Dans une Syrie meurtrie par quatorze années de guerre, où la destruction des infrastructures se mêle à une sécheresse implacable, parler de climat peut sembler secondaire. Mais pour le Programme syrien pour le changement climatique (SPCC), fondé en 2024, la protection de l’environnement est devenue un combat vital, au même titre que la reconstruction et la survie.
Un mouvement né en pleine crise
Le SPCC est né de l’initiative de chercheurs et d’activistes syriens spécialisés en politiques climatiques et développement durable. Face à la dégradation rapide de l’écosystème — recul des espaces verts, raréfaction de l’eau, pollution et désertification — l’organisation s’est donnée pour mission de collecter des données, développer des solutions locales et fédérer les Syriens autour de projets communs.

Agrandissement : Illustration 1

Le noyau dur du programme compte douze membres permanents, couvrant gestion, recherche, communication et projets terrain. Il s’appuie aussi sur un réseau grandissant de bénévoles et experts locaux, en Syrie et dans la diaspora, ainsi que sur des consultants techniques et des équipes actives notamment dans le nord du pays.
Ses actions vont du reboisement à la promotion des énergies renouvelables, en passant par la gestion sécurisée des déchets et la préservation des ressources hydriques. « Ce n’est pas qu’un projet de recherche ou de sensibilisation, mais un effort réel pour bâtir un mouvement écologique syrien qui s’enracine dans les communautés locales et influence les politiques nationales », insiste Asim Zidane, son directeur exécutif.

Agrandissement : Illustration 2

Malgré un budget restreint, le SPCC a déjà marqué le terrain : réhabilitation de parcs à Alep, formations en agriculture durable dans la région d’Idleb, campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux, et un projet pilote de tri des déchets dans le parc El Razi (Alep) qui a suscité un débat inédit chez les habitants sur la gestion des ordures.
Pour Ahmed Ankeer, responsable des projets, ces gestes ont une portée symbolique : « Voir des enfants planter un arbre et revenir en prendre soin, c’est la preuve que l’avenir n’est pas perdu. »

Agrandissement : Illustration 3

Une cause qui rassemble au-delà des divisions
Dans un pays fracturé, l’écologie devient un terrain neutre, transcendant les divisions politiques. Le changement climatique ne connaît ni frontières ni appartenances, et affecte tous les Syriens.. « Quand une forêt brûle sur la côte ou qu’un fleuve tarit en Al Jazira (Nord Est de la Syrie), la douleur est commune […] Nous voyons dans l’écologie une occasion rare de reconstruire des ponts entre Syriens», affirment les membres.
Le programme cible particulièrement les étudiants, les femmes, les agriculteurs et les journalistes, considérés comme relais essentiels pour ancrer la transition écologique. Le SPCC travaille également avec des ministères locaux et des experts internationaux pour concevoir des projets de reboisement et améliorer la gestion post-incendie, là où la situation sécuritaire le permet.
Face aux crises persistantes, le programme appelle à considérer le climat comme une priorité concrète, pas un luxe écologique. Chaque arbre planté, chaque prise de conscience, est un pas vers une stabilité durable «Le changement climatique n’est pas une menace lointaine : il affecte l’alimentation, l’eau, la santé et la stabilité économique du pays » conclut Asim Zidane.
Article rédigé par Khaled Khalaf
Journaliste syrien natif d’Idlib, Khaled Khalaf est un reporter de guerre, journaliste, rédacteur et chercheur spécialisé sur l’opinion publique.
Diplômé en journalisme de l’Université de Damas en 2009, il couvre depuis 2011 les transformations politiques et sociales de la Syrie à travers des enquêtes, des articles et des projets de recherche. Il travaille pour plusieurs médias locaux et régionaux en Syrie et en Turquie, tel que le média Baladi News.
Contraint de quitter son pays en 2016, il s’installe d’abord en Turquie où il cofonde un média indépendant, avant de rejoindre la France en 2018.