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Billet de blog 18 décembre 2015

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Ukraine : il est temps de séparer les mythes et la réalité. 2° partie.

On poursuit ici le résumé de l'histoire ukrainienne destiné à séparer mythes et réalités, selon notre historien, et on en profite en cours de route pour souligner des mythes, rappeler des réalités et envisager des pistes de recherche.

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La guerre civile en trois phrases.

Mais il y a mieux encore : toute, on dit bien toute, la période de bruit et de fureur qui va des lendemains de Brest-Litovsk à la fin de l’année 1920 est ensuite résumée en trois phrases !

L’une pour nous dire qu’il y avait des blancs, des rouges, des nationalistes ukrainiens, et des bandes paysannes « vertes » auxquelles J.J. Marie assimile Makhno, la seconde pour nous rappeler que les rouges ont gagné, et la troisième que les Juifs ont le plus souffert. Certes, mais c’est un peu court tout de même pour qui prétend séparer mythes et réalités dans l’histoire ukrainienne dont ces années sont un moment clef.

La nature de l’hetmanat de Skoropadsky allié à l’Allemagne, celle de la République populaire ukrainienne restaurée à Kyiv fin 1918, celle de la République soviétique d’Ukraine dirigée par Christian Rakovsky – une catastrophe, les bolcheviks ayant compris la place centrale de l’Ukraine dans la géopolitique révolutionnaire européenne, mais pas celle de la révolution de libération nationale ukrainienne ! -, celle de son effondrement sous les coups d’une insurrection de soldats rouges puis des « trahisons » de chefs paysans, ouvrant la voie à Denikine et aux blancs, la question de la nature du territoire « anarchiste-communiste » de Makhno, le fait que lors du retour de l’Armée rouge fin 1919 Lénine et Trotsky promettent de respecter la souveraineté nationale d’une Ukraine soviétique, condition de la victoire (Vynnitchenko est alors à Moscou …), le rôle de la guerre russo-polonaise dans l’avortement de cette promesse, qui avait connu des débuts de réalisation pourtant : rien de tout cela n’est abordé, l’impasse est complète.

Impasse complète par conséquent aussi sur ces courants politiques de masse, ignorés tant de l’histoire nationale officielle en Ukraine contemporaine que dans l’historiographie soviétique, que furent les borotbistes (socialistes-révolutionnaires ukrainiens), les oukapistes ou Nezalezhnyky (parti communiste indépendantiste, issu de la social-démocratie ukrainienne, qui tenta de diriger une insurrection militaire contre Rakovsky au printemps 19 et fut ensuite un parti légal en URSS jusqu’en janvier 1925, record unique ! ) et les bolcheviks indépendantistes Chakhrai et Mazlakh. Il y a là un énorme pan d’histoire qu’il est politiquement capital, pour l’Ukraine, pour la Russie, pour l’Europe, de sortir de l’oubli.

Or selon J.J. Marie : « … l’Ukraine n’existera comme Etat formellement indépendant qu’à partir de décembre 1991 … ».

Cet article n’aborde pas, de fait, l’existence, sous des formes socialement et politiquement opposées, de plusieurs Etats qui ont affirmé être l’Ukraine indépendante dans les années suivant 1917. Est donc ainsi niée une dimension capitale de la période révolutionnaire ouverte alors, négation qui est au cœur de l’échec des espoirs de ces années et de la genèse du pouvoir de la bureaucratie stalinienne grand-russe : celle de la nation ukrainienne, comme force révolutionnaire vivante et puissante, indispensable à toute jonction entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, entre la Russie et l’Allemagne, entre la Russie et la Pologne, entre la Russie et la Hongrie, entre la Russie et les Balkans, pour aller vers une Europe socialiste et unie ; mais ce rôle révolutionnaire de l’Ukraine n’était possible que par et dans sa pleine souveraineté et sa pleine indépendance.

Où l’épanouissement de l’Ukraine n’arrive qu’avec … Staline.

