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« De qui se moque-t-on ? » clame l’Association des Parents d’Élèves du Lycée Charles de Gaulle (LFCG) de Londres. Il faut dire qu’il y a de quoi se plaindre : en une dizaine d’années, les tarifs ont fortement augmenté. Dans le même temps, les élèves s’entassent dans les classes, et la cantine a besoin de lourds travaux. La représentation des parents publie un article virulent contre les engagements non tenus de l’État. Juste une précision : nous sommes en 1971. Pourtant, on pourrait aisément transposer la situation 50 ans plus tard.
La colère gronde en effet parmi les parents des établissements du célèbre Lycée Français de Londres depuis plusieurs mois. Situé au cœur de l’un des quartiers les plus huppés de la capitale britannique, l’établissement accueille près de 2 500 élèves dans son enclave historique de South Kensington (qui fut utilisé comme QG des Forces Françaises Libres pendant la Seconde Guerre mondiale). Il faut y ajouter environ mille élèves du primaire, répartis sur trois sites périphériques dans les boroughs de Wandsworth, Fulham et Ealing.
Depuis de nombreuses années, les frais de scolarité augmentent à un rythme nettement supérieur à l’inflation, mettant de plus en plus de familles en difficulté pour payer les montants exigés. En dix ans, ces frais ont grimpé de 65%, passant de £5 961 (environ 7 600 €) en 2014 à £9 684 (11 600 €) à la rentrée 2024. Cette hausse est trois fois plus rapide que l’inflation, qui s’élève à 21 % sur la même période. Pire encore, depuis l’an 2000, les tarifs ont bondi de 300%, tandis que les salaires n’ont progressé que de 66% en un quart de siècle.

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L’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE) est l’opérateur public, sous tutelle du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, qui coordonne le réseau des établissements français à l’étranger. Ses missions sont claires : assurer un service public d’éducation pour les enfants français expatriés et contribuer à la diplomatie d’influence.
Pour l’Agence française (qui nous a répondu par écrit malgré notre demande de rencontre), ces augmentations s’expliquent par les besoins financiers de l’école. « Des services nouveaux (aide renforcée à l’orientation, projets à l’échelle du réseau AEFE, politique d’inclusion des élèves, formation des enseignants, etc.) ont été développés et de nouvelles obligations légales (renforcement du safeguarding par exemple) ont justifié des dépenses supplémentaires. »
Toutefois, l’Agence explique aussi les hausses en notant que « le lycée a également vu ses effectifs diminuer de 400 élèves depuis 2017« , ce qui est une étrange justification puisque l’augmentation des coûts de scolarité est justement un facteur participant à cette baisse d’effectif. L’AEFE rappelle toutefois que « à Londres, le Lycée Charles de Gaulle reste l’établissement secondaire le moins cher des 4 établissements secondaires homologués, » en omettant de préciser que c’est aussi l’établissement en gestion directe le plus cher du monde dans le réseau de l’Agence (les autres établissement étant soient conventionnés ou homologués et donc ne répondant pas aux mêmes critères).
L’AEFE conteste cette analyse en expliquant : « Les tarifs sont propres à chaque établissement mais à titre d’exemple les tarifs de l’EGD aux Emirats Arabes Unis sont plus élevés au secondaire que ceux du Lycée Français Charles de Gaulle y compris avec la TVA. » Une affirmation pourtant contredite par les données du Lycée Louis Massignon d’Abu Dhabi qui montrent que les tarifs sont bien inférieurs au Lycée de Londres, même en prenant l’exemple très particulier des 3 dernières années de Lycée où le prix est de 48 723 AED (12 516 €) contre 14 773 € pour le Lycée Charles de Gaulle. Et sans compter non plus la section britannique du LFCG qui est facturée 25 344 € par an à la rentrée 2025, soit le double du tarif le plus cher du Lycée des Emirats Arabes Unis.
Parmi les parents, le sentiment que la France ne les a pas soutenus prédomine
La goutte d’eau qui fait déborder le vase ? L’introduction, depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, d’une TVA de 20 % sur les frais de scolarité des écoles privées, imposée par le gouvernement britannique. Le Lycée a beau rappeler constamment que « les frais de scolarité sont les moins chers des établissements français de Londres » , les familles font face à une explosion des coûts : une hausse immédiate sur les deux tiers de la facture, alors que le montant annuel des frais de scolarités est déjà le plus élevé parmi les 68 écoles gérées par l’AEFE.

