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La reine de l’Internet existe, elle a été sacrée en 1997, à l’occasion d’une grande cérémonie en son honneur qui eut lieu lors d’un congrès international de l’IST. Elle s’appelle Lena Soderberg, et c’est l’une des femmes les plus scannées, étudiées, citées de l’humanité, et elle sera encore scannée, citée et reproduite dans dix mille ans. Qui sait, elle sera peut-être la seule femme dont l’image sera transmise aux civilisations futures ou extra-terrestres, quand l’humanité aura été anéantie.
En effet, lorsque l’informatique prit son envol, dans les années 70, le traitement numérique des images devint une science mathématisée, avec des applications considérables dans le domaine du codage, de la compression, de la reconnaissance des images. Un chercheur de la silicon valley avait à écrire un des premiers manuels de traitement d’images. Pour les besoins de son cours, il scanna le portrait de la playmate de Playboy qui était punaisé dans son laboratoire. Il utilisa le visage de cette jeune fille comme exemple pour le traitement digital d’une image. Le visage fut détouré à partir de la photographie grand format qui composait la double page centrale de Playboy.
Inutile de dire que le champ photographique de la double page centrale permettait de découvrir toute l’étendue de l’anatomie de Mlle Soderberg. Dans les semaines, les mois et les années qui suivirent, Lena Soderberg, simplement connue comme « Lena » devint le standard universel en matière de traitement des images.
Il existe même des algorithmes, comme Lenpeg, qui portent son nom. C’est le portrait le plus étudié au monde, il apparaît comme échantillon standard dans plusieurs dizaines de milliers d’articles scientifiques.
Toutes sortes d’algorithmes, de compression, d’extraction de contours, de rendus divers sont testés sur cette image.
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Faites Lena+algorithme sur google et ça retourne ça (première page seulement, il y en a beaucoup d'autres) :
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En 1997, le président de la société savante d‘imagerie numérique décida d’inviter Lena Soderberg au congrès annuel de l’IST.
Une cérémonie d’hommage fut organisée, à laquelle elle participa de bon cœur, très heureuse et amusée que son visage ait servi à ce point l’analyse numérique.
Elle n’a jamais réclamé un sou pour l’utilisation forcenée de son visage, reproduit à l’infini, et aussi à l’infiniment petit.
En effet, en 2012 encore, des chercheurs travaillant à fabriquer des images couleurs aux pixels de plus en plus petits réussirent le tour de force de former la plus petite image couleur possible (au-delà de cette échelle, un phénomène de diffraction empêche la formation d’images nettes), et choisirent une fois encore Lena comme image de référence.
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Le visage de Lena est donc devenu le plus petit visage jamais imprimé en couleur : il fait le diamètre d’un cheveu, et apparut grossi au microscope dans la célèbre revue Nature (nanotechnologies).
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Cette belle histoire a une morale, puisque Lena, après avoir posé nue pour Playboy, est devenue une anonyme et modeste travailleuse sociale, s’occupant de personnes handicapées. Elle est aujourd’hui retraitée et coule des jours paisibles en Suède.
Cette jeune femme, belle et sympathique, a reçu, sans le savoir, et sans l’avoir demandé, le cadeau de la célébrité éternelle, et l’histoire a montré rétrospectivement, que le choix était moralement juste également.
Bon, évidemment, cette histoire dit aussi quelque chose des fantasmes des informaticiens. Et des miens. Et des vôtres.