La guerre entre l’Ukraine et la Russie fait l’objet de tous les commentaires. Guerre ou opération spéciale, le résultat est que tous les coups sont permis, dans une propagande défiant toute raison. La population civile est considérée par les Russes, dans les faits, comme un objectif militaire. Alors, détruire les infrastructures énergétiques ukrainiennes rentre dans cette logique. Porter atteinte à l’intégrité de la centrale nucléaire de Zaporijia, menacer de s’en servir comme d’un bouclier ou comme d’une arme nucléaire classique, bousculent toutes nos théories fondant les relations internationales. Le droit international se plierait-il toujours à la volonté du plus fort ? Quelques pistes de réflexion sont livrées dans cet article.
La centrale nucléaire de Zaporijia, inaugurée en 1985, est dotée de 6 réacteurs VVER de 1000 Mégawatts chacun. Elle se situe dans le sud de l’Ukraine, sur le territoire de la ville d’Enerhodar, (53 000 habitants en temps normal), à près de 60 kilomètres de la ville de Zaporijia et 525 kilomètres de Tchernobyl. Elle est alimentée par les eaux du fleuve Dniepr. Elle produisait, avant le conflit, plus d’un cinquième de l’électricité ukrainienne et fournissait 4 millions de foyers.
Actuellement, nul ne peut dire quelle est l’activité réelle de ce complexe nucléaire. Cette centrale est devenue un enjeu militaire et de propagande, élément unique, par sa nature, d’une guerre polymorphe, dite aussi hybride, visant notamment à détruire les infrastructures énergétiques ukrainiennes et à terroriser la population.
Les deux parties se rejettent allègrement la responsabilité des bombardements de cette cible, qui ne devrait pas en être une, compte tenu d’une catastrophe nucléaire possible. Le barrage hydroélectrique de Kakhovka, construit sur le fleuve Dniepr, est également bombardé. La retenue d’eau de Kakhovka, d’une longueur de 240 kilomètres et d’une largeur pouvant atteindre 23 kilomètres, sert au refroidissement des réacteurs de la centrale de Zaporijia. Toute fragilisation du barrage entraîne potentiellement l’arrêt de la centrale. Nul besoin de préciser que la destruction du barrage, il y a quelques jours, cause des inondations catastrophiques. La Russie est suspectée mais la guerre des communiqués fait rage.
Le 5 octobre 2022, Vladimir Poutine signe un décret sur l’annexion de la centrale de Zaporijia. Elle devient propriété fédérale russe. Un décret, certes, déclaré nul et non avenu, à la fois par la communauté internationale et par l’opérateur ukrainien Energoatom. Toutefois, le site est occupé par l’armée russe et contrôlé, nous dit-on, par les ingénieurs de Rosatom, l’agence atomique russe. L’État russe est souverain chez lui et ne manque pas de communiquer via une propagande digne des plus graves crises de la guerre froide.
Le 2 octobre 2022, la Cour constitutionnelle russe, siégeant à Saint-Petersbourg, composée de 11 juges, présidée par Valery Zorkin, déclare conformes à la Constitution de la Fédération de Russie du 12 décembre 1993, les traités et les référendums ayant justifié les annexions des 4 territoires ukrainiens de Kherson, Zaporijia, Donetsk et Lougansk. On n’en attendait pas moins.
La Cour, régie par l’article 125 de la Constitution, rappelle l’article 3-3, énonçant que le référendum et les élections libres sont l’expression directe suprême du pouvoir du peuple. L’article 65 de la Constitution, listant les 22 républiques dont celle de Crimée, les 9 territoires, les 46 régions, les 3 villes d’importance fédérale, les 4 districts autonomes, sans oublier la région autonome Juive, composant la Fédération de Russie, pourrait être modifié.
L’habillage constitutionnel ne trompe personne. Quantité de pays invoquent la violation des conventions et coutumes internationales les plus élémentaires. L’ONU est mise devant le fait accompli. Les Russes appliquent leur conception du droit international. Pendant qu’une partie de la communauté internationale affiche une certaine réserve, anxieuse devant les pénuries organisées de gaz et de céréales.
Les combats compromettent la sûreté des réacteurs, des déchets, des combustibles.
