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Billet de blog 1 mars 2019

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L’autrice contre Europe 1

Sur Europe 1, un animateur et une animatrice en guerre contre le mot autrice.

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Vendredi 1er mars, l’émission de radio Le tour de la question, sur Europe 1, célèbre les soixante ans de la poupée Barbie. Pour en parler, la station invite plusieurs intervenants dont Sophie Carquain. Celle-ci se présente comme écrivaine et autrice. Julie Leclerc, dite aussi Julie d’Europe 1 (particule de la noblesse médiatique) s’enflamme aussitôt : « Autrice, esthétiquement ça choque. » L’invitée tente de défendre ce féminin du mot auteur, mais aussitôt elle est interrompue par la même animatrice qui répète avec dégoût : « Autrice, esthétiquement ça choque. » Et son coanimateur, François Clauss, de renchérir : « Ça me choque aussi. » Ce dernier garde la parole et s’adresse à son interlocutrice en la qualifiant « d’auteure », en appuyant bien sur le e pour montrer que lui, le mâle, le journaliste, l’animateur, ne tolérera pas cette lubie féministe à son micro. Un e c’est déjà bien suffisant… aurait-il pu ajouter.

Qu’un mot rarement usité dérange l’oreille, ça s’entend. Ce qui pose problème, outre le fait que l’animateur impose le mot auteure à une femme qui semble vouloir être qualifiée d’autrice, c’est le refus d’accepter une terminaison juste, acceptée, valable, puisque « rice » est l’exacte féminisation du latin en « rix ».

Auteure est un québécisme sans-doute pioché dans le Guide de rédaction non-sexiste qui propose de mettre un e aux noms de métiers, titres et grades qui n’ont pas encore de féminin.
Mais autrice, du latin auctrix, existe dans notre langue depuis, au moins, 1521. Il disparaît progressivement à cause d’une « masculinisation » de la langue qui s’opère dans la deuxième moitié du XXe siècle. Les coupables sont nombreux mais, à n’en pas douter, l’Académie française en fut l’un des principaux qui dans Féminisation des noms de métiers, grades et titres indique que le féminin d’auteur… n’existe pas !

Après, actrice, réalisatrice, illustratrice, cantatrice, créatrice, interlocutrice, institutrice, etc. Pourquoi refuser autrice ?
« N’est-ce pas à force de prononcer certains mots, qu’on finit par en accepter le sens qui tout d’abord heurtait ? » peut-on se demander avec Hubertine Auclert, militante féministe et suffragette qui, à la manière des Revendicatrices de la Révolution française, souhaitait la création d’une assemblée de femmes chargées de féminiser la langue.

Pour conclure, on trouve sur la page web dédiée à l’émission cette information : « Sophie Carquain, Journaliste et auteur notamment du livre… » 
Et voilà comment auteure devient auteur. Avec autrice, pas de doute possible.

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