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Billet de blog 14 mai 2013

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Présentation de SIGILA, revue d'études sur le secret

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans un précédent billet, j’ai évoqué la réglementation, et les moyens pour la contourner. Ce système de consensus entre d'une part des vérificateurs qui ferment les yeux et d’autre part des acteurs qui font le minimum  légal (voire moins), s’apparente à une sorte de secret national, de secret tacite comparable à d’autres secrets partagés, dans le silence taiseux des acquiescements plus ou moins honteux. Il existe d’autres secrets plus ou moins tacites : le porno, le diagnostic médical (quand c’est très grave), les secrets de l’enfance.

La question du secret a sollicité beaucoup de commentaires récemment, dans la foulée des aveux lamentables de Lance Armstrong, puis de l’affaire Cahuzac (lamentable aussi).

Des questions délicates apparaissent qui touchent à la nature même du secret.

Dans l’affaire Armstrong, on peut largement se réjouir que cette crapule soit démasquée. Dans l’affaire Cahuzac, aussi épris de vérité que l’on soit, on ne peut pas exclure la propagation d’instabilités dans le système de nature à « tout » faire tomber par terre (tout : le système politique, j’entends). D’ailleurs la rhétorique des articles de Médiapart ne cesse d’évoquer des ondes de choc, des déflagrations, des vacillements. Espérons tout de même que tout ne s’écroule pas, et que l’on saura rebâtir, le cas échéant. La toxicité du secret est donc une question ouverte : certains secrets ne sont-ils pas si toxiques qu’il faille éviter de les dévoiler (genre « je préfère ne pas savoir »).

Une seconde question concerne l’emboîtement ou l’enchaînement des secrets. Il semblerait qu’en réalité, on n’en finisse pas de creuser un secret. Un secret a beau être dévoilé,  au lieu de calmer les esprits, il déclenche une soif insatiable, une nouvelle et interminable recherche de vérité, qui rebondit sur autre chose, irrationnellement.

Un débat a lieu sur la pertinence de dévoiler son « patrimoine », pour les hommes politiques. D’un côté, certains penchent pour « la transparence », de l’autre certains pensent que ces mises à nu  ne font que déclencher d’autres interrogations, à l’infini. On pourrait en déduire qu’il existe une sorte de régression à l’infini du secret ; même dévoilé, le secret persisterait éternellement à renfermer un secret, comme si le vrai secret était toujours ailleurs, voire nulle part et partout à la fois (sorte de paranoïa fractale).

En allant au bout de cette idée, on pourrait penser que le danger du secret réside dans l’esprit de ceux qui s’imaginent des secrets. On entend ainsi beaucoup parler de théories « conspirationnistes », on voit bien qu’elles prospèrent à partir de très peu de chose, sinon rien, et qu’elles  influencent négativement les esprits fragiles. Dans d’autres affaires, des dévoilements récents donnent corps à un fantasme du même type : le « tous pourris ». Dans le milieu scientifique, l’affaire des mails du GIEC a également révélé une recherche maladive de « vérité. Où finit l’enquête et où commence la névrose ? Je profite de cette ambiance pour vous recommander la revue SIGILA, seule revue, à ma connaissance, dont le sujet d’étude est le secret.

Présentation d’une revue sur le Secret : Sigila. Interview de Florence Lévi.

Florence Lévi, vous avez créé et vous animez depuis 15 ans la revue SIGILA, revue d’études consacrées au secret. Pouvez- vous nous expliquer en quelques mots la genèse de cette revue. Est-ce une initiative personnelle, le produit d’une réflexion collective ? Est-ce qu’il n’y avait pas des revues analogues dans le « champ » ? De quel type de revue s’agit-il ? (Grand public, chercheurs spécialisés, où la trouve-t-on ?)

Sigila a vu le jour il y a 15 ans, en 1998. Cette revue a été créée par une amie portugaise bilingue et par moi-même. Initiative de nous deux, motivée par le désir de

- rompre les barrières entre les disciplines

-servir de pont entre la culture portugaise – et brésilienne – et la culture française.

- Prendre le secret comme angle d’attaque

À notre connaissance, lorsque nous avons projeté cette publication, l’idée d’une revue franco-portugaise était inédite.

Cette revue est franco-portugaise, et apparaît adossée à la Fondation Gulbenkian, pourquoi ? Et qu’est-ce exactement que la fondation Gulbenkian ?

La Fondation Gulbenkian(http://www.gulbenkian-paris.org/accueil ; http://www.gulbenkian.pt/ ) est une fondation créée par Monsieur Calouste Gulbenkian, mécène arménien, qui a son siège à Lisbonne et une délégation à Paris.

Son action culturelle, depuis des décennies, est immense. Nous avons la chance de bénéficier de son appui.

S’agissant de secret, on imagine un spectre très large de sous-thématiques, comme l’illustre d’ailleurs les titres des différents numéros de la revue. Comment sont choisis les thèmes ? Comment fait-on pour trouver des auteurs diplomates ou financiers quand on a un comité de lecture plutôt littéraire ?

Les thèmes sont choisis collectivement au sein du comité de rédaction. En tenant compte des idées et suggestions de tous ceux qui s’intéressent à Sigila.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de thèmes traités dans vos différents numéros, et les approches choisies ?

