Je suis vraiment désolé pour les quelques cafards qui s'étaient bruyamment réjouis du départ de (entre autres) Art Monica mais je suis trop content de vous faire part de sa colère dont je pense que nous sommes nombreux à la partager.
La révolution des viaducs, Paul Klee
La situation en France, en Europe et dans le monde est fort inquiétante. Les guerres, les conflits, la crise financière et économique sont à nos portes, nous donnant le bourdon.
La corruption s’étale dans nos journaux : délits d’initiés, détournement de biens publics, mensonges, dénis de démocratie, semblent caractériser la classe politique de droite et de gauche. Tous pourris, dit le peuple. Non sans raison(s).
Ces derniers jours, un Ministre qui multipliait les cheveux par quatre a démissionné, un ancien Président de la République a été mis en examen pour abus de faiblesse à l’encontre d’une vieille dame très riche (dont l’entreprise qui le vaut bien est, elle aussi, experte ès cheveux et maquillages divers).
Il faudrait réduire le pouvoir de la classe politique, devenue de façon perverse une caste de professionnels qui confisquent et détournent la démocratie en ne représentant plus guère ceux qui les ont élus. La constitution devrait donc être refondée pour pallier ces effets délétères. Le gouvernement Hollande ne s’y risque pas : il pourrait perdre nombre de ses alliés ou appuis. Il suffit pour s’en convaincre de constater ses difficultés à interdire le cumul des mandats…
Il faudrait réinstaurer une frontière claire entre les pouvoirs législatif et exécutif, lutter pour l’indépendance de la Justice et de l’Information. En ce dernier domaine, Internet nous sauve partiellement la mise : la connectivité de la Toile permet sans nul doute à nombre de contre-pouvoirs de s’exercer, en se tenant à distance des épicentres où se cristallise l’idéologie dominante, pourvoyeuse d’éléments de langage, de doxas, dont émane le Grand Enfumage.
Il faudrait que les citoyens reprennent le goût du politique et s’impliquent dans toutes les décisions ayant trait à leur vie. On est très loin du compte, et l’enfumage largement y pourvoie…
La Grèce agonise, le Portugal et l’Espagne s’enfoncent dans la misère, les citoyens chypriotes subissent des mesures draconiennes sans être consultés. Mais ce qui inquiète les gouvernants de l’Europe qui ont adopté un modèle hyper-libéral de la société, c’est le moral des Marchés. Il faut sauver les banques, et rassurer les Marchés. C’est donc dans la poche des contribuables qu’on puise dés qu’il y a une crise. Les citoyens, eux, n’ont pas besoin d’être rassurés. S’ils n’ont pas d’argent, ils ne risquent rien et s’ils en ont, il est normal qu’ils contribuent au redressement (des banques) de leur pays.
A Chypre, toute personne, toute entreprise ayant plus de 100 000€ à la banque sera solidaire de la faillite des banques à hauteur d’au moins 30%. Toutes ? Je n’en crois pas un mot. Les délits d’initiés ont dû se multiplier avant la fermeture des banques, et certains capitaux se déplacer vers des havres plus sereins…
On nous parle des paradis (havres) fiscaux, dont nous sommes tous convaincus qu’il faut absolument les supprimer. Mais pourquoi les a-t-on laissé prospérer ? Pourquoi a-t-on intégré à l’Union Européenne des États dont la fiscalité permettait de blanchir l’argent sale ou d’enrichir davantage les déjà très riches ? Pourquoi n’a-t-on pas mis les banques au pas ? Pourquoi n’a-t-on pas instauré la séparation entre les banques de dépôt et les autres ? Sans doute parce que cela servait bien des intérêts qu’il ne fallait surtout pas entamer.
Nous sommes dans la ligne de mire de la grande Austérité camouflée en Rigueur. Nos services publics déjà affaiblis vont être ratiboisés, au grand profit de la privatisation et de la libéralisation. Des emplois indispensables au maintien de notre tissu social sont en train d’être supprimés, rendant exsangue notre système de santé, menaçant nos retraites, plombant la Justice. Des droits professionnels fondamentaux sont dans le collimateur. Il n’y a pas d’autre alternative ont décidé les gouvernants européens de «gauche» et de «droite» qui ne veulent rien entendre des signaux d’alarme envoyés par des économistes de plus en plus inquiets : la rigueur entrainera la récession et aggravera l’état de nos pays. Plus le nombre de chômeurs croît, plus les caisses de sécurité sociale et de retraite se vident et se trouent. A vouloir juste corriger l’un des symptômes, on aggrave la maladie.