Attaque directe, indirecte, bombardements en tout genre par canons, obusiers, drones, avions, sabotages, minages, manipulations et manœuvres périlleuses d’opérateurs sous la menace, pris en otage, soumis à des pressions, des tortures physiques et mentales, erreurs humaines, actions terroristes, cyberattaques, et j’en passe probablement, sont redoutés par tous.
La centrale et le barrage ne sont pas les seules cibles. Les infrastructures électriques, desservant le site, sont aussi visées. Les réparations, exigeant l’acheminement de personnel, de pièces de rechange, sont dangereuses à cause du minage de certaines zones.
La question est de savoir si nous sommes vraiment à l’aube d’une catastrophe et comment l’éviter.
Le premier accident, concernant une installation nucléaire se produit le 23 juin 1942 sur la machine à uranium Leipzig L-IV en Allemagne. Celui-ci n’a pas marqué les mémoires. Toutefois, les accidents nucléaires comme ceux de Three Miles Island, en Pennsylvanie, le 28 mars 1979, de la centrale V.I Lénine de Tchernobyl, le 25 avril 1986, située à 130 km au nord de Kiev, de la centrale de Fukushima-Daichi, le 11 mars 2011, située à 80 km à l’est de l’ile Honshu, suite au tremblement de terre d’une magnitude de 9,1 et du tsunami, hantent tous les esprits.
Ces deux derniers accidents sont classés au niveau 7 sur l’échelle internationale des événements nucléaires civils. La plupart d’entre nous se souviennent des terribles photos prises par Igor Kostine des liquidateurs qu’on devrait appeler d’ailleurs des liquidés, tellement les pertes ont été importantes.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est en première ligne. Elle est sollicitée par les Ukrainiens pour évaluer les risques des bombardements russes et prévenir du danger imminent de fuites radioactives.
Des experts de l’AIEA ont réussi à inspecter le 1 septembre 2022, la centrale nucléaire de Zaporijia. Leur mission, risquée compte tenu des combats, était de dresser un état des lieux général, des installations, de la sûreté, du site d’entreposage des déchets radioactifs et des conditions de travail du personnel.
Le diagnostic est alarmant. L’AIEA déclare que le risque majeur sur la centrale de Zaporijia est un accident de fusion de coeur en cas de perte de la totalité de ses alimentations électriques. La centrale possède 20 groupes électrogènes, avec environ une semaine à dix jours d’autonomie de carburant, et 5 lignes électriques extérieures. Toute destruction de ce réseau entraine des risques énormes.
Le rapport d’inspection, de 52 pages, qualifie même la situation d’intenable, compte tenu des atteintes à l’intégrité physique de la centrale.
Le rapport préconise sans tarder l’établissement d’une zone de sécurité nucléaire et de protection (nuclear safety and security protection zone ou NSSPZ).
Une NSSPZ n’apporte pas toutes les solutions, notamment pour l’acheminement des pièces de rechange, de certains combustibles et du personnel de relève. Traverser des zones bombardées et minées est évidemment très risqué.
Quelle autre solution que de négocier une démilitarisation, impliquant le départ de toutes les forces armées, régulières ou non, du site, une sanctuarisation, une neutralisation avec des corridors permettant d’aller et venir, afin de réparer et assurer la maintenance, évidemment, en interdisant tout bombardement et tout minage des zones ?
Mais qui a la légitimité et la stature pour tenter de mener à bien, sur le terrain, une telle négociation ?
L’article VII du statut de l’AIEA dit qu’à sa tête, un directeur général est nommé par le conseil des gouverneurs, pour une période de quatre ans, avec l’approbation de la conférence générale.
Le directeur de l’AIEA, né en 1961, Rafael Mariano Grossi, ancien ambassadeur argentin, est en fonction depuis le 3 décembre 2019. Le russe Mikhail Chudakov est le directeur général adjoint et le chef du département de l’énergie nucléaire depuis février 2015. Un tel binôme argentin et russe pourrait-il parvenir à un accord ?
Sur le site de l’AIEA, les update signés par Rafael Mariano Grossi, se succèdent, pour informer la population de l’état de la centrale. L’AIEA opte pour la transparence.