Après cette liquidation sommaire, nous en arrivons à ce passage effarant :

« La victoire des bolcheviks débouche sur la création d’une République socialiste soviétique d’Ukraine, où les bolcheviks mènent, dés 1923, une politique dite d’ukraïnisation poursuivie jusqu’au début des années 1930. Lénine développe des positions « fédéralistes » (opposées aux positions centralistes staliniennes favorables à l’autodétermination [sic]). Aujourd’hui les maïdanistes détruisent les statues … sans savoir que c’est sous son impulsion que la langue ukrainienne a été enseignée comme jamais auparavant, ni ailleurs dans les territoires ukrainiens sous occupation polonaise ou roumaine. »

Le lecteur est contraint de rectifier par lui-même le passage sur les positions staliniennes « favorables à l’autodétermination » en faisant la supposition, charitable mais vraisemblable, que la parenthèse fermée après le mot « autodétermination » aurait dû l’être après « staliniennes », et que ce sont donc les positions de Lénine que J.J. Marie présente comme favorables à l’autodétermination. Ceci supposé, passons encore sur les approximations grossières : le respect de la langue ukrainienne dans la République soviétique d’Ukraine date de la reconquête de fin 1919, et les statues géantes de Lénine, abattues par manifestants et population en deux vagues, en 1991 et en 2014, ne reflètent pas la volonté de Lénine ni une reconnaissance envers son action révolutionnaire, mais symbolisent, dans toute leur lourdeur et leur laideur, l’oppression nationale, sociale et bureaucratique, évidence que l’on s’étonne d’avoir à expliquer à … J.J. Marie. Lorsque Lénine développe des positions « fédéralistes » en 1923 c’est son dernier combat, contre Staline et le centralisme bureaucratique grand-russe. Evidence ?

Selon J.J. Marie pourtant, le libre développement culturel et national de l’Ukraine s’épanouit à partir de 1923, qui se trouve être l’année où Staline accapare le pouvoir réel en URSS, jusqu’en 1930 (au « début des années 1930 », cf. ci-dessus). L’ ukraïnisation dont il parle ici était déjà critiquée, dés 1920, par les « oukapistes », comme une prise en compte de la question nationale limitée aux aspects linguistiques et culturels. La politique lancée en 1923 sous le nom de korenizatsiya l’accentue, mais en s’en tenant aux domaines éducatif et culturel. C’est en fait une parade à l’attaque virulente que préparait Lénine sur la politique des nationalités, aux remarques de Trotsky, Boukharine, Rakovsky, et aux protestations des Géorgiens lors du XII° congrès du PCUS d’avril 1923. Le fait décisif pour l’Ukraine soviétique en 1923 n’est pas cette « ukraïnisation », mais l’éviction de Rakovsky de la direction du PC d’Ukraine, qui avait évolué sur la question nationale depuis 1919 et était proche de Trotsky, éviction qui est un élément décisif de l’ascension de Staline, élément dont J.J. Marie ne parle pas, pas non plus d’ailleurs dans sa biographie de Staline.

De plus, il présente un peu plus loin le dirigeant stalinien du PC ukrainien, Kaganovitch, comme agissant en 1926 pour ukraïniser l’appareil du parti, alors que c’est cette année là qu’il lance des attaques contre les anciens borotbistes dans l’appareil d’Etat et contre les écrivains et intellectuels soupçonnés de vouloir empêcher les prolétaires de parler russe.

Bref, non seulement J.J. Marie efface de l’histoire de l’Ukraine et de l’URSS l’éviction de Rakovsky, un fait important bien connu au moins depuis les travaux de P. Broué, mais il suggère une autre histoire, dans laquelle l’Ukraine, qui selon lui n’avait jamais été indépendante auparavant, connaît une évolution positive accompagnant la montée du stalinisme. 1923, année clef de l’ascension stalinienne, devient l’année où les Ukrainiens reçoivent d’en haut, octroyé par les bons russes, le droit à la culture ukrainienne !

Où l’on touche le fond.

