemble. Richard Matheson a écrit beaucoup d’alimentaire, délaissant un peu dans les années soixante son travail de romancier, car il avait quatre enfants à nourrir et que la télévision et le cinéma rapportaient davantage que la littérature. Néanmoins on peut observer que ses œuvres plus personnelles reflètent aussi une diversité de genres. Car à côté des romans de science-fiction comme « Je suis une légende » et « L’homme qui rétrécit » ou du fantastique « Le jeune homme, la mort et le temps » il y eut du roman policier (« De la part des copains » mais surtout « Les seins de glace » qui fut adapté au cinéma en France par Georges Lautner) et même du western (le magnifique « Journal des années de poudre »). Richard Matheson est un auteur de genres qu’il a en même temps transgressé par exemple en faisant de la figure fantastique du vampire un personnage de science-fiction. Pour les amateurs de genre il a aussi introduit la confusion. L’importance d’un auteur ne se mesure pas seulement à son succès commercial mais aussi à son apport narratif, esthétique, linguistique et si Matheson reste associé à des succès commerciaux son apport littéraire est encore plus important.
La transgression des genres n’est pas le seul apport de Richard Matheson, mais cet apport en couvre sans doute un autre plus essentiel. Aujourd’hui Stephen King est reconnu comme le maître de l’horreur, celui qui a introduit le genre dans le cadre des banlieues américaines contemporaines. Et pourtant c’est Richard Matheson qui fut le premier à introduire l’épouvante dans notre quotidien. Stephen King l’a lui-même reconnu à travers sa fameuse phrase « Sans Richard Matheson je ne serai pas là ». Richard Matheson a sorti l’horreur du gothique et cependant il a adapté de l’épouvante gothique pour le cinéma et la télévision : « Les vierges de Satan » pour la Hammer, la fameuse société de production britannique où furent réalisés les célèbres Dracula avec Christopher Lee, mais aussi la plupart des adaptations d’Edgar Poe pour Roger Corman. Comment Richard Matheson s’est-il sorti de ce paradoxe ? En partie par l’humour.
Pour reconnaître tout l’apport littéraire, cinématographique et télévisuel de Richard Matheson au moment où Hollywood s’empare comme jamais de son œuvre, l’Université Jules Verne d’Amiens et la Bibliothèque nationale de France ont décidé de consacrer un colloque de deux journées à cet auteur sur qui les études esthétiques et en sciences humains sont demeurées à l’état embryonnaire des deux côtés de l’Atlantique. L’Université comme le monde littéraire, du cinéma et des médias ont laissé Richard Matheson dans l’oubli. Souhaitons que le réinvestissement d’Hollywood dans l’œuvre de Matheson (la prochaine échéance étant « The box » de Richard Kelly en mars 2009) s’accompagne d’une reconnaissance de la « Dimension » artistique de l’auteur notamment lors du colloque des 9 et 10 décembre 2008.
Colloque Richard Matheson : il est une légende, 9 décembre Maison de la culture d’Amiens, Petit théâtre, Place Léon Gontier de 11H à 18H30, 10 décembre Bibliothèque nationale de France, Site François Mitterrand, Belvédère, Quai François Mauriac, Paris 13 e de 9H30 à 17H30. Le colloque sera suivi d’une lecture publique du « Journal d’un monstre » par Michael Lonsdale et par la projection de « Duel » de Steven Spielberg.

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