L’avenir de la tauromachie barcelonaise est en suspens ! On ne sait toujours pas comment cela va se passer l’année prochaine. Pourtant la cité espagnole possède une afícion de renom. Il faut se remémorer qu’au début des années 1900 la ville possédait pas moins de trois arènes en activité, plus que Madrid ! Petit à petit les choses ont changé puisque la plaza située dans le quartier de la Barceloneta aété fermé en 1923 pour être finalement détruite en 1944. « Las Arenas » a vécu son dernier spectacle le 9 juin 1977, elles sont actuellement en cours de transformation pour faire place à un centre commercial et de loisir. Avec ces fermetures successives c’est la région catalane qui en subi les conséquences. La seule résistance à cette vague anti-taurine, ignorante, sera la seule arène encore en activité en catalogne : La monumental de Barcelona. Cette partie de l’Espagne est fondamentalement ancrée dans le monde taurin, l’empreinte de cet art est une certitude.
Malheureusementaujourd’hui les choses sont complètement différentes puisqu’il est fortprobable que la corrida disparaisse. Depuis 2004 Barcelone est officiellement déclarée anti-taurine, dans les jours qui viennent le parlement catalan doit se prononcer sur la poursuite de cette activité dans la ville. La revue Aplausos a d’ailleurs publié un article intéressant sur le sujet mettant en avant les réactions des parlementaires, le résultat est peu réjouissant. La dernière féria de la Merced marque soit un tournant, soit une conclusion historique.
Interdire la corrida ne serait il pas égal à interdire toute autre manifestation ? L’interdiction de ce genre de spectacle n’entrainera-t-il pas des dérives ? Pourquoi interdire la corrida alors que personne ne force quiconque à se rendre aux arènes ? Cela ramène finalement à un principe fondamental : la Liberté. Chacun est libre de ses opinions et nul n’a le droit de l’en empêcher. Voici les sujets qui sont en ce moment même débattus au parlement catalan ; il doit rendre sa décision d’ici peu.
Un diamant prénommé Manzanares
L’empresa a voulu marqué les esprits en sachant que ce serait peut-être les ultimes fresques de la monumental. D’habitude deux spectacles sont programmés en septembre, cette année on a débuté le jeudi avec une corrida à cheval, histoire de rappeler que la temporada barcelonaise a été un succès sur tous les plans cette année, tous les types de toreo ont leur place et tous ont triomphé. Les deux corridas du week-end sont tout simplement somptueuses, le samedi il réunit deux triomphateurs de la temporada catalane : El Juli et Manzanares avec Cayetano. Le dimanche il réunit les trois « grands » lauréats de cette saison (2 oreilles à un toro) : Julio Aparicio, José Tomás et Morante de la Puebla, ¡Vaya cartelazos !
Le samedi on aassisté à une après-midi extraordinaire. Tout le monde dans le mundillo ne parle que de la corrida du lendemain ; on occulterait presque ce cartel de luxe. Le début de la course sera marqué par l’hommage rendu au père de Cayetano. Cela fait 25 ans que Francisco Rivera Paquirri, monstre de la tauromachie, nous a quitté. La minute de silence à la fin du paseo est chargée d’émotion, toute l’arène se remémore que le 26 septembre 1984 Paquirri est parti pour toujours ; la faute à Avispado, un toro de la ganederia Sayalero y Bandrés,qui lui infligea une cornada fatale à Pozoblanco. Cayetano, fera ce qu’il peut pour être à la hauteur de l’évènement mais cela n’atteindra pas les tendidos. Il aura beaucoup de mérite, notamment en accueillant son premier toro à « puerta gayola » mais l’intensité du reste de la faena n’est pas assez profonde. En passant en troisième c’était mission impossible, la corrida était écrasée par ses deux autres compagnons de cartel.
Le Juli est comme à son habitude, il nous montre une performance de très haut niveau dans sa première faena, comme insatiable de succès. Il prouve qu’il est l’un des plus grands, confirme son rang de figura même s’il n’en a pas besoin. Toujours à la recherche de la perfection et cela même avec des partenaires un ton en-dessous de lui. Le madrilène laisse dans ces arènes deux faenas de grande importance.