Si les Russes contestent compétence, neutralité, objectivité de l’AIEA, ses statuts proposent une procédure à respecter. Toutefois, celle-ci sera bien périlleuse dans son application le cas échéant. Car le statut de l’AIEA n’est pas des plus simples, face à une telle situation de guerre et l’avantage pour l’agresseur à prôner terreur et chantage.
Le statut de l’AIEA a été approuvé le 23 octobre 1956, par la Conférence sur le statut de l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui s’est tenue au siège de l’organisation des Nations Unies. Il est entré en vigueur le 29 juillet 1957. Le statut a été modifié trois fois, selon la procédure prévue aux paragraphes A cet C de l’article XVIIIX. Le 31 janvier 1963, le 1 juin 1973, le 28 décembre 1989.
L’article XVII prévoit le règlement des différends. Le A dit que toute question ou tout différend, concernant l’interprétation ou l’application du présent statut, qui n’a pas été réglé par voie de négociation, est soumis à la Cour Internationale de justice, conformément au statut de ladite Cour, à moins que les parties intéressées ne conviennent d’un autre mode de gouvernement. Le B dit que la Conférence générale et le Conseil des gouverneurs, sont l’une et l’autre habilités, sous réserve de l’autorisation de l’assemblée générale des Nations Unies, à demander à la Cour internationale de justice, de donner un avis consultatif sur toute question juridique se posant à propos de l’activité de l’agence.
Un avis consultatif de la Cour internationale de justice n’a jamais effrayé le moindre pays, encore moins la Russie. La CIJ est en outre saisie pour crimes de génocide commis par la Russie, par nombre de pays. Pour le moment, des experts observateurs de l’AIEA sont postés au sein de la centrale. Mais autorisés pour combien de temps et dans quelles conditions par les Russes ? Cette solution, détacher et placer des observateurs est la meilleure, certes, mais elle est bien fragile, en l’absence d’un accord plus global.
Quels autres instruments juridiques pourrait-on utiliser ?
Ce qui est intéressant de constater, c’est l’existence d’un réel corpus de textes internationaux en relation avec l’énergie nucléaire. Outre des résolutions et des codes de bonne conduite, des conventions internationales ont permis de façonner un cadre juridique international.
Le rappel qui suit n’est pas exhaustif mais évocateur d’un énorme travail.
Deux conventions ont été adoptées en septembre 1986, suite à la catastrophe de Tchernobyl, la Convention sur la notification rapide d’un accident nucléaire et la Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire ou de situation d’urgence radiologique. La Convention sur la sûreté nucléaire, adoptée en 1994, reste importante. Elle porte sur la sûreté des centrales nucléaires fixes, y compris les installations d’entreposage, de manutention et de traitement liées à l’exploitation des centrales. La Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, est entrée en vigueur le 18 juin 2001. La Convention sur la protection physique des matières nucléaires est entrée en vigueur le 8 février 1987, son amendement en 2016. La Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire est entrée en vigueur en 2007. Il y a la déclaration de Vienne sur la sûreté nucléaire en 2015. Le Protocole d’amendement de la Convention de Vienne et de la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires en 1997, a été adopté sous les auspices de l’AIEA.
Toutefois, en temps de guerre, ces conventions ne sont probablement plus adaptées sans en faire abstraction totalement. Même en temps de paix, la souveraineté des Etats rend délicate toute intervention de l’AIEA.
Il faut plutôt rappeler la teneur des Conventions de Genève pour savoir si une centrale nucléaire et un barrage sont des objectifs militaires. Nous trouvons un certain nombre de réponses dans le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole 1) du 8 juin 1977.
L’article 52 (1) dit que les biens de caractère civil ne doivent être l’objet ni d’attaques ni de représailles. Le paragraphe 2 dit que sont des biens de caractère civil, tous les biens qui ne sont pas des objectifs militaires. Le principe est que dans un conflit armé, les attaques ne peuvent viser que des objectifs militaires au sens de l’article 52 (2).
Les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation, apportent une contribution effective à l’action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence, un avantage militaire.
