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Billet de blog 14 mars 2014

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Topos de laboratoire : L’organisation délibérée de la précarité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’évolution de la société a accru les besoins en recherche et en innovation. Nombreuses sont les voix qui se plaignent que la France investit moins que d’autres pays « évolués », dans le domaine de la recherche. Cependant, le niveau intellectuel de la société s’est élevé globalement, et de plus en plus de jeunes aspirent à faire des études, et pour certains d’entre eux, à tomber dans la recherche (bruit de grosse caisse), qui reste l’aventure ultime, pour ceux qui veulent continuer d’apprendre toute leur vie, tout en dévoilant les secrets de la nature (violons). Malheureusement, force est de constater que la « société » génère une sorte de haine de l’humain, qui se traduit par une précarisation accrue de la jeunesse. Cette dernière se révolte parfois, comme lorsque les stagiaires ont obtenu une gratification de 450 euros par mois. Mais voici un exemple kafkaïen de précarisation, organisé par « le système ».

Les faits sont les suivants : les jeunes font des thèses. Puis, ils sont envoyés en « post-doc » dans des laboratoires où ils mûrissent, accroissent leur liste de publications, se font des relations etc., souvent à l’étranger. Ensuite ils reviennent en France, et font encore des post-docs dans l’attente de trouver une situation.

Pour obtenir de quoi payer un post-doc, il faut faire des demandes. L’exemple type de demande consiste à inclure un salaire de post-doc dans une demande de financement à l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR). Or le taux de réussite d’une demande de financement est d’environ 10% (vous avez une chance sur dix de recevoir de l’argent). Or, dans le même temps, vous n’avez pas le droit de soumettre des dossiers dans lesquels votre temps de travail cumulé serait supérieur à 100%, bien que 90% des dossiers soient refusés (en toute rigueur, on devrait autoriser les candidats à présenter des dossiers totalisant 1000% de temps de travail, puisqu’il y a 90% d’échec). Et par ailleurs, si vous voulez recruter du personnel (en particulier un post doc, mais ce peut être aussi un technicien), vous devez intégrer dans le dossier autant de mois de travail de personnel permanent, que vous souhaitez avoir de mois de personnel recruté. C’est-à-dire : si je me mets à 6 mois dans un dossier ANR, je ne peux demander dans le dossier que 6 mois de salaire de post-doc. Or, pour augmenter ses chances d’avoir un contrat, on est bien obligé de mettre ses œufs dans différents paniers, c’est-à-dire, déposer plusieurs dossiers scientifiques, donc aucune demande n’est à hauteur de 100% de temps de travail. Donc il est pratiquement impossible de recruter un post doc pour plus d’un an, à travers le système des ANR. C’est la précarité organisée. L’exemple type consiste à soumettre un dossier dans lequel on apparaît à 30% de son temps de travail, et à étaler le projet scientifique sur 3 ans, ce qui permet de recruter un post-doc pendant environ un an, sur les 3 ans du projet, même si vous avez vraiment besoin de quelqu’un à plein temps pendant 3 ans pour mener à bien les recherches.

Bref tout ce système est, non pas délirant, mais disons, mal fait, et procède d’un principe de base : la société hait les travailleurs, et les chercheurs n’ont pas à recruter du personnel pour accélérer leurs recherches, ou alors très peu. Surtout, surtout, ne prenons pas un post-doc, on pourrait se retrouver à devoir l’embaucher, ou à payer son chômage, etc. Un gros équipement, ça pose moins de problème que les relations humaines.

A cela il faut ajouter qu’il est extrêmement difficile de prolonger un post-doc, la plupart des appels d’offres  étant interdits aux personnes étant déjà en post-doc.  Le principe du système est dans ce cas d’éviter de prolonger la précarité, grâce à une méthode particulièrement efficace : encore plus de précarité. A force de trouver toutes sortes d’astuces administratives pour empêcher les gens de postuler à des demandes de financement (salaires), on réussit à les  faire quitter le milieu de la recherche, qu’ils quittent souvent désabusés et aigris. C’est une sorte de trappe à la précarité : quand le jeune atteint le degré ultime de la précarité, il est éjecté du système, ce qui résout, d’une certaine façon, le problème des précaires.

Certes, tout le monde ne peut pas être chercheur, mais il y a quand même des choses qui ne vont pas, dans la structure même de l’enseignement et de la recherche.

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