Le plus simple est de vous donner la liste des numéros parus jusqu’à ce jour :

n° 1 : Dire le secret – O segredo dito (janvier 1998) – épuisé

n° 2 : Biffures et amnésies – Traços e amnesias (octobre 1998)

n° 3 : Secrets de l’étranger – Segredos do estrangeiro (printemps-été 1999)

n° 4 : Noms cachés – Nomes ocultos (automne-hiver 1999)

n° 5 : Confessions – Confissões (printemps-été 2000)

n° 6 : Femme aux secrets – Segredos no feminino (automne-hiver 2000)

n° 7 : Géométrie du secret – Geometria do segredo (printemps-été 2001) - épuisé

n° 8 : Dissimulation – Dissimulação (automne-hiver 2001)

n° 9 : Gardiens du secret – Guardadores do segredo (printemps-été 2002)

n° 10 : Les temps du secret – Os tempos do segredo (automne-hiver 2002)

n° 11 : Tonalités secrètes – Tonalidades secretas (printemps-été 2003)

n° 12 : L’intime – O íntimo (automne hiver 2003)

n° 13 : Orients – Orientes (printemps-été 2004)

n° 14 : La honte – A vergonha (automne-hiver 2004)

n° 15 : Science et secrets – Ciência e segredos (printemps-été 2005)

n° 16 : L’ombre -  A sombra (automne-hiver 2005)

n° 17 : En cachette – Às escondidas (printemps-été 2006)

n° 18 : Secrets des sens – Segredos dos sentidos (automne-hiver 2006)

n° 19 : Clandestinités – Clandestinidades (printemps-été 2007)

n° 20 : Théâtre du secret – Teatro do segredo (automne-hiver 2007)

n° 21 : Entrelacs-Entrelaços (printemps-été 2008)

n° 22 : Secret des origines – Segredo das origens (automne-hiver 2008)

n° 23 : La nuit – A noite (printemps-été 2009)

n° 24 : Masques – Máscaras (automne-hiver 2009)

n° 25 : TransparenceTransparência (printemps-été 2010)

n° 26 : Langues secrètesLínguas secretas (automne-hiver 2010)

n° 27 : Nostalgie – Nostalgia (printemps-été 2011)

n° 28 : Architectures secrètesArquitecturas secretas (automne-hiver 2011)

n° 29 : Le silence – O silêncio (printemps-été 2012)

n° 30 : L’espion – O espião (automne-hiver 2012)

n° 31 : L’énigme – O enigma (printemps-été 2013)

Au fil des années, avez-vous pu dégager des sortes de constantes, d’universaux, dans le thème du secret, ou bien le sujet est-il insaisissable, protéiforme ? Dit autrement, existe-t-il une science du secret, avec ces lois générales, ou bien relève-t-il d’une sorte d’art, d’art du secret ?

Je ne peux répondre à cette question, n’ayant pas fait une étude là-dessus. Un numéro de Sigila, le n° 15,  est consacré aux liens entre la science et le secret mais pas à la science DU secret

Une revue sur le secret a-t-elle vocation à rester secrète ? Dit autrement, les intellectuels n’ont-ils pas tendance à préférer garder secrets leurs travaux, finalement ?

Si elle reste secrète, c’est contre notre souhait et notre volonté. En raison de la difficulté pour toute revue d’être visible.  Votre question pose la question de la déontologie et du secret professionnel, sujets que nous pourrions traiter un jour…

Certains ont le sentiment d’une recherche effrénée de la transparence (wikileaks, affaire des mails du GIEC, lois sur le patrimoine etc.), le secret étant semble-t-il devenu insupportable. La création d’une revue sur le secret n’obéit-elle pas aussi à une recherche de dévoilement donc à un affaiblissement de la présence (/absence) du secret ?

Cette revue sur le secret ne cherche nullement à dévoiler des secrets,. Son propos est de décrire le fonctionnement du secret dans différentes disciplines, à diverses époques, dans différentes aires culturelles. Elle cherche davantage à poser des questions qu’à y répondre.

Par essence, les secrets ne devraient-ils pas être protégés, et ne faut-il pas éviter de les dévoiler ? N’y a-t-il pas en réalité un risque par nature explosif, à chercher à percer les secrets ?

Sans doute. Cf ma réponse à une précédente question. Nous ne cherchons pas à dévoiler des secrets ; nous ne sommes pas des journalistes ou des médias à la recherche et à l’affût du scandale. Pourtant, le scandale sera le thème d’un prochain numéro. Encore un paradoxe…

On a souvent l’impression que toutes les disciplines ont besoin du secret, que la « cuisine » de chaque activité doit surtout être cachée, suivant un proverbe Massaï : « On ne montre pas une ébauche à un apprenti ».  Quel rapport entretiennent le secret et la vérité, le secret et la honte ?

Très beau sujet de réflexion et d’étude. Je ne peux que vous renvoyer à la lecture des numéros de Sigila qui abordent ces questions (cf. notamment le n° 14, consacré à la honte).

De quoi traite le dernier numéro ?

De l’énigme. C’est le n° 31, paru en mars2013.

Pouvez-vous recommander à nos lecteurs quelques articles permettant de découvrir votre revue ?

Sur quels  critères ? J’aurais plutôt envie de renvoyer le lecteur au site de la revue  (http://www.sigila.msh-paris.fr) et de l’inciter à acheter tel ou tel numéro ou à s’abonner.

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