Dossier BNI, tragédie capitaliste ou tempête dans un verre d’eau
Que n’a-t-on dit, lu, brodé sur ce dossier de la BNI. Tout d’un coup, tous ceux qui maudissent leur banquier en général trouvent des vertus dans ce vestige de la banque nationale. Comme un vestige du temps passé, comme un relent de deuxième république dans une banque qui a vu passer des hommes illustres aux fonctions éminentes et aux carrières brillantes, à un point tel que, parfois, sommet de la banque et sommet de l’état pouvait se confondre. Rassurons-nous, mêmes les français des années 80 ont connu avec la même banque les affres de cette collusion. François Hollande venant par ailleurs de faire un chèque de 4 milliards d’€ pour solder ces vestiges d’une époque ou banque et état ne faisait qu’un.
Qu’en est- il chez nous ? Bien moins que cela. Une affaire d’Etat ? Ce qu’on a voulu nous faire croire ! A y regarder de plus près l’affaire est plus simple, voire décevante pour les amateurs de sensationnel. D’un côté un banquier français qui solde ses comptoirs pour partie hérités de son vieux réseaux Indosuez racheté en 1996, pour partie en héritage d’une fusion quasi contrainte en 2003 avec les ruines d’un Crédit Lyonnais agonisant et de ses vestiges africains, lui qui fût un siècle avant la 1ère banque mondiale.
La BNP, ayant connu aussi pour sa part son heure de restructuration avec les résidus de Paribas, c’est au tour du Crédit agricole, pris dans les affres d’une tourmente de l’euro et de ces comptoirs des balkans, de faire le ménage dans ses participations exotiques.
Nous nous y trompons pas et sachons raison garder, la BNI représente en terme de taille et en produit net bancaire le résultat d’un bon desk de trading dans une tour de la Défense à Paris ou de la City de Londres. Notre affection pour cette banque vient de son histoire et de son réseau d’agences, le seul qui tient tête à la BOA, mais probablement aussi au fait que ses clients et son personnel y sont attachés. Alors véritable tragédie du capitalisme malgache ou tempête dans un verre d’eau ?
La réponse nous vient pour partie, des questions que c’est posées un homme, le Premier Ministre. Prenant à bras le corps ce dossier et les arguments des détracteurs de l’affaire, recueillant l’avis des parties prenantes il s’est fait, comme sa mission l’exige, le défenseur impartial de 3 principes.
La liberté d’entreprendre, le respect des lois et règlements, la protection des intérêts de l’état malgache. Il évitait ainsi de tomber dans les bras de sirènes alarmistes qui semblaient déjà avoir enterré un projet économique ambitieux en brandissant tout haut un intérêt nationaliste qu’on a encore du mal à bien cerner puisque le projet, bien au contraire, semblait ramener le centre de décision dans l’océan indien, bien loin de Montrouge.
La liberté d’entreprendre est un principe qu’aucun de nos candidats aux élections ne sauraient contester tant leurs mentors sont des purs produits du renouveau post 89, mais la liberté d’entreprendre suppose le respect de règles, d’un cadre juridique et règlementaire, et Madagascar ne saurait échapper pas à la règle.
Une fois réaffirmée la liberté du Crédit agricole de céder ces parts dans un principe fondateur du droit commercial l’accord sur la chose et sur le prix, il convenait de s’assurer que les choses se déroulaient normalement.
C’est probablement là que les détracteurs ont trouvé matière dans un état malgache maladroit et qui manque sincèrement de transparence, plus par culture et négligence dans son propre fonctionnement et sa propre gestion que par volonté de nuire, pas de doute il s’est montré négligent et bien mauvais communiquant dans une précipitation qui devait, à bien y regarder, plus à la volonté de faire vite pour ne pas inquiéter personnel et clients dans un dossier qui aurait dû se clôturer en quelques mois.
Les positions des uns et des autres pouvaient parfois masquer des intérêts partisans ou relever de règlements de comptes dans lesquels les promoteurs du projet apparaissaient eux même comme des victimes. Ces derniers ont pu également dans un souci d’éviter une publicité inutile, qui nuit parfois aux bonnes affaires, être trop discret et manquer d’une transparence prêtant ainsi le flan à la critique des ennemis en embuscade.
