Une collision informationnelle s’est produite ces jours–ci qui mérite une seconde de réflexion. D’une part, des « scientifiques » ont été condamnés pour avoir minimisé les risques d’un tremblement de terre en Italie, d’autre part, un biologiste toxicologue se fait enfoncer (aplatir, écrabouiller, néantifier etc.) par les agences sanitaires, pour avoir selon elles, extrapolé ses résultats, et donc exagéré la dangerosité des OGM (plus précisément, des OGM truffés de roundup). Va-t-on condamner les responsables de ces agences, si demain la dangerosité des OGM est confirmée?
Une fois n’est pas coutume, je me dis que mon avis pourrait intéresser quelques personnes.
Tout d’abord concernant les travaux de Seralini, je me range à titre personnel auprès de ce chercheur. Il a publié un article dans une revue à comité de lecture, et a passé le barrage de l’évaluation anonyme par les pairs. Nous savons tous que ce barrage n’est pas une garantie absolue, mais enfin, c’est toujours mieux que les prises de positions solennelles d’agences toutes plus ou moins liées à des intérêts privés ou étatiques. Si des scientifiques ont quelque chose à redire, qu’ils soumettent un « comment » à la revue, c’est la procédure normale. Tous ces dénigrements contre M. Séralini sont nuls et non avenus, sur le plan scientifique. Sur le plan médiatique, ou décisionnel, ils ont peut-être une valeur, je n’en sais rien, ce n’est pas mon domaine. Sur le plan strictement scientifique, ça ne vaut rien (les commentaires, j’entends).
Concernant l’affaire du jugement de l’Aquila, vues en particulier depuis l’affaire Seralini, les choses sont passionnantes : enfin une société qui prend ses chercheurs au sérieux ! Je ne suis pas surpris, d’ailleurs, que cela vienne d’Italie, où les chercheurs sont souvent informellement appelés par leur titre : « Dottore ». Ce n’est pas demain la veille que quiconque en France fera des révérences à un chercheur (inutile de m’appeler Maître, je suis resté simple). Alors me direz-vous, je me trompe de débat puisque ces chercheurs ont été condamnés, pour leurs propos rassurants sur les tremblements de terre, une semaine avant la catastrophe; il n'est pas question de révérences à leur égard. J’ignore le détail de l’affaire ; si réellement les chercheurs ont minimisé les dangers d’un séisme possible, ils ont eu tort, puisque, comme ils le disent eux-mêmes, les séismes (et leur magnitude) sont quasiment imprévisibles (auquel cas, il vaut mieux être trop prudent que pas assez). Si c’est le cas, il y a peut-être matière à des poursuites ; ils ont peut-être causé la mort de certaines victimes, rassurées par des propos lénifiants. Mais le point sociétalement intéressant, est que cette société a pris les chercheurs très au sérieux : d’une part, certaines victimes ont semble-t-il dû leur mort au fait qu’elles ont pris au sérieux un mot de spécialistes, et d’autre part, des juges ont jugé les chercheurs suffisamment responsables pour les condamner (au lieu de les considérer comme des savants Cosinus irresponsables comme c’est souvent le cas). Quelque chose vient donc de changer ; il va falloir faire gaffe à ce qu’on dit.
A titre personnel, je suis à fond pour ; à fond pour que des chercheurs prennent des responsabilités et disent aux gens ce qu’ils doivent penser. Il n’y a plus de boussole nulle part, et la société part en vrille. Mon sentiment est que les chercheurs sont suffisamment éclairés, avancés et responsables, pour qu’on leur confie des décisions, ou en tout cas, qu’on prenne au sérieux leurs oracles. En échange, bien sûr, nous en paierons, le cas échéant, le prix.
Chacun pourra ne pas être d’accord avec ce propos, je le conçois, mais mon sentiment, au vu de l’état de la société et de certains débats, est que le monde de la recherche va mieux moralement que le reste de la société. Le jugement par les pairs s’est renforcé, il est dur, mais il existe. Le monde de la recherche est un univers qui accepte constamment sa remise en cause, dans une société ou plus personne ne veut être critiqué, ni remis en question (enseignement, SNCF, zhommes politiques, jeunesse, etc.) (je fais des jugements à l’emporte-pièce, ce n’est qu’un billet de blog : si vous-même acceptez volontiers la critique et la remise en question, ne vous sentez pas visé.).
A l’occasion, je dirai plus précisément ce que je pense du papier de Seralini, que je suis en train de lire (ou plutôt de ruminer).