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Billet de blog 6 janvier 2023

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Éric, je te kiffe

Ode enflammée au plus grand ministre de la justice que le monde ait connu

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Il est peu d’hommes pour lesquels j’ai plus d’admiration, de respect et, disons-le tout crûment, de dévotion, que notre éminent garde des sceaux. Et pourtant, ces sentiments nobles et élevés reviennent de loin. Qui aurait dit, il y a quelques années à peine, que je porterai au pinacle cet homme à l’égard duquel je n’éprouvais, jusqu’alors, qu’un mépris mâtiné de détestation ?

Qui aurait pu supposer qu’un jour, je dispenserai d’ingénus compliments sur celui qui, auparavant, personnifiait pour moi le mal absolu, celui que l’on qualifiait d’ogre des prétoires, à la fois par référence à sa consommation de bâtons de berger (coucou, Aurore. Je pense à toi) par audience et au fait qu’il lui arrivait parfois, quand il n’avait pas repris deux fois du petit salé à midi, de grignoter un bout de la manche de sa robe ou la cuisse d’un parquetier, celui qui faisait libérer des coupables en s’appuyant sur de risibles arguties, tel le respect du code de procédure pénale, dernier rempart des violeurs d’enfants, des voleurs de téléphones et des terroristes, qui ne cessait de chouiner sur le sort des prisonniers, ces petites ordures majoritairement racisées qui se gobergent avec notre argent dans les clubs med que notre pays met à leur disposition, celui qui soutenait que la justice avait moins besoin de places de prison que de juges supplémentaires, celui qui ne cessait de répéter que la cour d’assises était indispensable à une justice de qualité, celui qui, en résumé, s’échinait à déclamer à tous vents le bréviaire de l’islamo-gauchiste, tendance droits de l’hommiste assimilateur et anti-français de souche.

Il aurait fallu avoir les dons divinatoires d’Elizabeth Tessier pour deviner que pareil virage sur l’aile, semblable révolution copernicienne, changement de paradigme d’une telle ampleur pouvait survenir, que je pourrai un jour adorer ce que j’avais brûlé, admirer ce que j’avais conspué, porter aux nues ce que j’avais mis plus bas que terre.

Pourtant, il faut aujourd’hui se rendre à l’évidence. Il a changé. Nul ne sait vraiment pourquoi. Est-ce d’avoir été touché par Brigitte qui lui a guéri les écrouelles mentales qui l’empêchaient de penser juste. Est-ce à l’issue d’une accolade d’Emmanuel que la vérité lui a-t-elle été révélée ? Il n’est pas interdit de le penser, tant il faudrait être aveugle ou de mauvaise foi pour dénier au couple de nos souverains la redoutable puissance thaumaturgique dont ils ont maintes fois donné la preuve. Quoi qu’il en soit, il n’est aujourd’hui plus le même et revient, en ce début d’année 2023, avec sa caisse à outil, sa raie du carreleur et sa bonhommie légendaire pour nous présenter son plan de réparation de la justice. D’aucuns diront, avec cette mauvaise foi coutumière qui caractérise les va-nu pieds aux chicots puants qui critiquent ceux qui sont au sommet, qu’il avait déjà annoncé sa réparation l’année dernière ainsi que celle qui précédait et tenteront de tirer profit de cette circonstance pour crier haro sur le baudet. Pareille réaction devra être considérée comme risible et témoignant seulement de cette absence de sens commun qui est l’apanage de ces saltimbanques pouilleux que l’on a par erreur laissé entrer à l’assemblée nationale.

 En effet, d’une première part, semblable critique fait fi de ce que, au physique, notre estimé chancelier tient davantage du cochon truffier que de l’âne du poitou et que nul ne s’est jamais risqué à crier haro sur un porcinet, fut-il installé place vendôme.

D’une seconde part, il faut n’avoir jamais travaillé de ses mains pour ignorer qu’une réparation, ça ne tient pas toujours et prétendre croire que les trois élastiques et les deux bouts de scotch que notre bouvier nordique avait posé, dans l’urgence et exclusivement pour rendre service, allaient durer toute une vie.

Enfin, et d’une troisième part, pareille critique fait litière de ce qui constitue l’essence de ce que sont les artisans consciencieux, des hommes (et des femmes aussi mais souvent, c’est moins bien) qui ont cette rare capacité à remettre plusieurs fois leur ouvrage sur le métier.

Dès lors, et même si, par souci d’honnêteté, je suis prêt à reconnaître que les précédents ouvrages d’Éric (vous permettez que je l’appelle Éric) en la matière ne lui auraient sans doute pas permis de recevoir le prix de meilleur ouvrier de France (ni même de l’un de ses départements ou de ses cantons), il faut faire preuve d’une singulière myopie morale pour lui reprocher d’avoir essayé.

