VACANCES… EXTRAS
JOURNAL D’UNE PETITE FILLE (TRÈS) AGÉE
C’est avec un frisson des plus ambigus que j’ai retrouvé les vibrations de
l’actualité médiatique.
Et ce réflexe attraction- répulsion qui nous gouverne avec délices,
convenons-en, m’a poussé à me reconnecter avec ce cher objet du désir.
Vous l’avez deviné, je veux dire la petite lucarne.
Là, j’eus LE choc de ma vie.
Médiatique j’entends.
Je précise. Car pour certains, la réalité médiatique et la réalité privée ne font
qu’UNE.
Grave, docteur ?
C’est vous qui voyez.
Enfin...Si vous ne voyez pas...Allez voir un ophtalmo.
Ou un psy.
C’est complémentaire. Ne riez pas.
Oui. « L’influence du physique sur les désordres des facultés
intellectuelles » d’un certain aliéniste du nom de Moreau, fit l’objet, en son
temps, d’une thèse très appréciée.
Et ce temps n’est pas si loin.
Bon. Ne nous égarons pas.
Donc, disais-je, voyons... Où en étais-je ?
Ah ! J’y suis ! Vous avez eu peur, hein ?
Rassurez-vous. Je tiens la corde.
Façon de parler car c’est plutôt Marianne qui devrait la tenir.
Le Président,donc, que j’avais laissé en proie à ses démons, ce volcan, cette
boule de feu, tel un avatar de ces spermatozoïdes fous qui affolèrent les
chercheurs, donnait à voir un autre versant de sa personne.
Mais où diable était passé celui qu’on voyait si habile à la joute et d’allure si
farouche ?
Quel était le ressort de ce changement ?
Je dus actionner mes computers internes pour rappeler le second principe de
thermodynamique.
Pour mémoire je vous le cite :
« Tout changement résulte de l’effondrement sans but de l’énergie et de la
matière dans le désordre. »
Je conclus que le séjour en « Wonderland » était la cause de cette entropie.
Consciente que cette recherche me dépassait, je laissai flotter les rubans...
Car chercher à comprendre pourquoi votre café refroidit dans votre tasse
peut conduire au cœur de l’univers.
Comme une pièce de Shakespeare !
D’évidence IL ne troublait plus que ces oisifs, ces noiseux.
Ceux ou celles qui grattent leurs cicatrices...
En traquant l’odeur du Temps.
Cacabant (ou coassant selon l’humeur), avec la fraîcheur d’une jeune fille de
Fragonard délivrant un oiseau de sa cage :
« J’ai cicatrisé ma blessure ! ».
Clouant le bec à tous ceux qui se posaient LA question quand aux beaux
objets :
« Objets inanimés avez-vous donc une âme ? »
Ma gardienne, moins sophistiquée quand à elle, m’accrocha dans le
hall d’un :
« Voulez-vous m’dire ? C’est quoi qu’a transformé cette harpie dévastatrice
en insignifiante sauterelle ? »
J’me fendis d’une réponse bateau :
« Le ciel confond souvent la sagesse des hommes ! »
Donc LUI, cette boule de feu que j’avais laissé en érection devant lui-même,
après avoir tressé un autel à sa puissance fécondante, semblait avoir pris
quelque distance.
Se serait-il offert, à l’instar de cet animal au nom tarabiscoté, la pose d’un
climatiseur dans le nez, afin de refroidir ses méninges ?
Pour élever un peu plus mes considérations, se serait-il, telle une nouvelle
épousée, drapé dans le voile symbolique de son changement de statut ?
Ou bien...
L’envol des fourmis aurait-il cédé à l’aspiration centripète de vouloir faire
converger ses délires vers son propre centre d’équilibre ?
En d’autres termes, infléchir ou retourner les forces centrifuges ?
Et comme la comédienne, de bramer à tous vents : « Je veux TOUT jouer » ?
J’avais encore en tête, et peut-être en queue, (à cause du tête-à-queue),
l’image de cet électron affolé et affolant, brûlé de cette ambition qu’en des
temps pas si éloignés, l’Arétin définissait comme : « Le fumier de la gloire ».
Il m’apparut soudain le même et l’autre.
Etais-je victime de ce procédé de montage dont les techniciens usent (et
abusent ?) sous le terme de « Monter sec ? »
Echauffée, çà me titillait d’ lui piquer des électrodes dans le nez pour capter
les micro vibrations comme dans un exercice de radio communications.
Toujours est-il que je ne résistai pas à ce que nos pros de l’audiovisuel
appellent le « Blind Test ».
Dans la précision serrée du modelé.
Dans la nudité du jeu stratégique.
Celui qui naguère faisait bouger les lignes.
Reculer les limites.
Et pas seulement celles du pouvoir, mais...
D’autres territoires.
GLADIATOR se tenait assis.
