Issu de ce nouvel espace public qu’invente à tâtons l’univers d’Internet, ce livre paraît alors même que se précise l’offensive contre a démocratie numérique. Contrôler la circulation des hommes et celles des idées sont les deux objectifs policiers récemment fixés au G8, club restreint des puissances, par la présidence française : l’immigration et Internet comme les deux symboles d’une liberté, de déplacement ou d’échange, de partage et de rencontre, qu’il faut transformer en peurs et en menaces pour les juguler, les contrôler et les asservir. La France, par la voix de Nicolas Sarkozy, a même inventé une expression à elle seule bavarde : in s’agit « de bâtir un Internet civilisé », a écrit le chef de l’Etat à son ministre des affaires étrangères, le 29 Septembre 2010. Il faut donc en déduire qu’aujourd’hui, des barbares y feraient la loi auxquels il serait temps d’imposer les bienfaits d’une civilisation supposée supérieure…
On imagine sans peine, et sans trahir son héritage, ce que la philosophe Hannah Arendt aurait dit de cette essentialisation du concept de civilisation opposé à d’indistinctes menaces barbares. Arendt est en effet l’intellectuelle du siècle précédent qui nous oblige à penser, tout au contraire, le surgissement de la barbarie au cour de la civilisation. Non pas contre elle ou en dehors d’elle, mais en son sein et à cause d’elle. Qu’il s’agisse de son ouvrage capital, Les origines du totalitarisme (1951) ou de son reportage en forme d’essai, Eichmann à Jérusalem (1963), son œuvre nous contraint à regarder en face cette « banalité du mal » qui s’installe à force de renoncements, d’accommodements et d’arrangements, d’aveuglements et de soumissions, d’injustices et d’oppressions.
Nourrie d’un compagnonnage intime avec la vie et l’ouvre de Rosa Luxembourg, cette figure martyre d’une social-démocratie qui n’aurait pas déserté l’exigence sociale, la radicalité démocratique et la solidarité internationale, la pensée d’Hannah Arendt est une invite à tout reprendre par le début sans renoncer en rien à ce que l’on fut. A travailler l’inquiétude pour construire l’espérance. C’est à quoi s’efforce Thierry Ternissien dans ce livre, et c’est pourquoi in fait œuvre utile.
Edwy Plenel Paris, le 26 Octobre 2010 préface du livre Réinventer la politique avec Hannah Arendt de Thierry Ternissien d’Ourville éditions Utopia ISBN : 978-2-919160-02-0 au prix de 6 Euros
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