Le paragraphe 3 dit qu’en cas de doute, un bien qui est normalement affecté à un usage civil, tel qu’un lieu de culte, une maison, un autre type d’habitation ou une école, est présumé ne pas être utilisé en vue d’apporter une contribution effective à l’action militaire.
Ces principes étant rappelés, l’article 56-1 nous éclaire enfin sur le statut d’une centrale nucléaire et d’un barrage hydroélectrique.
L’article 56-1 dit, en effet, que les ouvrages d’art ou installations contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production, d’énergie électrique, ne seront pas l’objet d’attaques, même s’ils constituent des objectifs militaires, lorsque de telles attaques peuvent provoquer la libération de ces forces, et en conséquence, causer des pertes sévères dans la population civile.
Le 2 (a) dit que la protection spéciale ne peut cesser pour les barrages ou les digues que si ils sont utilisés à des fins autres que leur fonction normale pour l’appui régulier, important et direct d’opérations militaires, et si de telles attaques sont le seul moyen pratique de faire cesser cet appui.
Le 2 (b) dit que la protection spéciale ne peut cesser pour les centrales nucléaires de production d’énergie électrique, que si elles fournissent du courant électrique pour l’appui régulier, important et direct d’opérations militaires, et si de telles attaques sont le seul moyen pratique de faire cesser cet appui.
Le 2 (c) dit que la protection spéciale ne peut cesser pour les autres objectifs militaires situés sur ces ouvrages ou installations ou à proximité, que s’ils sont utilisés pour l’appui régulier, important et direct d’opérations militaires et si de telles attaques sont le seul moyen pratique de faire cesser cet appui.
L’article 57 dit que les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil. Et c’est bien cet article fondamental qui doit être systématiquement rappelé.
L’Ukraine n’utilise, selon ses déclarations, ni la centrale de Zaporijia ni le barrage, pour l’appui régulier, important et direct d’opérations militaires. Ces infrastructures énergétiques ne sauraient être des objectifs militaires. Quand bien même la Russie conteste être en guerre, puisqu’elle invoque depuis le début, une opération spéciale.
Mais que faire devant le minage empêchant la réparation des installations ? La Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, entrée en vigueur le 1 mars 1999, restera-t-elle lettre morte ?
L’Ukraine a ratifié la Convention le 27/12/2005, contrairement à la Russie. Ce qui n’empêche pas, lors de la négociation d’un accord, de l’appliquer. Le rapport 2021 de l’observatoire des mines rappelle que les victimes des mines sont avant tout les civils. On note l’arrivée en Ukraine d’une machine de déminage Armtrac 400. Les opérations de déminage vont devenir prioritaires à tout point de vue.
Il faut préciser aussi que, détruire les centrales électriques ou nucléaires, relève de l’incrimination de crimes de guerre. L’article 5.C du statut de Rome prévoit que la Cour pénale internationale (CPI) est compétente pour les crimes de guerre. L’article 8-2-IV dit que la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire est un crime de guerre. C’est le cas de la centrale de Zaporijia, appropriée et annexée en violant le droit international.
Il est intéressant de noter que l’Ukraine n’est pas partie au Statut de Rome fondant la CPI. Elle a exercé à deux reprises, pour des périodes différentes, sa prérogative, consistant à reconnaître la compétence de la Cour sur le fondement de l’article 12-3 du Statut de Rome, à l’égard des crimes présumés commis sur son territoire et visés par le Statut.
La première déclaration a reconnu la compétence de la CPI, concernant les crimes qui auraient été commis sur le territoire ukrainien du 21 novembre 2013 au 22 février 2014.
La deuxième déclaration a élargi cette période, pour une durée indéterminée, afin d’englober les crimes à venir en Ukraine depuis le 20 février 2014.
On peut se poser la question pourquoi l’Ukraine ne se décide pas à adhérer purement et simplement au Statut de Rome. La Russie ne le fera jamais.
Des groupes d’Etats parties ont soumis des renvois collectifs. Les enquêtes du procureur de la CPI, Karim Khan porteront sur toute allégation passée et actuelle de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide commis sur une partie quelconque du territoire de l’Ukraine par quiconque depuis le 21 novembre 2013.
La Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine, créée par la résolution 49/1 du Conseil, présidée par Erik Mose, a déjà conclu le 18 octobre 2022 à des crimes de guerre, commis par la Fédération de la Russie en Ukraine.