Exagération ?  Mais voici ce qui suit :

« … Staline, en 1932, met fin à la politique d’ukraïnisation (comme au développement du yiddish). Coïncidence, l’hiver 1932-1933 est marqué en Ukraine par une famine terrible. »

Rappelons que selon le Larousse dit « du collège », édition 2010, coïncidence signifie :  « simultanéité de faits, rencontre fortuite de circonstances ».

Donc, par une malencontreuse coïncidence, fortuitement, Staline met fin à l’ukraïnisation, d’une part, et, d’autre part, il fait froid et des gens meurent de faim !

J.J. Marie confirme : « La conjonction (sic) des deux évènements débouche en 1933 sur le suicide de Nicolas Skrypnik (…) et de l’écrivain Khvylevoï .. » à  savoir Mykolaï Skrypnyk, ancien dirigeant de l’Ukraine soviétique, et le poète national Khvyloviy (J.J. Marie russifiant tous les noms ukrainiens dans son article …) : comme c’est triste, toutes ces coïncidences et autres conjonctions !

Et, suite à cela (la combinaison malheureuse de circonstances entre un mauvais hiver et la fin de l’ukraïnisation), que se passe-t-il pour finir ?

« Une politique de russification se met lentement (sic !) en place."

On croit rêver. La soi-disant « collectivisation », consistant à imposer le travail forcé aux paysans pour financer le développement industriel, faire rentrer le blé et en exporter, a liquidé dans la vie quotidienne les quelques libertés des années 1920, dés 1929-1930. Vers octobre 1932, après des avertissements et des cris d’alarme très clairs des structures du parti en Ukraine, la famine est là, massivement. Staline, avec ses aboyeurs meurtriers Molotov, Kaganovitch, Postychev, décide de la laisser venir, d’en nier l’existence, d’en faire un motif de propagande « nationaliste ukrainienne » fomenté par des « agents polonais », donc de l’amplifier.

La voila, la russification : génocidaire ! La décision consciente de laisser mourir ou de faire mourir de faim des millions de gens - 7 millions en tout, dont la majeure partie en Ukraine - permet en effet légitimement de parler de génocide, même en l’absence d’un plan d’extermination totale, et tout en tenant compte du fait que l’Ukraine n’a pas été la seule contrée dévastée. Mais des hommes en armes gardaient ses frontières, les abords des villes, et cernaient les villages, pour abattre les affamés qui tentaient de passer, moment clef de la généralisation de ce trait fondamental du régime dit soviétique : l’absence de liberté de se déplacer, les passeports intérieurs.

Le tout « coïncida », pour parler comme J.J. Marie, avec l’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne : dans une saisie internationaliste sérieuse de l’histoire, la famine génocidaire de l’Ukraine et l’avènement du nazisme doivent être associés. Mais pour notre historien, point de génocide, seulement des fautes de gestion et de malheureuses coïncidences météorologiques. Ah, la météo …

En contrepoint : Trotsky.

Ce à quoi nous avons affaire ici, c’est à l’aboutissement extrême de la conception suivante : le stalinisme, c’est de la mauvaise gestion, des bureaucrates qui volent, des abus, mais dans un cadre fondamentalement sain, qui demeure immuable, celui de « l’Etat ouvrier dégénéré» - dégénéré, mais ouvrier !