Cependant ce qu’il restera dans la tête des personnes présentes sera l’actuation de Manzanares. L’alicantin est en forme en cette fin de saison et ne compte pas laisser passer les ultimes rendez-vous qu’il lui reste en Europe. Deux semaines avant il signe sur le ruedo arlésien une faena d’une très grande classe avec un temple d’une autre planète. Ici à Barcelone c’est un écrin de velours qui s’ouvre pour laisser apparaître un diamant d’une pureté rare. Les deux œuvres qu’il nous laisse en tête sont dignes des plus grands joaillers de la planète. L’élégance, la classe, le temple, la profondeur, l’art sont sa marque de fabrique. Il nous étale tout son savoir faire et il m’est impossible de retranscrire ce que nous avons pu voir, seul les images me reviennent en tête, les mots ne peuvent pas permettre de revivre ces instants de grâce éphémère. Il grave dans cette enceinte les plus beaux joyaux de la temporada barcelonaise. Ces fresques resteront à tout jamais dans le livre d’or de la Monumental. Ce qui est le plus marquant et cette capacité à terminer chacune de ses compositions par un point d’orgue qui se nomme : « Estoconazo » !
Ce fut une immense sensation de bonheur et de plénitude que de voir des joyaux bruts se transformer en bijoux de renoms.
Un diamant venu d’une autre planète
Le dimanche est l’ultime spectacle de la saison dans la capitale catalane. A peine remis de la corrida de la veille on retourne sur les gradins avec de l’espoir plein la tête. On ressent un bouillonnement d’allégresse surgir autour des arènes. Les gens sont heureux et dans l’expectative d’un bouquet final explosif. Il n’y a que l’art qui vous transmet ce genre d’émotion. En ce 27septembre 2009 c’est cette sensation si mystique que les aficionados vont pouvoir effleurer. Aparicio est atypique mais il est surtout sur la fin. Son retour dans le ruedo n’aura été éclairé que par quelques illuminations extraordinaires mais aujourd’hui on n’aura rien, si ce n’est des détails au capote ; cela malgré trois toros. En tant que chef de lidia c’est à lui que revient le deuxième toro de Morante. Le sévillan a laissé quelques détailsd’une grande profondeur, des derechazos typiques de son toreo ainsi que ces passes aidées vers le haut d’un temple ahurissant écrasant le toro et en seulement cinq passes il prend toute forme de velléité à son adversaire. Au moment de tuer le bicho l’artiste se blesse au pouce et ne reviendra pas sur le ruedo de toute la corrida, dommage.
Reste l’énigme Jose Tomás. Cet homme est vraiment d’un autre monde, c'est une parure à lui seul. J’étais en disgrâce avec celui de Galapagar depuis son actuation à Nîmes. Durant sa corrida dans l’amphithéâtre il ne m’avait pas plu à son second toro, toréant avec trop de sureté, de nonchalance. Je lui avais reproché ce manque d’investissement. Aujourd’hui c’est le contraire qu’il s’es tpassé, l’apothéose est venue de ce diamant extraterrestre. Barcelone est son territoire, certes conquis, et avec cette corrida on comprend pourquoi. Deux faenas tirées tout droit de l’imaginaire de chacun d’entre nous. Une convergence de tous les idéaux de chaque aficionados. Un résumé complet de tous les livres sur la tauromachie en deux fois 15 minutes. Une maîtrise déroutante et des naturelles de rubis tracées par une main de bijoutier. La minutie de chaque détail est visible, l’inspiration est présente comme en témoigne cette mise en suerte à une main d’un bout à l’autre de l’arène. La douceur est son moteur, les caresses avec ce linceul de tissu rouge sont une formalité pour lui, l’art fait partie de lui : il rejailli de toute part lorsqu’une naturelle est effectuée… Un autre diamant venu tout droit de l’espace pour un final en apothéose.
L’extase à la fin de cette féria est le mot qui convient. On retiendra que deux perles ont scintillé de mille feux sur le sable catalan. Les styles sont différents mais la puissance est la même. Pour moi je donnerai une note toute particulière à l’ainé des Manzanares tellement l’émotion était présente et bien plus forte que le lendemain, les toros y sont pour quelque chose ! L’histoire de notre passion, en Catalogne, s’est peut-être arrêtée avec cette féria mais ce qui est sur c’est que les diamants sont éternels…
V.M