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Billet de blog 23 octobre 2013

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La France fade (réflexions sur l'affaire Leonarda)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’affaire Leonarda arrive sur une toile de fond de politique nationale dans laquelle la xénophobie rampante et la législation sur les immigrés ont pris une place démesurée. La France entière se remplit quotidiennement la cervelle de considérations mesquines, moches, dont l’aboutissement rhétorique est par exemple les propos de Brice Hortefeux clamant qu’il faudrait rendre la France moins attirante pour les étrangers. Il va de soi que le jour où la France cessera d’attirer les étrangers, c’est que le jour sera arrivé où nous vivrons dans un pays horrible. A ce sujet la seule position claire et nette était celle du candidat Mélenchon aux présidentielles, expliquant simplement que la chasse aux étrangers est un sport inutile, vain et humainement dégueulasse, se traduisant simplement par une perte de temps et d’énergie de policiers qui auraient d’autres chats à fouetter (rappelons qu’environ 50 millions d’étrangers passent sur notre territoire par an).

Cependant, ce jour se rapproche, et l’affaire « Leonarda », qui vient de s’achever, en est un exemple. Qui vient de s’achever, car en l’espèce, le Président de la République a pris la seule bonne et sage décision, et elle est, peut-être, illégale. Chacun jugera cette décision avec sa logique, qui est supposée partagée, et avec son expérience, qui est individuelle.

Sans me vanter, mais simplement pour que l’on sache d’où je parle, j’ai eu souvent à m’occuper d’étrangers, en situations régulière (étudiants, amis etc.) irrégulière (parrainages pour RESF etc.), et comme certains ministres, je suis vaguement d’origine étrangère. Et je trouve la décision de François Hollande parfaite.

Premièrement : le fait de séparer un adolescent de ses parents, n’a rien de scandaleux. Tous ceux qui ont connu des internats comprendront. Et je me permets de signaler qu’il y a à Paris un collège, le Collège Thomas Mann, fréquenté d’ailleurs par T. et A. qui sont mes enfants, lequel collège est le seul collège de Paris ayant un internat « d’excellence » où sont admis des enfants qui ne parviennent pas à faire une scolarité normale dans le cadre de leur famille. Pour peu que Mlle Leonarda trouve une famille d’accueil, un tuteur ou tutrice, elle aura sa chance et deviendra française, au prix, certes, de quelques années ou elle ne verra ses parents que pendant les vacances ; ceux qui, hum, n’ont vu leur père ou mère, ou les deux, que pendant les mois d’été comprendront que le jeu en vaut la chandelle.

Secondement, j’entends les vierges effarouchées de tous les hôpitaux hurler à qui mieux mieux contre la charité faite par M. Hollande à Mlle Leonarda. Quiconque comme moi a un minimum grenouillé dans l’aide aux étrangers ayant des difficultés dans leurs démarches s’amusera que l’on vienne reprocher à M. Hollande une proposition éventuellement illégale (je fais référence aux habitudes prises par certains en matière de papiers, documents, attestations etc.). Il est heureux que l’on soit encore capable de sortir un peu de la légalité, pour autant qu’on puisse sauver la vie de cette jeune fille.

Troisièmement, s’il est difficile de juger à distance, ce qui a été mis sur la place publique suffit à penser, pragmatiquement, que Mlle Leonarda est francisée et doit continuer sa scolarité en France, mais que la situation administrative, juridique, et peut-être même morale de sa famille ne permet pas de faire plus. C’est tragique, peut-être, mais toute autre position, basée sur les principes, se heurte à la réalité, et la réalité est préférable aux principes.

