Tout au long de la temporada on aura pu voir beaucoup de choses, autant dans le fantastique que dans le médiocre. Que se soit en Espagne ou en France chaque aficionado a rencontré,tout au long de la saison, son lot de surprise et de déception ; telle est la dure loi de notre passion. La confirmation de talents, l’avènement d’un torero et la frustration, notamment dans le comportement des toros. Le bilan reste toutefois plus que positif, j’entends déjà les réboussiers et les blasés de la tauromachie dire que je suis optimiste, que la tauromachie est au plus bas et que les toros ne sont plus ce qu’ils étaient. Et moi de leur répondre que c’est ce que l’on entend depuis plus de vingt ans, la tauromachie ne s’est jamais aussi bien portée qu’aujourd’hui; tant mieux, profitons en !!!
Notre passion est riche, nous apporte des valeurs, nous apprend tous les jours sur nous-mêmes,en quelque sorte elle est présente dans notre vie quotidienne ; quoi qu’on puisse en penser, je suis convaincu que les toros sont là même si on ne s’en rend pas compte. Ce que l’on ressent est tellement fort qu’on ne peut l’ignorer.
Les milliers de kilomètres parcourus en sont le témoignage. On aura tout vu durant ces neufs mois et la trêve hivernale s’annonce aussi longue que chaque année. C’est pour ça qu’il est important de se plonger dans ses souvenirs et de repenser à tout ce que l’on a pu voir de façon à ce que la nostalgie soit moins difficile à supporter.
Repensons donc à tout ça, replongeons dans cette atmosphère si mystérieuse que nous chérissons tant. On pourra retenir beaucoup de choses mais cinq en particulier m’ont énormément marquées cette saison. C’est je pense ce qui résume cette temporada où le maître mot aura été : Emotion.
L’avènement d’un torero
C’est surement le Torero de la saison, il n’a jamais failli et a éclaboussé de son talent toutes les arènes dès les premières férias. Je parle bien sûr de l’étoile montante, qui brille maintenant dans le ciel des « FIGURAS » : Miguel Ángel Perera. Il a marqué cette temporada de son empreinte et personne ne pourra dire le contraire. On l’a parfois surnommé en Espagne (à juste titre) : « el hombre que no sabe salir de pie ». Cette phrase veut tout dire. Il a triomphé dans toutes les grandes arènes, seule la Puerta del Principe de la Maestranza (Séville) lui a résisté ; la faute aux toros.
Il fut impressionnant de régularité, de classe et de profondeur. La progression est fulgurante et impose le respect. Cette plénitude l’a envahie et nous avec.Je crois que le plus marquant dans cette saison fut d’ouvrir la grande porte de Las Ventas au mois de juin.
Un jour après le succès historique de José Tomas, qui restera gravé dans les mémoires pour les décennies à venir, il a réussi à captiver un public encore bouleversé et n’étant pas dans l’ambiance de cette corrida. C’est surement l’une de ses meilleures faenas de la saison, construite avec classe, douceur et temple. Ce fut vraiment magique ce jour là, la cerise sur un gâteau déjà bien lourd de succès. Comme si cela ne suffisait pas il se lance un défi que peu de toreros ont tenté : être seul au paseo à Las Ventas durant la féria d’automne. Certes les toros furent difficiles mais ce fut une tarde inoubliable. Ses détracteurs ne trouveront plus d’arguments pour ne pas l’encenser. Ce point final à ce chapitre de sa jeune carrière de torero fut épique et rempli d’émotion, tant l’atmosphère fut électrique. Dès les premières passes tous les aficionados ont compris que s’il était ici devant six toros ce n’était pas pour faire de la figuration. Comme dans une quête personnelle, il voulait montrer que si tout au long de la saison il avait triomphé de partout ce n’était pas par hasard. Devant ces toros d’une très grande complexité, les 23500 personnes présentes ont assistées à l’avènement et la confirmation qu’il avait réussis cette épreuve, comme un padawan réussissant à se hisser au rangde maître Jedi (petit clin d’œil aux amateurs de cinéma). La consécration pour lui fut complète, le seul bémol c’est qu’il dut le payer de son sang à plusieurs reprises et finalement sortir sans les honneurs qu’il méritait. Sa seule satisfaction aura sans doute était, tout en marchant difficilement vers l’infirmerie, à la fin du cinquième toro, d’entendre tous les aficionados debout : « ¡ TORERO, TORERO, TORERO ! » C’est un torero d’avenir et plein d’espoir, tous les yeux du mundillo seront braqués sur lui l’an prochain ; je pense que ce n’est pas ça qui va l’effrayer, au contraire…
MAESTRO
Toutle monde a parlé de José Tomas durant cette temporada, toute la saison aura été rythmée au fil de ses exploits avec en point d’honneur d’une saison, riche en succès et coups de cornes, l’indulto d’Idilico à Barcelone. Il aurait été trop facile de faire un retour sur ce torero tant il éclabousse par son talent ; seulement le goût du succès reste amer, pour moi, tant il a frustré tous les aficionados par ses exigences. Pas de télévision, ne jamais être chef de lidia et toréer trop peu de fois avec des figuras, histoire d’avoir un public tout acquis à sa cause. Les succès à Madrid sont historiques c’est un fait avéré et reconnu de tous ; j’en fais parti et je reste époustouflé par ses prestations du 5 et du 15 juin.
