DE RAVAGES JADIS SECOUÉS…
Vient le temps où les sanglots
De ravages jadis secoués
Autant que d’épouvante et de cris d’horreur
N’ayant plus grand choses à dire
Deviennent longs arpèges de buée,
Buée déposée là, quasi muette, au fil des choses
Au fil des riens,
Des presque riens, mais pas rien quand même
Car le plomb et la lave
Au fil de ces presque riens perdent leurs feux
Devenant dans la douce quiétude des soirs
Des larmes.
Ces larmes pleines de choses retenues,
Enfouies sous l’écume des choses,
Ou silencieusement brumisées
Telles des lèvres tremblées et tremblantes
S’ouvrant, souffle à souffle portées
Pour dessiner des mots,
Des mots prêts à éclore,
Se figeant, là, un moment, en pause imprévue,
Mais dont l’insolente odeur étouffe une idée,
Une idée suspendue sur l’arpège vibrant d’autres idées,
Demandant à vivre,
Et déjà englouties sous d’autres et d’autres encore,
Jusqu’à ce que d’autres,
Enfin réunies en bouquet de parfums
Eclosent d’une idée plus robuste, plus vigoureuse,
Plus singulière,
S ‘imposant souveraine
Telle l’ardeur orante d’un vitrail
Dans le filigrane subtil autant qu’irréductible
De la Conscience.
Mais parfois aussi, vient un temps
Où les sanglots devenus larmes
Puis buée, puis vapeur quasi immatérielle
Fleurs séchées d’un herbier secret
Font entendre un murmure,
Un murmure au bord d’un chuchotement,
Grinçant de chuchotements longtemps retenus
Dans les mailles du Temps
Et qui un beau jour,
Un jour très banal,
Qui ne demandait rien à personne,
S’adresse à nous.
Et soudain ce jour,
Ce jour qui ne demandait rien
S’empare du trône étincelant de tout.
Ce jour, qui ne disait trop rien
Va sembler soudain pris de palpitations,
De vibrations sonores,
Où les choses semblent plus vivantes
Où les arbres et les fleurs hurlent plus fort leurs senteurs
Où les Êtres parlent de Présence
Celle de l’ « Œuf brisé » de Brahma
Libérant au cœur d’une cosmique polyphonie la suprême Energie !
Et ce silence qui ne disait rien
Soudain tel un oiseau invisible chante à notre solitude
Car sa ritournelle a les accents prenants d’une intimité
Une intimité pas comme les autres
Mais pourtant là, au parfum sororal de toujours,
Et ce silence alors nous dit qu’Elle est là,
Là, rien que pour nous,
Mais aussi pour tous !
Ô Shakti ! Ô Présence !
Présence qui vient de loin
De plus loin que là où se brouillent les choses
Du cœur du cœur même des Eaux primordiales
Un beau soir, ou un beau matin,
Tu nous parles,
Ou plutôt nous entendons Ta voix.
Elle nous parle de conspiration
Conspiration infuse et diffuse de la Nature entière
De quelque chose de frais, de jamais dit,
Un parfum fruité d’insupportables étincelances
Et que l’on sent pourtant de toujours
Quelque chose qui vivait là en nous
Mais que nous n’entendions pas
Trop enfouis nous étions
Dans les caprices ondoyants d’une conscience encore primale
Quelque chose d’étrange et de juste
Animant de son éclairage printanier
Un élan aussi impérieux que tonitruant de mystère,
Un mystère qui en dirait plus qu’il n’en paraît
Qui, de touches de lumière en touches de lumière
Gagnant plus de vigueur
Affirme l’émouvante densité de Ta Présence.
Là, dissous dans le flux chatoyant autant qu’irréfragable
D’un « Sanctus » modulé et modulant une respiration
Celle tranquille et mesurée de la séraphique extase d’un Au-delà
Toi, Shakti !
Transverbérante et verbérante voix de « l’Embryon d’or »
Autant que de l’azur vibrant d ‘« In Paradiso »
Laisse-moi chanter ton effusion cosmique
Dans l’Éternité d’une lumière gelée !
Linden BLOSSOM