Chez Léon Trotsky, la théorie de l’Etat ouvrier dégénéré, dont il est l’auteur, n’était pourtant pas toujours un dogme immuable. Il se trouve que l’article de J.J. Marie est présenté comme formant un dossier avec un article de Trotsky de 1939 consacré à l’Ukraine, La question ukrainienne (22 avril 1939), où il reprend la position à laquelle il avait abouti, tirant les leçons de la guerre civile, fin 1919, sur le droit absolu à l’autodétermination ukrainienne (ce que passe sous silence J.J. Marie). La présentation de l’article de J.J. Marie mentionne deux autres articles de L. Trotsky mais ne permet pas d’en saisir l’importance. Dans L’indépendance de l’Ukraine et les brouillons sectaires (30 juillet 1939), Trotsky défend l’idée qu’autodétermination implique nécessairement indépendance : la liberté de choix présuppose l’indépendance, et les questions démocratique, nationales, féminine, et agraire, dont la résolution appartient au prolétariat, n’ont pas été réglées par la révolution d’Octobre, la bureaucratie les faisant régresser. Ce document majeur témoigne d’une évolution, tirant au fond des leçons de toute une vie de combats ; sa tonalité générale est contradictoire à l’appréciation pour le moins modérée de l’URSS des années trente donnée dans l’article de J.J. Marie. Dans Les féodalistes démocrates et l’indépendance de l’Ukraine (5 août1939) Trotsky réagit aux attaques que l’émigration russe « démocratique » de Kerensky a lancées contre sa position, les kérenskystes soutenant Staline en la circonstance. Ce dossier doit nécessairement être complété par deux lettres de Trotsky passées sous silence dans ces Cahiers du Mouvement ouvrier : l’une, écrite deux jours après La question ukrainienne, milite pour une publication rapide et énergique de ce texte dans la diaspora ukrainienne d’Amérique du Nord, et l’autre, du 6 septembre 1939, voit Trotsky se déclarer favorable à l’éventualité de prendre contact avec Vynnytchenko, l’ancien chef de la République populaire d’Ukraine en 1917-1919.

Combinée au refus de reconnaître la réalité historique du mouvement national ukrainien comme composante active de la révolution prolétarienne mondiale, le culte de l’« Etat ouvrier », dégénéré certes, mais si peu … aboutit ici chez J.J. Marie  (en opposition radicale avec Trotsky) à enjoliver le rôle de l’appareil stalinien dans les années 20, puis à le minimiser dans les années 30 quand il généralise le travail forcé et opère des crimes de masse : c’est la « coïncidence » de 1932, entre Staline et le général Hiver, puis c’est cette russification qui avance « lentement ». Comme si le stalinisme des années 1930 était fait de coïncidences et de lenteurs …

Obscure guerre mondiale …

Les quatre paragraphes que J.J. Marie consacre ensuite à l’Ukraine dans la seconde guerre mondiale sont passablement désordonnés et défient toute chronologie, tout en ne comportant aucune explication sur la genèse antérieure de la principale organisation nationaliste ukrainienne existante en 1941, qui se réclamait du « nationalisme intégral » avec des influences fascistes, en Ukraine occidentale polonaise, l’OUN (Organisation des Nationalistes Ukrainiens). Il est vrai qu’expliquer cette droitisation extrême du nationalisme ukrainien à cette date aurait exigé de revenir sur les effets du stalinisme, de la prétendue « collectivisation », et du génocide.

Le lecteur peinera à comprendre quoi que ce soit à cette énumération confuse, où se confondent les deux branches de l’OUN, l’UPA (Armée Insurrectionnelle Ukrainienne créée pendant la guerre, en dehors de toute intervention du chef historique Stepan Bandera, alors déporté par l’Allemagne après avoir tenté de collaborer avec elle ), et divers régiments de la Wehrmacht, le tout concourrant à donner une impression de nuit où tous les chats sont gris, et surtout nazis.

On apprend que les maquis de l’UPA se battaient « modérément » contre la Wehrmacht et « farouchement » contre l’Armée rouge : comment fait-on quand on est un maquis pour se « battre modérément » contre la Wehrmacht ? J.J. Marie, qui sait aussi combien avançait « lentement » la russification stalinienne dans les années trente, doit être au courant.

Il explique encore que « la plupart des nationalistes ukrainiens » contemporains se réclament de ces gens là, tout en prétendant qu’ils se seraient convertis aux « idéaux démocratiques », entre guillemets. J.J. Marie entend évidemment dissuader ses lecteurs de toute investigation sur l’histoire, terrible et très complexe, du nationalisme intégral ukrainien qui, effectivement, confronté à la volonté des nazis de le détruire, a connu des ruptures et des évolutions importantes pendant la guerre et jusqu’en 1950. Il ne dissipe aucun mythe, n’apporte aucun éclaircissement, là encore à propos d’un moment historique souvent mythifié, occulté ou embrouillé. Le mythe, celui d’un nationalisme se réduisant à l’anticommunisme et à l’antisémitisme, cultivé tant par les staliniens que par l’extrême droite, est accrédité.