La facilité, lui aussi la possède ; c’est par son expérience et son bagage technique que tout parait simple avec ce monstre de la tauromachie. Oui, le torero qui m’a peut être procuré le plus de plaisir par sa maîtrise et sa classe c’est le MAESTRO Enrique Ponce. Cela fait plus de dix ans qu’il trône au sommet de l’escalafón. Cette année aura été celle de toutes les interrogations, va-t-il partir ? va-t-il tenir le choc ? et bien d’autres… La réponse est oui Monsieur, l’admiration devant cet homme est totale, Madrid le boude ce n’est pas grave ils n’ont pas la science infuse. C’est peut-être la saison la plus aboutie de sa longue carrière car le plaisir qu’il a pris en toréant s’est ressenti dans les tendidos. Il l’a dit lui-même : « je prends énormément de plaisir, je torée pour moi et je crois que cela se ressent dans les tendidos. ». Bien sur maestro et l’illustration de ces propos est, pour moi, les faenas de Bilbao et de Zaragoza, avec les toros exigés par cette catégorie d’arène. Les mots ne sont pas assez forts pour exprimer ce que l’on a pu ressentir ces jours là, ce fut tout simplement extraordinaire. Il y a des corridas qui nous marquent dans notre vie d’aficionados ces deux là en fon tpartie. La classe à l’état pur, je me souviens d’une phrase d’un de mes nombreux voisins de place, c’était à Zaragoza et cela résumait exactement ceque je pensais à cet instant précis : « Mirá hombre, cón la muleta es un diamante puro que no existe en ningún país en el mundo ». Il n’y a rien à rajouter.
Le vide sera grand quand il partira, il nous reste encore la saison prochaine pour nous délecter de son savoir, sa science, son plaisir, sa classe, son temple et son esthétique reconnaissable parmi tant d’autres…
Sí señor !!
Cela fait tellement longtemps qu’il se balade de ruedo en ruedo, s’améliorant d’année en année comme un grand cru bordelais, on pourrait ne plus faire attention et se dire que c’est normal, et pourtant la normalité ne fait pas partie de son vocabulaire, tant mieux... Non la perfection ne fait pas partiede ce monde, la tauromachie en est bien le reflet tant sa compréhension estmultiple, pourtant ce jeune homme la frôle presque tous les après-midi. Il apris son alternative dans une ville qu’il aime car l’afícion y est juste, c’estce qu’il aime répéter. Pour lui Nîmes est presque aussi importante que Madrid et Séville. Quand il vient par chez nous il ne veut pas repartir bredouille, il veut donner au public tout ce qu’il lui apporte. Il faut dire que dès l’âge de12 ans il foulait ce sable d’une arène remplie d’histoire. La ville lui a fait honneur en lui offrant une exposition retraçant ses longues années dans le ruedo. Julian Lopez « El Juli » a offert à cette ville un énorme cadeau pour fêter ses dix ans d’alternative. Ce 19 septembre 2008 restera gravé dans le légende de la tauromachie. Toute la planète toro était présente pour suivre cette corrida historique et assister à la métamorphose d’un bout de chou ne dépassant même les barrières 14 ans avant. Oui, ce solo est un énorme coup de cœur tant l’attente était énorme. On pourrait regretter les déclarations (en ce jour) de Sébastien Castella qui voulait lui ravir la vedette. Ce n’était pas très fair-play mais on peut le pardonner, même si c’est difficile, la competencia est nécessaire et la meilleure réponse fut dans l’arène.
De la première passe à la dernière on ne s’est pas ennuyé, on est sorti de cette corrida en se demandant comment durant six toros on n’avait pas vu la même passe au capote ni les mêmes faenas. Bouche bée, le sourire aux lèvres, une sensation de plénitude envahissant le corps et l’esprit. L’envie de ce torero était tout simplement ahurissante après dix temporadas au plus haut niveau, larage et le plaisir sont encore là, peut-être encore plus grand qu’à ses débuts.Je pourrais ne pas m’arrêter d’écrire sur cette corrida tant les mots s’entrechoquent.