Mais qui peut croire aujourd’hui que deux hommes d’affaire avisés qui ont marqué dans leurs propres affaires et leur propre génération des réussites qui suscitent intérêts et convoitises, qui peut croire que ces deux associés n’ont d’autre but que de faire prospérer une acquisition que le Crédit agricole lui-même avait placé dans la liste des cessions impératives et urgentes. Le choix était entre un actionnaire qui veut partir et un repreneur qui veut développer et faire prospérer une banque en partie englué dans un immobilisme coupable depuis qu’elle se savait posée sur l’étal de vente. Il devenait alors urgent, dans l’intérêt de tous, de faire vite.
Le premier ministre devait donc s’assurer que ce projet était porteur de croissance et de respect de tous, aussi bien des clients mais également pour les employés et en dernier lieu, pour l‘état actionnaire.
Le projet porté par ces deux promoteurs ne pouvant s’inscrire que dans une croissance, il devait s’assurer que les emplois seraient maintenus, que le projet était porteur de valeur ajoutée pour les autres actionnaires dont l’état. Avec un taux de bancarisation qui stagne à 4%, il ne fallait pas sortir de Saint Cyr pour comprendre la capacité que représente le marché malgache en terme de potentiel et de croissance, mais si le constat était évident encore fallait-il dans un contexte d’investissement ou plutôt de retrait des investisseurs internationaux être capable d’une part de réunir le montant de l’acquisition mais également de s’assurer de mobiliser les fonds nécessaire pour en faire un projet ambitieux et innovant. C’est peut être également là qu’on voit apparaitre certains détracteurs vivants sur des rentes de situation du petit monde ronronnant de la banque malgache. Dans un milieu fortement concentré à Antananarivo, il peut sembler inquiétant de voir un repreneur avec une ambition nationale et un projet moderne bousculant ce petit monde endormi sur un marché qui ne demande qu’à se réveiller.
La réunion de mardi se devait d’apporter toutes les réponses et lever les voiles qui pesaient sur ces premiers points.
Dernier point et non le moindre, le cadre légal de l’opération. A voir la liste de l’aéropage présent ce mardi, la réunion ne manquait ni de compétences ni de détracteurs pour entourer le Chef de Gouvernement, fort de cette initiative de confrontation des positions de chacun. Quelle surprise de découvrir que les arguments des opposants fondaient devant les textes comme neige au soleil. Confondant probablement banque correspondante et banque de référence terme parfois utilisé à tort dans une volonté de créer le doute. Il semble après revu des termes du projet que non seulement le cadre légal et règlementaire soit respecté mais qu’en plus ce projet soit ambitieux, créateur d’emploi, respectueux des intérêts de l’état qui sans débourser le moindre ariary pourrait voir sa valorisation augmenter. A écouter le Premier Ministre, deux heures et demi d’âpre discussion, la partie ne fut facile pour personne, mais il y a fort à parier au moment où la reprise tant espérée pointe son nez, au moment où le secteur privé a besoin d’argent frais pour se lancer dans le redressement du pays que les promoteurs auront la volonté mais aussi l’obligation de participer à cette dynamique de relance économique.
Mais au bout du compte, si la vérité n’est pas au fond du coffre … la vérité sera dans le fonds de commerce, et les seuls véritables juges au-delà d’un Premier Ministre, d’un Gouvernement, d’une Direction du Trésor, les seuls juges seront les clients. Ce secteur est assez concurrentiel pour que toute faiblesse soit mise à profit par les concurrents.
La collecte de l’épargne, les ressources des banques n’ont jamais été un problème à Madagascar. Leur bon usage, leur emploi et la création de richesses qui en résulte est assurément la clé du bon banquier de demain, et il n’est pas évident du tout que les politiciens et les gouvernants soient les mieux armés à donner des leçons sur l’utilisation de l’argent privé.
Alors laissons les clients décider. Leur adhésion ou leur sanction sera la véritable clé de cette affaire.