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Le choc est d’autant plus violent que le Lycée refuse d’annuler la hausse de 4 % déjà prévue pour la rentrée 2025. Résultat : une augmentation cumulée de près de 25 % en une seule année, du jamais vu depuis les années 1970. À titre de comparaison, le CFBL (Collège Franco-Britannique de Londres), un autre établissement français de Londres accueillant des collégiens, a choisit de reporter toute augmentation supplémentaire.
Cette taxe s’inscrit dans la stratégie budgétaire du Labour, arrivé au pouvoir après les élections du 4 juillet 2024, mais dont la victoire était attendue de longue date. Pendant la campagne, le Parti travailliste s’est présenté comme le garant de la responsabilité fiscale. Pour trouver de nouvelles recettes, il misait essentiellement sur une réforme du statut fiscal des non-domiciliés, censée rapporter jusqu’à 5 milliards de livres sterling. La TVA sur l’éducation privée venait compléter ce maigre plan. Avec cette mesure rendue possible par le Brexit (l’Union européenne interdisant de taxer l’éducation), le gouvernement travailliste espère lever 1,6 milliard de livres sterling pour les finances publiques.
Une telle mesure pose question car elle fait fi des économies réalisées par le contribuable, qui n’a pas à supporter les coûts de la scolarité des enfant qui vont dans les écoles indépendantes (selon les calculs présentés par l’Enseignement catholique en 2023, l’enseignement privé sous contrat permettrait en fait à l’État français de réaliser une économie de 9,48 milliards d’euros car une partie des coûts sont pris en charge par les familles), elle séduit une partie des électeurs de la gauche britannique. Beaucoup perçoivent ces écoles, dont les frais dépassent souvent 20 000 livres par an, comme un privilège de la haute bourgeoisie. Ayant promis de ne pas augmenter les impôts, le Labour y voit un moyen de faire contribuer les plus aisés.
Dès l’automne 2023, les services diplomatiques français entament un dialogue avec les Travaillistes, alors encore dans l’opposition. L’idée est de d’obtenir une exonération de TVA pour les écoles internationales. L’école allemande située dans le sud-ouest de Londres est dans le même cas, et dans une moindre mesure l’école espagnole (les frais de scolarité pour les citoyens espagnols sont gratuits).
Pendant près d’un an, les autorités françaises assurent être en contact avec le Labour, puis avec le gouvernement après leur victoire aux élections de l’été 2024. Mais lorsqu’on cherche à connaître l’avancée des négociations, c’est silence radio. Officiellement, « des raisons de confidentialité et de respect des négociations en cours » sont systématiquement invoquées pour refuser toute réponse. L’Association des Parents d’Élèves (APL) affirme même que l’Ambassade interdit toute communication sur le sujet, menaçant d’interrompre les discussions en cas de fuite.
Olivier Cadic, sénateur Union Centriste représentant les Français établis hors de France, a bien interpelé Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, en octobre 2024. Toutefois, la réponse de ce dernier laisse transparaître un intérêt limité pour la question :« J’ai moi-même évoqué cette question dans mes fonctions précédentes avec mon homologue. Nous avions même – mais ce n’est pas dans mes fiches et je ne m’en souviens plus exactement – travaillé sur des critères à établir. »
Vincent Caure, député des Français de l’étranger élu en juin 2024 pour la circonscription incluant le Royaume-Uni, affirme avoir multiplié les rendez-vous et envoyé plusieurs courriers, sans succès. Aucun ne semble avoir reçu de réponse.
L’argument avancé par la diplomatie française est principalement axé sur la spécificité du cursus français. Les représentants français ont souligné de façon récurrente l’impossibilité de passer les diplômes français dans le système britannique et la difficulté d’intégrer une école anglaise après le collège en raison des différences entre les examens nationaux.
Est-ce le désintérêt médiatique pour les événements internationaux ou la perception que les Français de Londres sont tous des privilégiés ? Toujours est-il qu’il faut se tourner vers la presse britannique pour trouver quelques articles sur le sujet. Dès septembre, le Financial Times consacre un long article au cas spécifique des écoles internationales, soulignant qu’elles fonctionnent comme des services publics et bénéficient, à ce titre, de subventions de leurs États respectifs. Le Telegraph publie un article similaire, interrogeant Vincent Caure, l’Ambassade et la représentante des parents d’élèves. Mais toujours sans reprise dans les médias de métropole.