Quatrièmement, l’affaire « Leonarda » montre à qui l’ignorerait qu’en France tout se paye, cher. On aura remarqué en effet la longue litanie d’absences relevées au fil des années dans la scolarité de Mlle Leonarda. Ainsi, chaque absence de cette fillette naïve sinon ingénue, en 6e 5e 4e etc. a été dûment comptabilisée, et rappelée dans l’enquête administrative. Ces pointages n’ont aucune valeur légale, pas plus qu’en aurait l’image inverse, celle d’une élève modèle n’ayant jamais manqué un cours. Et pourtant, ces faits sont cités, et s’incorporent dans la zone grise des manifestations d’intégration, ou des preuves de bonne moralité de la famille. Mlle Leonarda a beaucoup manqué l’école. Si elle choisit de rentrer, et probablement, elle rentrera, elle suivra plus sérieusement sa scolarité. Ce paragraphe du dossier me rappelle le cas d’une amie étrangère, complètement francisée, intégrée, et qui vivait de petits boulots au noir, laquelle découvrit au moment de demander sa naturalisation, qu’il fallait des feuilles d’impôts bien garnies pour démontrer qu’elle était là et travaillait depuis les années en question, déclarations de revenus qu’elle ne put pas fournir, au motif simple qu’elle ne déclarait pas toutes ses heures. Quoi de plus courant, on a même vu des ministres poursuivis pour ce genre d’habitude, parfaitement française.

Ainsi s’achève l’affaire Leonarda, dans un sentiment et un arrière-goût de fadeur généralisée, fadeur des sentiments, fadeur du gouvernement, fadeur de la vie, qui nous oblige à pareilles contorsions, fadeur d’une famille et surtout d’une jeune fille qu’il faut soutenir, mais ça aurait été mieux si.

A propos de fadeur, c’est bientôt la Toussaint, saison propice à la dépression, mais aussi au repos et aux révisions scolaires pendant les vacances. On aura bien besoin de ces vacances pour se remettre, et passer à autre chose. Un jour tombera la dépêche que Mlle Leonarda est rentrée et a repris sa scolarité profil bas, et l’on n’y prêtera presque plus attention.

Or ma fille fait les champignons en SVT. C’est l’occasion, puisque champignons il y  a, de rappeler que les champignons ne sont pas des plantes. Arrivés sur notre lieu de villégiature, quelle surprise de trouver sous les pommiers un gros champignon rond en forme de ballon de foot :

Il s’agit d’une vesse de loup, champignon pouvant peser jusqu’à plusieurs kilogrammes.

Il est comestible mais réputé, justement, et si j’ose dire, pour sa fadeur. Voici donc une plante, à gauche, et un champignon à droite (en haut un livre, qui n’a rien à faire là).

On reconnaît la plante à sa couleur verte, signe qu’elle contient la chlorophylle, grâce à laquelle les feuilles fabriquent les molécules nécessaires à la fabrication de la plante. Le champignon n’est pas capable de photosynthèse, et puise donc ses molécules dans le sol, d’où la nécessité pour le champignon de pousser dans des milieux en décomposition (et c'est pour ça qu'il est blanc). Cependant, l’avantage pour le champignon est qu’il n’a pas besoin de lumière pour croître, si le sol contient de l'humus, les sous- bois ou même les caves lui conviennent très bien (d’où la culture du champignon de Paris en carrières).

Ce champignon va donc nous donner l’occasion de nous détendre, et de nous remettre de ce dégoût progressif que la France nous inspire. Voici donc comment on consomme un champignon fade. Tout d’abord couper le champignon en lames de moins d’un centimètre d’épaisseur.

On remarquera au passage qu’il n’y a rien dedans, c’est juste une masse de chair blanche, sans lamelles. On trouve aussi des plantes blanches, mais jamais dans les feuilles : dans des pétales qui ne servent à rien qu’à attirer les insectes.

Une fois les lamelles coupées les panner avec de l’œuf et de la chapelure. Comme ceci :

Faire frire à la poêle à feu vif. On obtient des galettes assez fades, dont la fadeur n’a d’égale que celle du tofu (pour ceux qui ne savent pas ce qu’est le tofu, faire une plongée dans une soupe miso) mais que l’on peut relever avec l’accompagnement que l’on veut, comme par exemple de la crème d’Isigny AOC.

Cependant, tout effort fait pour chasser de son esprit de mauvaises pensées sera vain, puisque la Toussaint est une saison propice à la rumination. Ce qui en présence d’une vesse de loup conduit à ceci :

Puis ceci.

La France fade.

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