Alors que le ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand rencontre de grandes difficultés pour composer le conseil scientifique de la future « Maison de l'Histoire de France », alors que son directeur de cabinet enjoint aux agents des Archives nationales de cesser l'occupation de l'hôtel de Soubise où doit s'installer le musée contesté, un groupe de travail indépendant vient d'achever une étude sur l'ensemble de ce projet présidentiel. Ces travaux appuient la déclaration ci-dessous :
Douze Recommandations pour la création d’un musée d’histoire6 janvier 2011Les principes Argumentaire :La création, annoncée le 12 septembre 2010 par le président de la République Nicolas Sarkozy, d’une « Maison de l’Histoire de France » fédérant neuf musées de France, et la décision de l’installer aux Archives nationales à Paris, dans le centre historique du Marais, contraignent les historiens comme l’opinion publique à réagir. Il nous faut penser cette initiative culturelle et scientifique, la resituer dans ses contextes technique et idéologique, et la rapporter aux enjeux fondamentaux que constituent l’expression muséographique de l’histoire en France et la place des Archives de France dans cette pédagogie savante autant que populaire.
La conception de la Maison de l’histoire de France instrumentalise le « désir d’histoire » des Français, elle s’appuie sur une vision romantique de la discipline historique, et elle est fondée sur une conception strictement utilitaire des savoirs historiens. Le montage de l’opération révèle des risques certains pour le devenir des musées, de la muséographie et des Archives nationales. Enfin, l’initiative présidentielle ne repose pas sur un travail d’enquête préalable à tout engagement dans ce domaine de la nation. Pour toutes ces raisons, un groupe de professeurs, de chercheurs, de documentalistes et de conservateurs s’est réuni pour analyser, de manière critique et érudite, l’enjeu d’un Musée d’histoire pour la France ? Tel sera le titre de l’ouvrage à paraître le 6 avril 2011 aux éditions Armand Colin (série « Libertés d’historien »).
Ses auteurs justifient leur initiative par le refus des conditions qui entourent le projet. Ils restent attachés à poursuivre une réflexion déjà ancienne sur le passage de l’histoire au musée, sur l’historicité d’une telle question, et sur la contribution, pour eux décisive, des archives à ce défi de l’histoire qui se construit, s’écrit, se montre. A cette fin, l’ouvrage inclut dans sa dernière partie des recommandations générales pour la programmation d’un musée d’histoire. Elles reposent sur l’analyse critique du groupe de travail indépendant « Musée, histoire et recherche », et elles forment les bases indispensables pour la réalisation d’un nouvel équipement à la hauteur des attentes des savants comme du public.
Ces recommandations s’opposent aux méthodes des responsables du projet de « Maison de l’Histoire de France ». Leur omission rend caduque la formation annoncée d’un conseil scientifique qui ne sera que la caution volontaire d’une entreprise marquée du sceau de la précipitation technique et de l’intention idéologique. Ces recommandations sont rendues publiques dès aujourd’hui, alors même que la poursuite du projet présidentiel s’accomplit dans l’indifférence au débat qu’il suscite. Fruit d’un travail collectif d’ampleur, elles veulent contribuer au retour de la raison et des savoirs. C’est une responsabilité morale aussi bien que scientifique qui est ici assumée.