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Billet de blog 13 janvier 2009

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La Rue démolit et le cirque passe

Je viens d’aller à Paris pour une question personnelle assez préoccupante et quand j’ai traversé la ville verglacée j’étais un peu autocentré. Mais pas au point de ne pas voir l’incroyable prolifération (je n’étais pas venu depuis deux ans) dans les recoins et même dans des lieux ouverts aux regards et à tous les vents de nombreux tas de chiffons et de guenilles.Des gens. C’étaient des gens.

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Je viens d’aller à Paris pour une question personnelle assez préoccupante et quand j’ai traversé la ville verglacée j’étais un peu autocentré. Mais pas au point de ne pas voir l’incroyable prolifération (je n’étais pas venu depuis deux ans) dans les recoins et même dans des lieux ouverts aux regards et à tous les vents de nombreux tas de chiffons et de guenilles.
Des gens. C’étaient des gens.
La plupart étaient blottis sous leur amoncellement de pauvre hardes et me faisaient penser à des cadavres sur un champ de bataille, quand la forme humaine semble avoir rétréci, s’être comme aplatie et qu’on a presque du mal à imaginer que cela s’est tenu debout, a marché, rit, pensé... J’en ai cependant remarqué un (ou une, va savoir) en position assise à même le sol (il faisait environ –5°) absolument immobile, le visage sans expression, pas même de détresse, attendant Godot et c’est tout.
Le 30 décembre dernier, un certain Christophe Louis, du collectif “les morts de la rue” a publié dans Médiapart une Lettre ouverte à Christine Boutin que vous feriez bien de lire : http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/edition/vivre-a-la-rue-tue/article/301208/lettre-a-madame-boutin-ministre-du-logement-et-de-la-
Fort peu de commentaires, soit qu’elle n’ai pas été vue (elle a pourtant été en première page du Journal) soit que la pesanteur du problème laisse la plupart d’entre nous muets de stupeur et de honte avec un sentiment d’impuissance, soit encore que tout le monde s’en foute plus encore que de l’Angolagate.
Or je me sens globalement bien dans Médiapart, Journal + Club. Lieu d’information moins formaté que d’autres, ou formaté différemment
(si je dis “multiformaté”, ça va, jpylg ?) lieu d’échanges sérieux (et parfois de “parcours ensemble” et de construction ou d’élucidation) aussi bien que de bavardages ludiques, notre média participatif mérite à tout prendre le nom de forum tellement galvaudé sur internet. Je dirais bien agora... J’ai donc envie de monter sur un tonneau qui traîne là par hasard et de vous appeler en faisant de grands gestes, sur le thème “et si on essayait de faire quelque chose qui épouserait le fonctionnement même de Médiapart ? “
Voici.
J’extrais de la Lettre ouverte en question le passage qui me paraît fondamental dans une perspective d’action :
“Il s’agit d‘entreprendre enfin la politique à long terme dont les principes sont bien connus de ceux et celles qui œuvrent depuis des années en contact avec les personnes de la rue, et dont vous connaissez depuis longtemps les propositions. Elle repose sur trois bases :
1) Des lieux de vie de taille modeste avec chambres individuelles, dans un fonctionnement respectueux de la personne, avec des durées de séjour longue.
2) Un accompagnement adapté à la diversité des personnes qui se sont retrouvées un jour à la rue (certaines ont avant tout besoin d’un logement, beaucoup ont vraiment besoin aussi d’un accompagnement de différents ordres, médical, psychiatrique, professionnel, humain…)
3) La possibilité pour tous d’en sortir par le haut, c’est-à-dire par l’accès au logement social.
Sans un développement en parallèle de ces trois actions, la société continuera à faire semblant de s’occuper des personnes de la rue, car c’est à peu près de cela qu’il s’agit pour l’instant.”

En effet, la société fait semblant et le Pouvoir nous enfume en dissimulant son inaction de fond derrière des gesticulations saisonnières et des déclaration démagogiques. Exercices à propos desquels force est de reconnaître qu’avec Sarkozy et sa bande nous avons affaire à des maîtres mais sans oublier que les gouvernements précédents, y compris de gauche (?!) n’ont pas laissé leur part au chat.
Ces grimaces compatissantes et ces discours hypocrites sont l’hommage que le vice des puissants rend à la supposée vertu du peuple électoral. Car je crois bien que la plupart des gens ont de la compassion pour les largués à la rue et pensent qu’il faut faire quelque chose. Mais sans doute que la quasi totalité de cette plupart n’a pas la moindre idée des nécessités relativement complexes qui constituent ce “quelque chose” si on veut que ça marche. Donc tout le monde se fait rouler en toute bonne foi par le rituel hivernal jospinochiracosarkoboutinien.
La première hypothèse que je vous propose est que les associations qui travaillent sur le terrain de la rue depuis des années ont développé une expertise et que le plan d’action en trois points proposé ci-dessus par Christophe Louis n’est pas n’importe quoi.
La deuxième hypothèse que je vous propose est que si la pertinence de ce plan d’action était connue et comprise par un grand nombre de gens (d’électeurs !) qui en viendraient à le considérer comme nécessaire, incontournable et non-négociable, le Pouvoir quel qu’il soit aurait plus de mal à raconter n’importe quoi et à continuer à ne rien faire en faisant semblant de faire.
Si vous êtes d’accord avec ces hypothèses (oui, je sais, la deuxième est peut-être un peu optimiste) je propose l’action médiapartienne suivante :
Faire connaître au plus grand nombre l'action en trois points, en expliquant pourquoi, en s'appuyant sur l'expérience des chevronnés des associations : je crois que ce serait important, afin que l'opinion publique, sensible à ce thème mais n'y comprenant pas grand chose (car ce n'est pas tout simple et c'est loin de l'expérience quotidienne et des catégories du bon sens) ne se laisse plus gruger par les fausses mesures démagogiques ?
Et il serait intéressant de la chiffrer. Ainsi que de comparer les chiffres en question au montant du cadeau à Tapie ou de ce que coûte à l'Etat l'application aux plus riches du prélèvement libératoire de 18% appliqué aux revenus du capital au lieu des 40% du taux marginal de l'impôt sur le revenu, par exemple, ou encore la somme astronomique dépensée pour offrir la gratuité des études dans des écoles coûteuses aux enfants des expatriés, généralement aisés (liste non limitative).
Je pense à un document simple et sobre, clair et net, qui pourrait entre autres être mis en ligne sur Médiapart, à la disposition de tous ceux qui voudraient le diffuser, soit en l'envoyant par courriel à leur réseau, soit en l'imprimant pour le distribuer...
Il me semble que dans un premier temps ce serait aux gens de terrain qui maîtrisent le sujet de s'y coller en fournissant leurs savoirs sur la question. En effet nous sommes tous pleins de bonnes intentions mais nous savons que l'enfer en est pavé. Dans un deuxième temps je serais partant pour m'y coller (avec qui voudra) pour ce qui est de construire : rédiger et mettre en page. Je verrais bien ensuite un troisième temps de mise en ligne pour recueillir les avis et suggestions des médiapartiens. Puis quatrième temps : critique et validation par les gens de terrain précités.
Enfin, mise en ligne du document définitif (mais réactualisable) pour diffusion par tous moyens possibles...
Que tous ceux qui pensent que cela a quelque importance donnent leur avis et proposent ce qui leur paraît bon et utile. Et que les petits malins péremptoires (rares sur Médiapart, mais parfois bien casse-pieds) s’épargnent la peine de m’expliquer que ce phénomène a des causes profondes et qu’il faudrait s’attaquer à ces causes : je sais.

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