Les acteurs politiques britanniques se montrent-ils plus engagés ? En tout cas, dans le quartier de Battersea, où se trouve une annexe primaire bilingue en partenariat avec une école anglaise, le Parti conservateur a pris les devants. Il a non seulement adressé une lettre au gouvernement et lancé une pétition, mais a aussi officiellement demandé au Council (l’équivalent d’une mairie d’arrondissement) un rapport sur l’impact local de la mesure.
Si la structure du financement du Lycée semble un sujet largement évité du côté français, certains acteurs politiques britanniques n’hésitent pas à s’en saisir et détaillent clairement leur vision de la TVA appliquée aux écoles internationales :
« Nous ne pensons pas que la TVA devrait être perçue sur les écoles internationales. Comme il ne s’agit pas de frais de scolarité au sens traditionnel, mais simplement de contributions pour couvrir les coûts supplémentaires nécessaires à la prestation de cette formation au Royaume-Uni, il est tout simplement inapproprié que la TVA soit perçue, » écrivent les Conservateurs de Battersea.
Or, certains juristes français estiment que la contribution de 10 millions de livres reversée chaque année par le Lycée à l’AEFE pourrait être assimilée à une taxe, plutôt qu’à un simple prélèvement administratif. Si cette interprétation est confirmée, la convention fiscale franco-britannique interdirait toute double imposition, ce qui signifie que cette somme ne pourrait pas être soumise à la TVA.
Ce flou juridique pourrait devenir un levier stratégique pour contester l’application de la TVA aux établissements français du Royaume-Uni. Mais encore faudrait-il que les autorités françaises s’en saisissent…
Selon des sources ayant participé aux négociations, les représentants du gouvernement français auraient en fait cherché principalement à démontrer leur engagement vis à vis de la diaspora française, plutôt que d’engager un bras de fer sur la question de la TVA face à un gouvernement travailliste déterminé.
On est loin de l’attitude américaine qui n’a pas hésité à faire pression. Résultat, le gouvernement britannique a accordé en janvier une dérogation, sur la base d’une convention fiscale, pour un seul pays : les États-Unis. HMRC, le service des impôts, a en effet exempté de TVA les enfants de soldats américains stationnés au Royaume-Uni, en vertu d’un ancien accord entre les deux pays. Une décision qui fait grincer des dents, notamment chez les militaires britanniques qui réclament la même exemption depuis des mois… en vain.
Le 31 octobre 2024, l’annonce du budget par la ministre des finances britannique met un point final aux espoirs de la diplomatie française : négociations secrètes ou non, aucune exemption de TVA n’a pas été obtenue. « On nous a dit qu’on ne pouvait rien nous dire pendant des mois car ils étaient en pleine négociation. Au final, il n’y a absolument aucun résultat. J’en conclus donc qu’ils n’ont rien fait – pire, ils ont attendu sans aucune préparation, » constate un parent dépité.
Les parents laissés dans l’expectative
À l’automne 2024, les parents sont toujours dans l’attente. Ceux qui suivent le Lycée sur Instagram peuvent au moins se raccrocher à une courte vidéo de la proviseure du LFCG affirmant sur Instagram : « Depuis de nombreux mois déjà, l’Ambassade de France au Royaume-Uni a engagé des négociations pour essayer de faire exempter les lycées français du Royaume-Uni. Actuellement, il y a encore des négociations et je ne manquerai pas de vous tenir au courant. » Pour ceux qui n’ont pas consulté les réseaux sociaux, un rattrapage était possible lors du cocktail de rentrée de l’APL, deux semaines plus tard. Pour avoir plus qu’une vidéo de rentrée sur les réseaux sociaux et quelques mots échangés autour de petits fours, les parents devront patienter.