Erik Mose, norvégien, né en 1950, ancien président du Tribunal Pénal International du Rwanda, avait succédé à ce poste en 2003 à Navanethem Pillay, née en 1941, sud-africaine d’origine tamoule, première femme juge, non blanche, à la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud.
L’Ukraine appelle à la création d’un tribunal spécial afin de juger les responsables politiques et militaires coupables notamment des crimes d’agression. La communauté internationale a, certes, déjà mis en oeuvre, le tribunal international pénal pour l’ex Yougoslavie, le tribunal pénal international pour le Rwanda, le tribunal spécial pour la Sierra Leone, le tribunal spécial pour le Liban, les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens. Réunir les preuves par des enquêteurs, des experts en médecine légale, traquer les fugitifs, capturer les coupables, protéger les victimes, les témoins, organiser les audiences, sont extrêmement complexes. Le Mécanisme International, créé par la résolution 1966 du 22 décembre 2010 de l’ONU, appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux, le démontre bien. On se doute de l’extrême résistance de la Russie à se faire juger devant un tel type de juridiction. Il va falloir pourtant tout tenter pour appliquer une justice internationale digne de ce nom.
En France, sur le site de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), sont publiées depuis le 22 mars 2022, les dispositions prévues en cas de perte totale des alimentations électriques externes de la centrale de Zaporijia en Ukraine. L’IRSN se réfère aux informations de l’AIEA. L’IRSN a réalisé des estimations de conséquences d’une perte totale de l’alimentation électrique normale et secourue de la centrale. Cette situation peut conduire à une perte des systèmes de refroidissement du cœur du réacteur et de la piscine de désactivation. Cette perte de refroidissement provoquerait la fusion du cœur et des combustibles usés présents dans la piscine.
A partir de 10 mSv, les spécialistes préconisent une mise à l’abri des populations. Cette dose représente 3 fois la dose annuelle reçue par la population française. Au-delà de 50 mSv, l’évacuation est recommandée. Cela représente 15 fois la dose reçue par an par la population française.
On se doute des difficultés, en cas d’accident nucléaire, en Ukraine, pour obtenir des relevés de dose objectifs, compte tenu de la désinformation et de la propagande. Il n’est pas certain que l’AIEA laisse ses experts exposés au danger en cas d’accident. Quelles sources d’informations disposerait-on alors ?
Le Premier ministre français a chargé, en 2005, un comité pluraliste, le CODIRPA, comité directeur pour la gestion post-accidentelle d’un accident nucléaire, de faire des propositions au gouvernement. Il est piloté par l’Autorité de Sûreté Nucléaire, celle-ci publiant la note d’orientation, sur son site. La version 2022 des Recommandations pour la gestion post-accidentelle d’un accident nucléaire, fait 108 pages.
Plus que jamais, l’énergie nucléaire est scrutée et étudiée. Mais toujours aussi crainte.
On connaît les énormes difficultés en plein hiver, dans un contexte de guerre, pour évacuer une population de tout âge, et de toute condition physique et mentale, d’une zone contaminée par des fuites radioactives. Moyens de circulation, voies de communication, accès aux soins médicaux de tout ordre, évacuation des hôpitaux, des prisons, des écoles, hébergement de la population, tout devrait être pensé sans tarder si les négociations de paix ne commencent pas immédiatement.
Notons, qu’en 2020, le gouvernement ukrainien a demandé l’inscription de la zone interdite, suite à la catastrophe de Tchernobyl, au patrimoine mondiale de l’UNESCO comme Hiroshima et Auschwitz. Le tourisme, dans certaines zones toujours contaminées, a même été autorisé, avant la guerre, par le président Volodymyr Zelensky. Certains habitants ont décidé de revenir habiter ces zones contaminées. On les nomme les Samossioly.
Imagine-t-on revivre de tels événements ?
Quelle est notre réelle préparation face à une catastrophe nucléaire ?
Les questions ne font que commencer pendant que la guerre, malheureusement, se poursuit.
Vincent Ricouleau
Professeur de droit au Vietnam et au Laos / Legal Counsel / CAPA