Dans un récent billet j’ai évoqué la mise en abyme pornographique de M. TaddéÏ. Hier soir, entre deux programmes de télévision à une heure de grande écoute, une bande annonce pour l’émission de Taddéï passait un extrait où on l’entendait dire : « Faut-il dépénaliser le délit de racolage », qui allait être le débat entre « intellectuels » du soir tard. C’est-à-dire que le racolage devenait la matière du racolage, ce qui constitue une fois encore une mise en abyme. La mise en abyme est l'utilisation récursive d'une figure à l'intérieur d'elle-même.
La mise en abyme est connue en science sous le nom de « Droste effect », du nom d’une boîte de chocolat hollandaise qui présentait dans les années 1900 sa propre image incluse dans le dessin sur la boîte etc. Chez nous on appellerait cela l’effet Vache-qui-rit.
La plus ancienne représentation du Droste effect figure dans un triptyque de Giotto, (ou de son atelier, peu importe pour nous) l’Autel de Stefaneschi. Cet autel avait été commandé par le Cardinal Stefaneschi en 1320. Dans ce triptyque, au centre, le Cardinal Stefaneschi est représenté offrant le triptyque lui-même au Seigneur.Voici le tryptique complet :
Et le détail où l'on voit le cardinal :
De manière générale comme expliqué par exemple sur cette merveilleuse page de mathématiques :
http://www.josleys.com/article_show.php?id=82
Il existe des transformations du plan dans lui-même, telles qu’une partie du plan peut être appliquée dans une autre partie du plan prédéfinie, par exemple la transformation en coordonnées complexes z=> Log(z) transforme le plan en le plan, mais avec une déformation telle que les cercles sont transformés en rectangles.
La fonction exp(z) induit plutôt ce genre de transformation du plan dans lui-même :
En combinant ce genre de transformation, et en les appliquant de façon récursive à des images, on produit de façon déterministe autant de mises en abyme que l’on veut, qui peuvent même être animées continûment.
Avec humilité, on peut parfois reconnaître qu’un artiste a atteint un sommet. L’Everest de la mise en abyme a été atteint par Escher avec son célèbre tableau représentant une galerie avec un balcon sur le bord de la mer (pour les nouveaux venus sur Mediapart : quand on clique sur l'image ça l'agrandit) :
Ce tableau présente une mise en abyme complexe, effectuée « au pif » par Escher. On y voit un jeune visiteur dans une salle de musée qui regarde le tableau qui représente la ville dans laquelle figure le musée au bord de la mer, y compris lui-même dans la galerie. A y bien regarder, la transformation du plan dans lui-même servant à former cette figure récursive a cette allure :
Des mathématiciens (Hendrik Lenstra et al. de l'Université de Leyde) se sont penchés sur cette mise en abyme et, en analysant la récursivité de l’image, ont réussi à compléter le centre de l’œuvre, resté inachevé par Escher (regardez bien le dessin d'Escher, il y a un trou au centre), incapable, à la main, de reproduire le dessin de façon récursive à une échelle aussi petite.
Le plus fort est que cette mise en abyme peut être animée en continu, c’est le film là-haut, obtenu par l’application à paramètres continus du plan dans lui-même de façon récursive. Tous les détails sont ici :
http://escherdroste.math.leidenuniv.nl/index.php?menu=contact
Faites aussi « Droste effect » sur google, et vous n’en finirez pas d’admirer des mises en abyme extravagantes (cliquer sur la dernière ligne du lien ci-dessous).
https://www.google.fr/search?hl=fr&q=escher+droste+effect&bav=on.2,or.r_cp.r_qf.&biw=1218&bih=402&um=1&ie=UTF-8&tbm=isch&source=og&sa=N&tab=wi&ei=wMNfUfWPI4jw0gWOtIH4Bg
Pour finir, il n’y a rien de surprenant à ce qu’après le cochon qui mord l’oreille, Frédéric Taddéï fasse dans la Vache-qui-rit. Hu hu hu hu.
Références :
Les mathématiques derrière le tableau de Escher
http://escherdroste.math.leidenuniv.nl/
Analyse générale y compris 3D des mises en abyme
http://www.josleys.com/article_show.php?id=82
Animation sur youtube ici