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Billet de blog 5 janvier 2023

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Aurore Bergé revient: l'année commence bien

Portrait enamouré d'une petite jeune kinenveut

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Hier matin, alors qu’un nouveau jour glorieux se levait sur la capitale des lumières, j’ai eu le plaisir d’entendre enfin — ils m’avaient tant manqué — les propos d’une femme qui fait honneur à la République et à ses valeurs, Madame Aurore Bergé.

Habillée cette fois d’une blouse vieux rose qui n’était pas sans rappeler le modèle que Laura Ingalls porta sans discontinuer pendant toutes les saisons successives de la petite maison dans la prairie, coiffée avec ce qui devait manifestement être une fourche, elle s’exprimait sur différents sujets avec, c’est le propre des grands politiques, une assurance inversement proportionnelle à la connaissance qu’elle en avait.

Son poireau, fier emblème de l’attachement de Madame Bergé au labourage, l’une des deux mamelles de la France, frémissait d’indignation sous ce nez si célèbre pour flairer le vent qui tourne et le plus petit sujet de nature à lui permettre de se pousser en avant.

De quoi s’indignait-elle ? Vous aurez bien compris que ce n’était pas là le propos. Devant Aurore (Vous permettez que je l’appelle Aurore ?) on est comme devant tous les grands artistes, saisis d’admiration moins par le sujet de l’oeuvre que par la maîtrise technique dont témoigne son exécution.

Plus redoutable qu’un chien spécialement dressé à la recherche de champignons hypogés ascomycètes ectomycorhiziens, elle produit elle-même les truffes qu’elle exhibe ensuite fièrement sous les projecteurs et les flashs. C’est cet or brun dont sa bouche est si peu avare qui lui a permis, en quelques années et avec un capital de départ dont il serait malhonnête d’ignorer la faiblesse, de devenir une figure politique majeure.

Il est vrai que l’expérience a joué aussi, cette infatigable opiniâtreté dont elle sait faire preuve, cette foi inébranlable du laboureur qui l’a conduite en un temps record — évidemment dans le louable objectif de tout savoir, tout connaître, tout comprendre — à visiter au moins autant de partis que Dominique Strauss-Kahn aura investi d’entrecuisses.

Qui dira la résilience de cette femme d’exception qui, de décembre à février, fut capable de soutenir trois candidats différents à une seule et même élection, et ce sans se déchirer irrémédiablement les adducteurs de la conscience politique ou le psoas de la loyauté personnelle ?

Cette ascension exceptionnelle, Aurore la doit aussi à cette capacité unique à n’ouvrir les yeux qu’une fois sur deux, faculté dite de la cécité sélective, qui lui permet de ne discerner que les errements de ses opposants et de manquer toute faute de ses amis.

Ce don dont, soyons honnêtes, Marlène et Agnès, ses principales adversaires dans cette lutte acharnée vers le graal de l’objectivité alternative, ne disposent qu’en quantités plus limitées, permet à Aurore de solliciter Darmanin pour qu’il lui trouve un appartement ou de demander à Abad de lui gratter le dos et, dans le même temps, d’exiger férocement la démission de ses opposants au nom de la lutte contre la violence faite aux femmes.

Elle est comme ça, Aurore. Elle voit la vie comme un film dont on aurait coupé une image sur deux. Par exemple, quand il y a une grève, elle entend très bien les revendications des patrons. Quand on en vient à celles des grévistes, paf, elle a piscine. Elle comprend parfaitement les femmes de droite qui portent plainte contre des hommes de gauche mais alors, l’inverse, son cerveau n’est pas câblé pour.

Elle dispose, pour soutenir ce rare talent qui constitue le ressort essentiel de son ascension parabolesque, d’un autre atout : la capacité d’effacer spontanément de son disque dur, dans un délai variable qui varie très largement en fonction des circonstances, tout ce qu’elle a vu ou entendu. Ainsi, elle ne se souvient d’aucune des promesses non tenues des candidats qu’elle a soutenus non plus qu’aucune des condamnations prononcées à leur encontre. S’ils ont perdu de leur éclat, c’est encore pire. Elle les oublie complètement. François Fillon ? Elle ne sait même plus qui c’est. Nicolas Sarkozy. Ça lui dit vaguement quelque chose.

Mieux. Elle parvient— mais c’est une qualité plus communément partagée dans le personnel politique — à ne plus se souvenir de ce qu’elle a dit la veille si cela ne concorde pas avec son opinion d’aujourd’hui. Parfois même, d’une phrase à l’autre, elle se contredit.

Chez n’importe qui, ce serait le signe inquiétant de la progression fulgurante d’un Alzheimer précoce mais chez Aurore, qui parvient toujours à habiter son rôle avec la grâce d’une perruche versaillaise ravie de manger des graines premier choix dans une cage en platine, ce n’est rien d’autre que le signe extérieur de la combustion de son carburant intime, un peu comme le raté d’une vieille voiture ou le rototo d’un mangeur de choucroute engagé dans le combat de sa vie.

Aurore, elle marche à l’ambition. Forcément, ça lui pèse sur l’estomac et, de ces gaz, il lui faut se débarrasser, sinon ça fermente. Si elle travaillait au grand air, Aurore flatulerait pour évacuer cet excès. Malheureusement, comme elle n’exerce son art que dans les studios de télévision, endroits fort peu aérés s’il en est, Aurore parle et, en parlant, elle évacue tout ce qui l’encombre tout en produisant ce dont elle parlera demain. Elle est à la pensée politique ce qu’un animal dévorant ses excréments serait à la production agricole. Un mouvement perpétuel fascinant, quelque peu difficile à regarder, il faut en convenir, mais au produit duquel, par souci écologique, chacun de nous devrait être prêt à adhérer.

Parfois, ça peut sentir un peu fort, évidemment mais, à force, on s’y habitue.

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