Par ailleurs, reconnaissons-le, même s’il demeure encore quelques accrocs au jupon de Thémis, il faudrait être d’une affligeante mauvaise foi pour ne pas constater que, sous la lumineuse direction de notre timonier tabagique, les choses vont dans le bon sens.

Tous ces pleureuses de femmes battues, se sont ainsi, par exemple, vu gracieusement offrir un numéro vert grâce auquel elles pourront, en temps réel, se plaindre des coups qu’elles se prennent dans la gueule. On notera que pas une de ces ingrates n’a eu jusqu’ici la décence de se fendre de ne serait-ce qu’un petit merci.

De la même manière, si le nombre de juges ou de greffiers n’a pas augmenté, les justiciables trouveront une agréable compensation à cette continuation de l’activité à euro constant dans le fait que, pour une fois dans leur vie, ils seront sous le feu des caméras. Là encore, pas un de ces pouilleux qui vont pourtant pouvoir briller sur TF1, BFM TV, CNews, ou une autre chaîne culturelle, n’a eu l’idée de venir apporter une boîte de chocolat ou une petite bouteille à celui à qui ils devront cette sortie, brève mais fulgurante, de l’anonymat dans lequel ils moisissent.

Pour poursuivre dans le même registre, faut-il rappeler à ces nantis d’avocats qui persistent à se plaindre de la prétendue faiblesse de l’indemnisation qui leur est consentie au titre de la commission d’office que, dans sa largesse munificente, notre grand conducator de la roue judiciaire leur a offert un accès à la cafétaria du 13ème étage du nouveau tribunal judiciaire de Paris et que, lorsque l’on a l’insigne honneur de partager un triangle SODEBO avec un procureur ou un juge, on a le bon goût de ne pas pleurnicher sur des détails triviaux ?

On pourrait multiplier à l’envi les exemples des formidables progrès qui, sous l’impulsion de l’homme à côté duquel Robert Badinter fait figure de puceau complexé et Simone Veil de gourdasse incapable, ont été constatés mais ce serait trop facile, trop évident, indigne en réalité de la hauteur morale de celui dont tous les professionnels de la justice murmurent le nom avec la voix chargée d’émotion et une petite larme perlant à leurs paupières.

Mais, au-delà des avancées écrasantes que, grâce à son poids (politique), le petit gars de Maubeuge (dont la mère était femme de ménage, ce qui prouve bien que, même issu d’une famille de feignants qui n’ont pas eu le courage de faire des études, on peut arriver à quelque chose) est parvenu à obtenir, il est d’autres motifs pour que son nom s’étale à la feuille d’or sur le grand grimoire de la légende politique française.

Il a beaucoup fait, notamment, pour assurer la renaissance d’une petite maison qui tombait dans l’oubli, en acceptant de claquer l’équivalent de plusieurs smics afin de faire l’acquisition d’une veste forestière de chez Arnys et ainsi de ressembler, sans souci du ridicule, à un garde-chasse à la fois solognot et alcoolique.

Il s’est également beaucoup démené pour que la chasse au faucon ne disparaisse pas du patrimoine français, sans se laisser démonter par les jaloux et les haineux qui se répandaient sur les réseaux sociaux en clamant que, lorsque l’on en était un vrai, il n’était pas utile d’en avoir de faux.

Il est enfin, — et c’est à mon sens la plus éclatante de ses réussites — parvenu à revenir avec sincérité sur ses erreurs anciennes et à reconnaître, avec une bonne foi dont seuls les plus ignobles complotistes osent aujourd’hui prétendre que ce serait par ambition personnelle, que les Cours d’assises qu’il avait si longtemps vantées n’étaient en réalité que de sous-juridictions, livrées au hasard, aux circonstances et à la température ambiante, dans lesquelles ne triomphaient que les avocats les moins talentueux et dont le sérieux des décisions, rendues par une bande de péquenauds souvent dépourvus de dents, ne pouvait être garanti.

Cet homme, qui peut aujourd’hui, ce qui est la preuve de son talent, défendre toutes les menteuses qui accusaient ses clients dans sa vie précédente tout autant que pourrir ceux qu’ils défendaient alors, appeler ardemment à la création d’un énième numéro vert quand il pourfendait autrefois les mesurettes grâce auxquelles la justice dissimulait sa misère, réclamer plus de prisons quand il stigmatisait l’incarcération à tous crins, cet homme qui, en substance, a su tirer un trait sur toutes les erreurs de son passé, cet homme, il mérite notre respect.

Éric, mon gros, je te kiffe.

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