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Billet de blog 4 septembre 2016

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Citations du dimanche.

Ces citations du dimanche célèbrent la canonisation en ce jour d'un danger public dénommé Thérésa par le Gorbatchev du Vatican.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce seront des citations du père Karl, pas comme sourates sacrées mais comme matière à réflexion.
Et d'une :

"Pour l'Allemagne, la critique de la religion est finie en substance. Or, la critique de la religion est la condition première de toute critique.

L'existence profane de l'erreur est compromise, dès que sa céleste oratio pro aris et focis a été réfutée. L'homme qui, dans la réalité fantastique du ciel où il cherchait un surhomme, n'a trouvé que son propre reflet, ne sera plus tenté de ne trouver que sa propre apparence, le non-homme, là où il cherche et est forcé de chercher sa réalité véritable.

Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : l'homme fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. La religion est en réalité la conscience et le sentiment propre de l'homme qui, ou bien ne s'est pas encore trouvé, ou bien s'est déjà reperdu. Mais l'homme n'est pas un être abstrait, extérieur au monde réel. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, une conscience erronée du monde, parce qu'ils constituent eux-mêmes un monde faux. La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification. C'est la réalisation fantastique de l'essence humaine, parce que l'essence humaine n'a pas de réalité véritable. La lutte contre la religion est donc par ricochet la lutte contre ce monde, dont la religion est l’arôme spirituel.

La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple.

Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé à une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole.

La critique a effeuillé les fleurs imaginaires qui couvraient la chaîne, non pas pour que l'homme porte la chaîne prosaïque et désolante, mais pour qu'il secoue la chaîne et cueille la fleur vivante. La critique de la religion désillusionne l'homme, pour qu'il pense, agisse, forme sa réalité comme un homme désillusionné, devenu raisonnable, pour qu'il se meuve autour de lui et par suite autour de son véritable soleil. La religion n'est que le soleil illusoire qui se meut autour de l'homme, tant qu'il ne se meut pas autour de lui-même."

Ce texte est le texte le plus cité de Marx à propos de la religion. Récemment, en est diffusée une interprétation tronquée : il ferait paraît-il l'éloge de la religion ! Parce que l'opium, comprenez-vous bien, ça soulage, et donc le "soupir de l'opprimé" est un beau chant devant lequel il convient de s'agenouiller. Ceux qui diffusent cette interprétation comique omettent systématiquement de citer la première phrase, dont l'idée est reprise dans le dernier paragraphe :

" ... la critique de la religion est la condition première de toute critique".

N° 2 :

"Kriege conclut ainsi son discours boursouflé : « Celui qui ne donne pas son appui à un tel parti peut être considéré, à juste titre, comme un ennemi de l'humanité. » L'intolérance de cette phrase semble contredire le « don de soi à tous », « la religion de l'amour » pour tous. Mais elle est, au contraire, une conséquence toute logique de cette nouvelle religion qui, comme toutes les autres, hait et persécute à mort tous ses ennemis. L'ennemi du parti est transformé tout logiquement en un hérétique : d'ennemi du parti réellement existant, que l'on combat, on fait un pécheur contre l’humanité qui, elle, n'existe que dans la seule imagination, et ce pécheur doit être puni."

Ce passage, beaucoup moins connu, mérite un commentaire. Il est extrait de la "Circulaire contre Hermann Kriege", adoptée par le Comité de correspondance communiste de Bruxelles le 11 mai 1846 par les votes Pour de Friedrich Engels, Philippe Gigot, Louis Heilberg, Karl Marx, Sebastian Seiler, Edgard von Westphalen, Wilhelm Wolf et le vote Contre de Wilhem Weitling. Cette circulaire a contribué à rapprocher les dirigeants allemands de Londres de la Ligue des Justes, future Ligue des Communistes, du groupe bruxellois, car elle ridiculisait le journal fondé à New York par un de ses membres, Hermann Kriege. Celui-ci est un personnage intéressant : on sait par une lettre qu'il écrivit à Ludwig Feuerbach qu'il reprochait à Marx de vouloir régler les problèmes en agissant au niveau social et économique alors que selon lui, il fallait d'abord dissiper toute illusion religieuse. Parti aux Etats-Unis Kriege change son fusil d'épaule et se met à préconiser la fusion du communisme et du christianisme dans "l'amour".
Le passage que je cite ci-dessus est remarquable : il brocarde Kriege qui, après avoir prôné amour et bonté, s"élève contre ceux qui ne seraient pas d'accord en les qualifiant d' "ennemis de l'humanité". Et voila comment la religion de l'amour peut conduire à l'Inquisition, et les conflits donnant lieu à des débats contradictoires être transformés en purges contre des ennemis du Bien, donc partisans du Mal. Par avance les dérives des sectes, fractions-sectes, et l'état-d'esprit du stalinisme (qui ne se réduit pas à cela mais qui avait cet état-d'esprit) sont dénoncés comme l'intolérance résultant de la religion présentée comme amour et bienfaisance.
Celui qui n'est pas d'accord avec moi n'est pas l'incarnation d'un principe ennemi, il est un contradicteur. Comme dira Rosa Luxembourg :