1945-1953.

La section suivante de l’article, intitulée Le nationalisme russe stalinien, souligne la poussée nationaliste russe qui marque le régime stalinien à la fin et à la suite de la « grande guerre patriotique ». Le problème est que la russification apparaît soudain comme un phénomène qui se déclenche avec la victoire sur l’Allemagne, alors qu’elle avait largement commencé auparavant, étant un trait structurel de la bureaucratie (même s’il y a des bureaucrates et bientôt des appareils bureaucratiques non russes), spécialement envers l’Ukraine (dés 1919). La dérive idéologique néo-tsariste était déjà perceptible à la fin des années 1930, même s’il y a approfondissement et amplification de cette orientation entre 1943 et la mort de Staline.

On retrouve ici cette plaisanterie de Staline citée dans le « rapport secret » de Khrouchtchev, celle-là même que j’étais censé, dans le n° précédent, avoir prise « pour argent comptant », dont l’auteur nous dit cette fois-ci, à juste titre, qu’elle illustre «de façon caricaturale l’aversion de Staline pour toute affirmation nationale des Ukrainiens ». Certes, et même un peu plus : il s’agit quand même du regret de ne pas pouvoir déporter tous les Ukrainiens ! A moins que ce ne soit cet humour stalinien que je n’aurais point compris ? …

Curieusement, J.J. Marie appelle « brève embellie » le bref moment (deux mois) où le tortionnaire en chef Beria, juste après la mort de Staline (précision manquante ! ), tente quelques réformes avant d’être liquidé, une liquidation qui fut une bonne nouvelle pour les zeks du Goulag, dont de nombreux Ukrainiens, dont la grande grève, absente du résumé historique « démystificateur » de J.J. Marie qui s’en tient à sa « belle embellie », sonna le glas du système concentrationnaire dans les formes qu’il avait prises sous Staline et Béria.

1953-1991 en une phrase.

Voici cette phrase :

« De Khrouchtchev à Brejnev, la russification de l’Ukraine se poursuit et les tentatives d’intellectuels ukrainiens de défendre la culture ukrainienne, même les plus modestes, sont réprimées. »

De la part d’un grand chasseur de perles qui pourfendait précédemment le fait de dire que les Ukrainiens s’étaient fait traiter de nazis pendant cinq décennies, que voila un résumé lapidaire !

La période 1953-1991, inaugurée par la grève du Goulag et la cassure du système concentrationnaire, voit pourtant le développement, contradictoire mais réel, de l’économie, des cultures et même des bureaucraties nationales. En Ukraine, ce tournant est vite sensible et a un aspect social essentiel : la classe ouvrière industrielle deviendra majoritairement ukrainienne, y compris parmi bien des russophones de sentiment national ukrainien, à la fois par l’exode rural des Ukrainiens et par l’assimilation des prolétaires russes ou d’autres nationalités au peuple ukrainien. Cette montée de la classe ouvrière comme élément national se fait de plus en plus sentir, notamment lors des émeutes de masse à Kharkiv et dans le Donbas, en 1962. Sur la longue durée, la bureaucratie nationaliste grand-russe connaît un échec. Sa politique fluctue : sous le premier secrétaire du PC d’Ukraine Petro Shelest, de 1962 à son limogeage par Brejnev en 1972, un « renouveau national », sorte de réédition atténuée du libéralisme national-culturel des années 1920, se produit, et un regel la suit. L’emprisonnement psychiatrique puis l’exil de Leonide Pliouchtch, aspect d’une répression qui vise à briser la continuité du combat national et anti-bureaucratique, se produit dans ce contexte. Toute histoire qui vise à dissiper les mythes, et donc à comprendre, doit en parler.

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