Depuis quelques temps, j’avais des doutes.
Aujourd’hui, ce sont des certitudes.
Les zombies ont pris le pouvoir.
Bien sûr, ce ne sont pas des zombies comme ceux que l’on voit au cinéma, que l’on reconnaît immédiatement, parce qu’ils marchent comme s’ils avaient une prothèse de hanche mal ajustée, qu’ils ont les cheveux sales et qu'ils râlent comme des cancéreux en phase terminale.
Non, les vrais zombies, ceux qui hantent notre pays, qui tiennent le pouvoir et n’ont pas l’air disposés à le lâcher, sont toujours habillés de costumes, eux-mêmes souvent assortis de cravates. S’ils ont parfois une prothèse de hanches (surtout du côté du jardin du Luxembourg), ce n’est pas le cas de tous; leurs cheveux sont propres et ils s’expriment d’une voix intelligible.
En revanche, même si, de l’extérieur, ils ont l’air parfaitement normaux, lorsque l’on écoute ce qu’ils disent et que l’on voit les décisions qu’ils prennent, on se dit que leur cerveau doit avoir la consistance d’une raclette au feu et que, s’ils relèvent le menton et se tiennent droits, dans des postures martiales, c’est tout simplement pour éviter que leur cerveau ne leur coule par les oreilles.
Car comment expliquer autrement que par la liquéfaction de la matière cérébrale de ceux qui nous gouvernent le florilège de stupidités auquel nous sommes en ce moment confrontés?
Comment expliquer - ce n’est qu’un exemple au milieu d’un océan de déclarations similaires -, qu’un homme qui se prétend Premier ministre d’un des Etats qui, sur le globe, est depuis des siècles reconnu comme un des berceaux de la recherche et de la science, puisse venir déclarer « qu’expliquer, c’est déjà excuser »?
Quelle autre explication (notez que je ne parle pas d’excuse) que celle d’une friture de la matière cérébrale pourrait être donnée à des propos de cette nature?
Qu’il le pense, on s’en doutait. Au vu de son parcours, cela ne saurait en réalité guère étonner que, dans les tréfonds de son âme exigüe, il pense profondément qu’il n’y a rien à comprendre et qu'il ne feigne d'organiser les choses que parce qu'il a la profonde certitude qu'elles le dépasseront toujours.
Ce qui témoigne, en revanche, d’une bêtise surhumaine, c’est de l’avoir dit, c’est de livrer au grand jour les ressorts de sa pensée.
Car enfin, avouer que l’on veut résoudre un problème sans l’avoir compris, c’est tout de même confesser au public que l’on a à peu près la maturité d’un enfant de 24 mois et que la stratégie politique que l’on élabore pour sauver le pays consiste, en substance, à essayer des méthodes dont l’on n’est même pas certain qu’elles soient adaptées au problème; exactement comme un nourrisson va, des heures durant, essayer de faire rentrer une pièce ronde dans une forme carrée.
Dès lors, de deux choses l’une, soit notre premier ministre est d’essence divine et une puissance supérieure lui est un jour apparue pour lui dire quelque chose comme : « cherche pas à comprendre, tu n’y arriveras pas; fais juste ce que je te dis et, tu verras, ça va marcher », soit il a, en prononçant cette mâle sentence sur la nécessité de ne rien chercher à expliquer, reconnu publiquement qu’il n’avait aucune idée réelle de ce qu’il fallait faire et que, dans le doute, il adoptait la seule posture qu’il connaissait, à savoir celle de l’adjudant-chef confronté à une difficulté qui le dépasse.
Je ne nie pas que, dans ce rôle, il soit excellent. ses sourcils sombres toujours prompts à se froncer devant l’outrecuidant qui voudrait questionner ses actions, cette expression à mi-chemin entre l’arrogance du garçon-coiffeur de salon de luxe et le béat contentement du veau dans les prés, ce nez déporté vers la droite, comme pour donner plus de place à son cerveau reptilien, tout en lui rappelle l’image que donnaient les films d’antan de la brute militaire, bornée, vindicative et rancunière.
C’est le degré zéro de la réflexion, l’application stricte, bête et méchante du règlement, le respect des supérieurs et la trique pour ceux du dessous. La putréfaction de la pensée politique et sociale. La philosophie de la caserne.
Il est un zombie de la République, le signe de sa soumission à la pensée la plus basique, celle qui refuse, par manque de moyens pour la saisir, la complexité du Monde dans lequel elle est plongée, celle qui se noie en continuant à marcher au pas.
Et il claque des semelles dans les allées du pouvoir en bavant d’une voix rauque « sécurité, sécurité », avec pour seul objectif de bouffer toute liberté qui passera à sa portée, de museler ceux qui voudraient penser ou agir autrement, semblable à un pompier stupide qui se serait fixé pour seule mission d’empêcher quiconque de tenter d’éteindre le feu qui consume la maison.
Bien sûr, un jour, il va partir, parce que même le dernier des crétins sait que ce n’est pas une bonne idée de demander à quelqu’un qui ne comprend pas le problème d’en trouver la solution et que, dès lors, un jour, on l’espère, la catastrophe que représente sa présence au pouvoir apparaîtra au grand jour.
Il y a malheureusement une armée de gens comme lui, qui piaffent d’impatience à l’idée d’aller soumettre leur incompréhension du réel à l’épreuve des faits et, dès lors, il est probable que celui qui le remplacera lui sera fortement similaire.
Peut être qu’un jour, on peut rêver, nous vivrons dans un monde où on ne pourra plus asséner comme des évidences des assertions dénuées de tout fondement, voire démenties par les faits.
Peut être qu’un jour, la stupidité arrogante et brutale n’aura plus le droit de donner son avis, que l’on dira que tout doit être expliqué, être compris et, même, idéalement, pardonné, qu’un jour, on considérera qu’il faut, pour résoudre la plupart des problèmes, non seulement les comprendre mais encore admettre qu’on pourrait en être partiellement à l’origine.
Peut être, un jour.
D’ici là, beware of the walking dead.