"La liberté est toujours celle de celui qui pense autrement."

N°3 :

"Les principes sociaux du christianisme ont eu maintenant dix-huit siècles pour se développer et n’ont pas besoin d’ un supplément de développement par des conseillers au consistoire prussiens.

Les principes sociaux du christianisme ont justifié l’esclavage antique, magnifié le servage médiéval et s’entendent également, au besoin, à défendre l’oppression du prolétariat, même s’ils le font avec de petits airs navrés.

Les principes sociaux du christianisme prêchent la nécessité d’une classe dominante et d’une classe opprimée et n’ont à offrir à celle-ci que le vœu pieux que la première veuille bien se montrer charitable. Les principes sociaux du christianisme placent dans le ciel ce dédommagement de toutes les infamies dont parle notre conseiller, justifiant par là leur permanence sur cette terre.

Les principes sociaux du christianisme déclarent que toutes les vilenies des oppresseurs envers les opprimés sont, ou bien le juste châtiment du péché originel et des autres péchés, ou bien les épreuves que le Seigneur, dans sa sagesse infinie, inflige à ceux qu’il a rachetés.

Les principes sociaux du christianisme prêchent la lâcheté, le mépris de soi, l’avilissement, la servilité, l’humilité, bref toutes les qualités de la canaille ; le prolétariat, qui ne veut pas se laisser traiter en canaille, a besoin de son courage, du sentiment de sa dignité, de sa fierté et de son esprit d’indépendance beaucoup plus encore que de son pain.

Les principes sociaux du christianisme sont des principes de cafards et le prolétariat est révolutionnaire.

En voilà assez pour les principes sociaux du christianisme."

(article dans la Gazette allemande de Bruxelles, septembre 1847).

Marx polémique ici contre les partisans catholiques ou protestants du roi de Prusse prétendant que la bonté chrétienne du roi améliorera la condition ouvrière contre les patrons.
L'on pourrait objecter que Jésus de Nazareth lui-même, pour autant que nous en sachions quelque chose, ou François d'Assise, avaient des "principes sociaux" pas forcément identiques à ceux du clergé, mais ce sont ceux-ci qui ont prévalu. Aujourd'hui, un bilan sérieux de la "théologie de la libération" s'impose : à quelle "libération" a-t-elle contribué et où ??? Or la "théologie de la libération", comme certains de ses prédécesseurs, avait franchi un pas par rapport aux principes sociaux habituels du christianisme : elle reconnaissait comme un fait positif la lutte de classe des exploités et affirmait vouloir y prendre part. Mais elle a voulu rester dans le cadre de l'Eglise et elle maintenu les positions de celle-ci sur les femmes et la famille. Elle a exercé le pouvoir, ce qu'on oublie, en Haïti avec le père Aristide et cela a fort mal tourné. Les communautés évangéliques de base ont largement structuré le PT brésilien - est-ce étranger à l'histoire rapide de celui-ci qui s'apparente à la répétition en tête-à-queue de la bureaucratisation de l'ancien mouvement ouvrier ? Et elle est en fait la cause de l'arrivée du Gorbatchev de la Curie à la tête de celle-ci, Sergio Bergoglio, qui n'en est pas issu mais qui est issu de l'aile centriste, celle de "l'option préférentielle en faveur des pauvres', habile jésuito-franciscain, au passé trouble en ce qui concerne ses rapports avec la dictature argentine.
Enfin, il reste à examiner la question des millénarismes et messianismes, dont ceux du XX° et XXI° siècles, qui aboutissent à des mouvements follement destructeurs et réactionnaires - celui d'Alice Lakwena en Ouganda ou celui du califat reproclamé de Daesh ...

Je m'arrête ici pour aujourd'hui.

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