Il faut finalement attendre le 5 novembre 2024 pour que le Lycée envoie un message écrit aux familles. Le verdict tombe : le taux maximum de TVA sera bien appliqué dès la facture du deuxième trimestre, envoyée en janvier. La direction explique qu’elle n’a « pas d’autre choix » et qu’elle est « soumise à cette obligation de facturer un taux de TVA de 20 % ». Pourtant, sur le site du gouvernement britannique, l’approche est toute autre : « Nous ne pensons pas que l’augmentation de la TVA entraînera une hausse des frais de scolarité dans les écoles privées de 20 %. En moyenne, nous prévoyons que les mesures sont susceptibles de voir les frais augmenter d’environ 10%. »
À la Deutsche Schule, l’école allemande du sud de Londres, la réaction est bien différente. Dès la rentrée de septembre, les parents ont été régulièrement informés de la situation. Dans une longue newsletter publiée début novembre, l’établissement annonce qu’il n’appliquera pas l’intégralité de la TVA, mais un taux réduit de 14,9 %. « Nous pensons que l’école pourra récupérer une partie de la TVA qu’elle paie sur les fournitures et autres services ainsi que sur les biens d’équipement. Notre objectif est de répercuter intégralement ces économies sur les parents sous la forme d’une réduction des frais de scolarité pour le deuxième semestre », explique la direction. Mieux encore, l’école prend à sa charge la TVA sur la première facture de l’année couvrant début 2025, offrant ainsi une économie de 120 £ (150 €) par enfant.
Côté français, aucune anticipation ne semble avoir été faite. Le Lycée ne sait pas s’il pourra récupérer une partie de la TVA et, surtout, ne semble pas s’être posé la question. La situation est, certes, plus complexe. Contrairement à la Deutsche Schule, le Lycée Français Charles de Gaulle n’a pas d’existence légale propre au Royaume-Uni : il n’est qu’une extension de l’AEFE, qui elle s’est d’ailleurs enregistrée officiellement dans le pays hôte en mars 2023. Jusqu’à présent, il fonctionnait sous le régime de la comptabilité publique française, consolidée au sein de l’AEFE. Mais depuis 18 mois, aucun travail comptable ne semble avoir été engagé pour adapter sa structure aux règles fiscales britanniques.
L’Agence conteste ne rien avoir fait, expliquant avoir « travaillé en amont« . Mais en dehors de cette affirmation, il est difficile de savoir ce qui a été fait. « Le lycée s’est engagé a présenter aux parents, fin 2025, les montants de TVA qui seront récupérés par l’établissement, dans un souci de totale transparence, » affirme l’AEFE. Comme le règlement financier spécifie que « les tarifs arrêtés par le Directeur de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ne sont pas modifiables par l’établissement, » il semble que rien ne soit prévu avant la rentrée 2026 au plus tôt.
L’APL du Lycée se montre discrète sur le sujet. Quelques actions sont menées, mais la communication reste limitée. Le 13 septembre, une lettre est envoyée aux autorités britanniques. Puis, le 22 novembre, un courrier est adressé à l’AEFE demandant explicitement de surseoir à la hausse des frais de scolarité de 4 % prévue pour la rentrée suivante, insistant sur le fait qu’elle porterait l’augmentation totale à 43 % en trois ans. Peine perdue.
Début décembre, Mme Anne Bétrencourt, la Directrice des affaires financière de l’AEFE fait le déplacement depuis la France pour assister au Conseil d’Établissement du Lycée. Sa venue souligne crûment la confusion qui règne : la Directrice Administrative et Financière (DAF) rattachée au Lycée a démissionné depuis la rentrée et aucun remplaçant n’a encore été trouvé.
Lors de la réunion, la demande d’annulation de la hausse est balayée d’un revers de main, l’AEFE déclarant même que « les parents qui habitent Londres ont de l’argent », confie une des personnes présente à la réunion. L’AEFE indique toutefois que « la directrice des affaires financières n’a jamais prononcé ces propos. »
Les bourses n’évoluant pas, certains parents sont contraints de retirer leurs enfants de l’école
Face à la hausse des frais de scolarité et à l’absence d’évolution des bourses, certaines familles n’ont d’autre choix que de quitter le système français.
« Notre enfant fréquente désormais un établissement scolaire spécialisé anglais. Nous avons dû renoncer à l’enseignement du français avec le Lycée, bien que nous soyons francophones et que ce soit précisément la mission des écoles françaises à l’étranger. Malgré la vocation d’inclusion dans les établissements français à l’étranger, la direction nous a clairement fait comprendre que ce n’était pas leur priorité ! » témoigne un parent désabusé.