Ces gouvernants ont lancé le train de la «Fédération Européenne» à marche forcée, se planquant derrière des discours incompréhensibles au commun des citoyens, s’appuyant sur des référendums qui leur étaient favorables et ne tenant aucun compte de ceux qui contraient leurs objectifs. Le citoyen peut dire Oui au Maître, mais son Non vaut peanuts. C’est normal : le citoyen est un imbécile, sa pensée est régressive et archaïque, il n’entend que les sirènes des nationalistes, des populistes, des racistes et des fascistes. Les voix de la Raison lui sont inaudibles.
Les gouvernants savent ce qui est bon pour les peuples. Ont-ils une étiquette «socialiste», ils la renient dés leur accession au pouvoir et leur entrée dans le grand Circus Politicus. Leur sourire ravi montre l’intensité de leur jouissance narcissique à se sentir Maître du Monde, déplaçant les pièces sur l’échiquier. La jouissance de l’omnipotence, avec le bonheur de pouvoir surveiller et punir ces petits moucherons qui s’agitent…
Eh oui. Ils ont dévoyé le mot même de socialisme, en choisissant une voie pour fuir ce qui est pour eux le Diable : le communisme honni. Ils se sont jetés dans les bras du libéralisme effréné, voulant voir dans cette Real Politik un garant de la liberté d’entreprendre.
Quelle farce !
Comme l’a écrit Danielle Mitterrand (qui savait ce que signifie avaler des couleuvres) : « Mai 1981 fut un mois de grande activité, car c’était la préparation de l’arrivée au pouvoir de François. J’essayais d’apporter tout ce qu’il y a de meilleur en moi, pour que ces rêves d’avoir une société socialiste, quoique à l’européenne, deviennent réalité. Mais bien vite j’ai commencé à voir que cette France juste et équitable ne pouvait pas s’établir. Alors je lui demandais à François : Pourquoi maintenant que tu en as le pouvoir ne fais-tu pas ce que tu avais promis? Il me répondait qu’il n’avait pas le pouvoir d’affronter la Banque mondiale, le capitalisme, le néolibéralisme. Qu’il avait gagné un gouvernement mais non pas le pouvoir. J’appris ainsi que d’être le gouvernement, être président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme. J’ai vécu l’expérience directement durant 14 ans. Même s’il essayait d’éviter le côté le plus négatif du capitalisme, les rêves ont commencé à se briser très rapidement. »
Leur reniement est grave : non seulement il brise les rêves d’un monde meilleur, mais il entraîne dans son sillage la désespérance. Tous pareils, ils sont tous pareils, dit le peuple. Non sans raison(s).
Etonnons-nous après cela que les gens se détournent des urnes. Voter, mais pour quoi faire ? Les politiciens disent une chose et en font une autre.
Une partie du peuple attend le retour d’un politicien de droite. Tenté par les sirènes de la réaction, il se presse aux manifestations pour empêcher des homosexuels d’avoir les mêmes droits que les hétérosexuels. Comme si les droits des uns ne valaient que parce que d’autres en sont dépossédés. Certains membres de ce peuple écoutent avec bonheur les gars et les filles de la Marine entonner l’air de «Ils sont tous pourris, chassons-les» et la chanson de «Pas d’étrangers chez nous». De vieilles rengaines dont nous connaissons les dangers. Aïe Heil...
Mais le peuple de gauche, lui, a élu un «socialiste» pour qu’il fasse une autre politique que Sarkozy. Il attendait un capitaine courageux capable de dire : «Ce n’est pas aux citoyens de payer pour les errements des banques», «L’économie sans l’humain et le social, ce n’est pas notre tasse de thé», «Nous allons séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires», «Nous allons interdire le cumul des mandats», «Nous allons renégocier les Traités européens pour atténuer et contrer les effets de l’hyper-libéralisme qui est en train de tuer l’Europe», «Nous n’allons pas pratiquer une rigueur délétère, mais lutter d’abord contre le chômage qui est la source de bien des maux», «Nous n’allons pas écorner notre modèle social pour faire plaisir aux hyper-libéraux mais au contraire leur démontrer qu'il existe d'autres voies».
Ces mots-là n’ont pas franchi la bouche soigneusement savonnée et enfarinée des gouvernants élus en mai dernier. C’est donc, logiquement, d’autres bouches que ces mots nécessaires sortent avec une colère décuplée.
Les mots castagnent pour dire une sombre réalité.
Art Monica