La maturité est grande chez le madrilène, tout le monde s’en est aperçu, l’importance du moment n’a rien gâché au contraire. Une chose m’avait marqué en début de saison dernière et j’y ai repensé durant toute cette corrida, j’avais lu dans 6 toros 6 une interview du Juli ; la question étant : « quels sont pour vous les grandes dates de votre saison ? » et la réponse était plus que claire : « Madrid, Séville et Nîmes, ce sont les trois grand rendez-vous pour moi, celui de Nîmes est peut-être d’une importance particulière car je vais fêter mes dix ans d’alternative et je veux redonner au public tout le soutien dont il a fait preuve à mon égard durant ces dix ans, je veux être prêt pour cette corrida. »
Je n’ai pas cessé de me dire : « il est plus que prêt, toute sa classe, sa maîtrise rejaillissent dans le ruedo, je suis en train de vivre un moment éphémère et historique », c’était comme un jubilé au football, sauf quel’heure de la retraite n’est pas encore d’actualité, heureusement… Muchissima sGracias Maestro…
Un artiste à l’état pur
Morante,l’artiste, est tellement atypique que la tauromachie ne peut que se délecter d’un tel personnage. Il déchire le cœur des aficionados, un arnaqueur pour les uns et un torero hors norme pour les autres de par l’émotion qu’il peut transmettre aux tendidos.
Cette année aura été l’une des plus abouties par l’envie qu’il a montré ; c’est sûr il fallait être présent au bon endroit pour pouvoir le dire. Cet homme est bouleversant même dans ses pires moments, en témoigne son naufrage à Zaragoza.
C’est pour ma part un gros coup de cœur. Ce torero me fait réagir avec passion que se soit dans l’excellence comme dans le mauvais. J’ai eu la chance de le voir dans ces deux phases durant la temporada, quel plaisir. Les émotions sont surmultipliées. La profondeur et le temple de son art sont tellement prononcés que cela nous prend au plus profond de nous même. Aucun mot n’est assez fort pour décrire cette sensation. Je vous parlais de corrida qui nous marque, mais avec Morante c’est une série de passe qui nous touche et cela même avec une faena complètement aboutie. Son esthétique et sa technique sont tellement sincères, son toreo est tellement pur, son temple permet de voir une faena au ralenti que cela ne peut pas arriver tous les jours. Tous les paramètres sont à prendre en compte et encore plus qu’avec les autres toreros. J’ai vu grâce au sévillan les plus impressionnantes veronicas de ma jeune vie d’aficionado. Cela se passe à Madrid lors de la corrida de la beneficencia, le second toro sort, le génie nous frappe tous, quatre veronicas tout droit sorties de la planète Morante. Des gens s’en vont en marmonnant : « je n’ai pas besoin d’envoir plus, j’ai déjà tout vu », d’autres sont totalement scotchés, tout leur corps est figé. Je suis là, ça dure 2 minutes et pourtant j’essaye de rembobiner pour me repasser ce moment complètement hallucinant qui nous est tombé dessus comme on tombe sur un trésor, c'est-à-dire que très rarement …
La faena de Bilbao aura été la marque de son envie et de son plaisir de toréer du moment, le seul contre six de Zaragoza aura était un naufrage tragique, bémol d’une saison qui aurait pu terminer sur une apothéose… Les artistes sont vraiment des personnes à part et tellement fascinantes qu’elles déchainent les passions, c’est bon l’émotion !!!
Garcigrande : quel désastre…
Il fallait bien finir par une note négative. Tout ne pouvait pas être extraordinaire et heureusement, en bon nîmois qui se respecte je ne vais pas prendre de pincettes tellement ma colère est énorme. En règle générale cette saison les toros seront sortis mauvais, surtout durant la première moitié de temporada mais un élevage est resté au fond du gouffre toute la saison, quel désastre. Ce n’est pas faute d’avoir été optimiste, la dizaine de corridas quej’ai pu voir des représentants du fer de Garcigrande et Domingo Hernandez ont été tout simplement un supplice. Je ne mâche pas mes mots car ma frustration est à la limite du supportable. Je n’ai rien vu chez ces toros tout au long de l’année, aucune bravoure, aucune caste, aucune force, aucune charge, aucun piquant, aucune corne, au final aucun intérêt. Heureusement que des toreros s’avèrent être de savants chirurgiens pour pouvoir tirer quelques passes de ces toros dit bravos, qui n’ont que la dénomination pour mériter cette appellation.
A Madrid la commission taurine a eu la merveilleuse idée d’en refuser. Certes ils sont dociles et sans vices mais dans quel but ? Le triomphe n’est pas possible, des toros sans charge, « que no se embisten » quand ils daignent enfin mettre une certaine envie au combat. « ¡Que Pena ! » voilà ce que j’ai entendu autour de moi durant toutes les corridas de ces exemplaires. Les figuras se les arrachent et demandent encore et toujours des Garcigrande, dans quel but me direz vous ; je ne sais guère…
Le métier d’éleveur est d’une grande complexité et même si mes propos sont asseza brupts je n’en ai pas moins le plus grand respect pour tous ces hommes. C’est pour cela que tout ce que je viens d’exprimer doit être pris en connaissance de cause et avec le plus grand respect, seulement il faut dire les choses telles qu’elles sont…
Je pourrais écrire encore bien des choses sur cette saison 2008 très riche, encore une, mais il est temps de refermer ce grand livre imbibé d’une intense émotion pour repartir sur de nouveaux horizons avec une nouvelle temporada qui s’annonce encore très prometteuse.
Aficionneusement vôtre…
V.M