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Billet de blog 17 juillet 2020

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TITULARISATION DES FONCTIONNAIRES STAGIAIRES.

Comment peut-on accepter que la titularisation des fonctionnaires stagiaires professeurs des écoles, professeurs certifiés du second degré et conseillers principaux d’éducation échappe au débat et au contrôle démocratique en commission administrative paritaire alors que la plupart des corps, cadres d’emplois de la Fonction publique bénéficient de ce contrôle ?

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              TITULARISATION DES FONCTIONNAIRES STAGIAIRES.

            L’absence de commissions administratives paritaires pour la titularisation des professeurs des écoles, professeurs certifiés du second degré et conseillers principaux d’éducation manifeste un manque de transparence inadmissible dans la titularisation de ces corps de fonctionnaires stagiaires, ce qui ouvre la voie à des refus de titularisation injustifiés.

            La titularisation est fondée sur l’appréciation de la façon dont les agents ont exercé comme stagiaires les fonctions correspondant aux emplois qu’ils seront appelés à occuper après leur titularisation. Le fonctionnaire stagiaire est donc évalué et titularisé sur sa valeur professionnelle et non sur des épreuves de connaissances comme le serait par exemple un étudiant ou un candidat à un concours.

            Plusieurs avis sont émis pour la titularisation, deux avis sont nécessaires pour la titularisation des professeurs des écoles : ceux de l’inspecteur et du directeur de l’institut national supérieur du professorat et de l’éducation. (cf. Arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires).

Trois avis le sont pour les professeurs certifiés du second degré et les conseillers principaux d’éducation : ceux du chef d’établissement, de l’inspecteur et du directeur de l’institut national supérieur du professorat et de l’éducation (cf. Arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires).

             Si les avis émis par les différents évaluateurs sont favorables, le jury académique émet un avis favorable à la titularisation. Le jury académique n’est ni un jury de concours ni un jury d’examen, seuls ces deux derniers étant par définition souverains, mais un jury de titularisation. Le recteur prononce ensuite la titularisation des fonctionnaires stagiaires estimés aptes par le jury académique.

         Seuls les fonctionnaires stagiaires des corps précités qui ont au moins un avis défavorable sur les deux ou trois avis réglementairement obligatoires, sont convoqués à un entretien. Après avoir pris connaissances des avis et à la suite de l’entretien avec le stagiaire, le jury académique émet un avis sur son aptitude à être titularisé, cf. la fiche n°4 « consultation des instances paritaires » figurant dans la note de service 2015-055 du 17 mars 2015 relative aux modalités d'évaluation du stage et de titularisation des personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement public. Au vu de l’avis émis par le jury académique, le recteur décide soit la titularisation, soit le renouvellement de stage, ou le licenciement. Il convient de préciser que dans sa décision, le recteur est tenu de suivre l’avis du jury académique.

            Comment peut-on accepter que la titularisation de ces fonctionnaires stagiaires échappe au débat et au contrôle démocratique en commission administrative paritaire alors que la plupart des corps, cadres d’emplois de la Fonction publique bénéficient de ce contrôle ? cf. la note de service 2015-055 du 17 mars 2015 relative aux modalités d'évaluation du stage et de titularisation des personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement public, fiche n°4 précitée.

            Rappelons que les commissions administratives paritaires sont constituées à parité de membres de l’administration et de représentants élus des corps concernés, leur rôle est important car elles permettent de lever un certain nombre d’avis défavorables à la titularisation ; c’est en effet après consultation de la CAPD (commission administrative paritaire départementale) ou de la CAPA (commission administrative paritaire académique ), voire de la CAPN (commission administrative paritaire nationale), que l’autorité administrative (le recteur, ou le ministre pour les agrégés) décide la titularisation, le renouvellement de stage ou le licenciement, Cf. dans la note de service 2015-055 du 17 mars 2015 relative aux modalités d'évaluation du stage et de titularisation des personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement public, fiche n°4 intitulée « consultation des instances paritaires », seuls le corps des agrégés, les personnels enseignants et d’éducation déjà qualifiés pour enseigner ou exercer les fonctions d’éducation ne sont pas soumis à un jury académique, c’est en effet leur corps d’inspection qui émet un avis, lequel est ensuite soumis à l’examen en commission administrative paritaire. On peut citer à titre d’exemple l’arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré stagiaires. Celui-ci stipule, article 7 :

« (…) Le recteur arrête, après avoir recueilli l'avis de la commission administrative paritaire académique compétente, la liste des professeurs agrégés stagiaires qui, ayant obtenu un avis favorable, sont titularisés en qualité de professeur agrégé ainsi que la liste des professeurs agrégés stagiaires n'ayant pas obtenu un avis favorable à la titularisation qui sont autorisés à accomplir une seconde et dernière année de stage.
Les dossiers des professeurs agrégés stagiaires qui ne sont ni titularisés ni autorisés à accomplir une seconde année de stage sont transmis au ministre qui, après avis de la commission administrative paritaire nationale compétente, prononce soit le licenciement, soit la réintégration dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine ».

            Aucun contre-pouvoir n’existe en revanche face au jury académique devant lequel le stagiaire ayant au moins un avis défavorable est convoqué, par suite c’est l’opacité qui prévaut dans LA DECISION DE TITULARISATION DU RECTEUR PRISE AU VU DU SEUL AVIS DU JURY ACADEMIQUE.

            Les commissions administratives paritaires sont au contraire un gage de transparence dans la procédure conduisant l’autorité administrative, telle le recteur ou ministre, à la titularisation des fonctionnaires stagiaires. Elles permettent que l’iniquité éventuelle de la procédure attribuant un rôle exorbitant et unilatéral au « jury académique » n’ait pas sa place ; lors de l’examen en commission administrative paritaire, les représentants élus du corps auquel appartient le stagiaire peuvent en effet mettre en exergue des appréciations défavorables émises fondées non sur l’examen du travail du fonctionnaire stagiaire mais sur l’animosité du ou de ses évaluateurs à son encontre, la partialité de l’avis en ce qu’elle repose sur une incohérence majeure, le caractère infondé d’un avis défavorable en ce qu’il ne repose pas notamment sur des faits matériellement établis, c’est-à-dire sur des faits précis et démontrés dont la réalité est établie. A contrario, le stagiaire ne peut pas effectuer cette démarche face au jury académique qui a l’initiative exclusive des questions posées, et, à qui, dans son compte-rendu de l’entretien, il est loisible d’indiquer que les réponses du stagiaire n’étaient pas pertinentes tout en ne restituant ni les questions posées par le jury ni les réponses du stagiaire, et/ou allant même jusqu’à attribuer au stagiaire des propos qu’il n’a pas tenus selon l’avis – défavorable - qu’il souhaite émettre. Comme dans la fable, le jury académique vous rend blanc ou noir.

             C’est pourquoi, le terme de « défense » n’a pas le même sens et la même portée, lorsque les représentants élus du corps concerné défendent, face aux représentants de l’administration, le dossier de stagiaires ayant un, voire plusieurs avis défavorables, ou lorsque le stagiaire doit se « défendre » seul face à un jury académique dont l’avis sur la titularisation est soustrait à tout contrôle, en l’espèce à l’examen en commission administrative paritaire.

                                               Virginie Lemesle

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