Et là, c’est un exploit !
Mais plus encore.
Ses mains.
Ses mains qui, il n’y a pas le temps d’une marée, se donnaient à voir
verrouillées par la tension du prédateur. Ses mains, qui, devenues poings et
pognes, jouaient à couteaux tirés.
Ne connaissant de caresses que celles de la dague.
Ou mieux, ne vivant que posées sur une machette.
Ses mains qu’on sentait peiner...
Pour s’arrimer après un accoudoir.
Ses mains donc, qui tenaient plus des flagelles d’un virus que d’accessoires,
se livraient dans un lâcher, un abandon presque enfantin.
Tout son être semblait puiser dans la force d’une intériorité fraîchement
advenue.
Quelque chose de l’ordre de... L’improbable.
Une sorte de sobriété.
D’élégance.
le, jusqu’où ?
Jusqu’où n’est-IL pas descendu dans ses enfers pour nous offrir cette
remontée flamboyante autant que libératrice d’un homme parvenu au
sommet de la transparence ?
Dans une nudité, une humilité qu’on pourrait croire fraternelle ?
Déjà apparaissaient les premiers signes cliniques de ce que les
anthropologues décrivent comme une mutation probable de notre espèce.
A savoir : l’amorce d’une concavité du massif facial.
Si vous ne saisissez pas, rappelez-vous les extravagances visuelles des
affiches de campagne après la tempête.
Ou mieux, l’écriture en creux de l’uppercut sur la trogne d’un boxeur.
C’est alors que la sonnerie incongrue de mon téléphone me réveilla en
sursaut.
Je réalisais l’amère réalité : victime d’un coup de pompe, j’avais
brutalement sombré dans un sommeil profond.
Je crus l’espace d’un moment L’entendre :
» Gnégnégnégné... »
Mais enfin... Quid de ces voluptés ?
De ces clins d’œil excitants ? De cette approche lissée, cette élégance ?
Qui, caressant mes désirs les plus profonds, me susurraient tout ce que je
voulais entendre ?
Avaient le don de réveiller tout ce que mes yeux ne pouvaient voir.
De mettre en colère tout ce que mes doigts ne pouvaient toucher.
Car enfin, cette hypnose à laquelle j’avais succombé, n’était pas sans me
rappeler un certain tour de force.
Qui tenait du prodige :
Celui de ne cesser de voir l’autre sans le rencontrer jamais.
Ce prodige où, sans cesse, on monte seul.
Et... On descend seul.
Ce prodige de se sentir sans cesse abandonné de celui qu’on a sous les yeux,
ce fruit d’une double révolution, ce vertige organisé autour d’un vide
central, ne se reproduit pas.
Même si le vide « Est le lieu de toutes les Naissances ».
Il faudrait s’appeler Léonard de Vinci.
Parce que le vide, Aristote lui, y n’ y croyait pas.
Laissons à Chambord et à ses escaliers leur mystère.
Pour le coup je me sentis frustrée.
Avec en arrière gorge le goût amer d’une pulsion revancharde.
Que faire ?
Me raconter des histoires ? Comme cette adepte de la programmation
neurolinguistique qui voulait bien d’une toile de Picasso mais... Repeinte en
rose ?
M’amuser à nouer et dénouer toutes les ondulations et torsions de vers de
terre de notre président ?
Mettre le feu à ces clairs-obscurs de tractations, de deal démoniques ?
Et pourtant ? Qui, de lui ou de moi, a le luxe de s’abandonner au flux du
désir ?
La multiplication du moi, aussi rationnelle soit-elle, se réalise-t-elle
vraiment dans cette folle agitation, cette sur-agitation ?
Tous autant que nous sommes savons.
Qu’elle nous rattrapera toujours.
Et LUI ?
Arrimé à la barre de ce paquebot. Ce monstre.
Symbole de l’éternelle tentation de renier cette putain du diable, la Raison.
Ne cèdera –t-Il pas au vertige de devenir « Amens » ?
Cette ivresse du dépassement comme la nommaient les Latins ?
Rappelons-nous la Ballade du vieux marin de Coleridge !
« La nuit s’éclaire des phosphorescences de la mer. Le flot se mue en sirènes,
en chimères ; le navire esquisse une tête monstrueuse ; tout devient
fantastique, halluciné sous la pression de ce cerveau humain qui, à la poupe,
surexcite sa divagation...»
D’une ivresse l’autre, Rimbaud s’y glissa.
Avec tous ses enfers. Ses mystères.
Ceux-là mêmes qu’un Cocteau effleura :
« Ces mystères nous dépassent. Feignons d’en être les organisateurs ! »
En miroir la Science nous renvoie :
« Nous ne percerons jamais ces mystères. Car nous en faisons partie. »
Aurait-elle le dernier mot ?
LINDEN BLOSSOM