Les services diplomatiques n’ont fourni aucune assistance, ajoute cette personne. Face aux coûts additionnels et sans soutien, la famille a finalement opté pour une école locale. Cette transition a été particulièrement éprouvante, l’enfant s’étant retrouvé sans scolarisation pendant plus de deux mois. Néanmoins, ce parent tient à souligner : « L’établissement actuel est excellent ! Notre enfant s’y épanouit pleinement. »
Le LFCG accueille sans conteste des familles aux revenus élevés, mais il attire également une large classe moyenne, qui consent à d’importants sacrifices pour scolariser ses enfants. Si le Lycée Charles de Gaulle demeure l’école française de Londres la moins chère en termes de frais, cet effort devient de plus en plus insoutenable pour beaucoup nous confient de nombreux parents qui se posent des questions sur la poursuite dans le cursus français à moyen terme.
Les bourses scolaires, elles, restent limitées. Seules 4 % des familles du Lycée en bénéficient, contre 21% des familles du réseau AEFE. Les critères d’éligibilité sont extrêmement stricts : une famille de trois enfants gagnant plus de 30 000 livres par an avant impôts ne peut prétendre qu’à une prise en charge partielle. Un parent isolé avec un enfant et un salaire de 40 000 livres ne recevra que 7 % d’aide. Et si vous êtes propriétaire, inutile d’y penser. En comparaison, la Deutsche Schule accorde des bourses aux familles gagnant jusqu’à 62 000 livres par an pour un enfant.
L’AEFE semble considérer que les parents des élèves de Londres ont des facilités financières cachées car l’Agence nous explique que « le pourcentage pour le LFCG indique seulement que les familles françaises qui scolarisent leurs enfants au lycée ont des revenus supérieurs aux seuils indiqués » pour les bourses.
Pourtant, certains s’inquiètent de la situation depuis plusieurs mois. « En ajoutant une TVA de 20 % aux frais de scolarité, il n’y aura plus de boursier à 100 %, car le montant de la bourse accordé est annexé à la quotité [le nombre de parts]. Ce changement va bouleverser tous les équilibres, » alertait Olivier Cadic, sénateur Union Centriste représentant les Français de l’étranger, lors de sa visite à Londres en septembre dernier. Le Sénateur Cadic est un fin connaisseur de la situation puisqu’il a été un acteur décisif dans la mise en place du plan Ecole sur Londres il y a plus de 15 ans.
Double peine pour les familles concernées : depuis l’an dernier, les bourses sont amputées de 7 % au titre de la contribution progressive de solidarité (CPS), une ponction imposée à tous ceux ne bénéficiant pas d’une prise en charge complète. Ironiquement, cette mesure vise, selon l’État, à lutter contre la forte inflation sur les frais de scolarité.
Des critiques sur la gestion de l’établissement de plus en plus visibles
Face au manque de communication, la frustration des parents grandit. Dès la mi-septembre, certains décident de créer des groupes WhatsApp pour échanger. Initialement centrés sur la question de la TVA, d’autres groupes émergent rapidement autour de sujets comme la cantine, l’usage des smartphones ou encore les objets perdus. La TVA reste cependant la principale préoccupation, rassemblant plus de 500 membres. « Il semble particulièrement important [de discuter des différentes possibilités], étant donné que l’école n’a pas discuté de cela avec nous auparavant – toutes les autres écoles ont été informées des arrangements, » écrit un participant fin septembre.
Les critiques sur la gestion de l’établissement et le manque de transparence s’intensifient. De nombreux parents tentent d’obtenir des précisions auprès de la direction ou de l’APL, mais se heurtent à une fin de non-recevoir. Pour structurer ces échanges et fédérer les centaines de parents actifs sur WhatsApp, les discussions s’organisent sous une nouvelle bannière : le Collectif Indépendant des Parents du Lycée (CIPL).
Le 6 février, la direction du Lycée organise un webinaire sur la situation financière, diffusé sur YouTube. Mais l’exercice vire au fiasco. « Je ne m’attendais à rien, j’ai tout de même été déçu, » ironise un parent dans le chat en direct. Le format est aussi chaotique que le fond : la vidéo se coupe brusquement après environ une heure, avant de revenir dix minutes plus tard.
Historiquement, c’est l’ancien proviseur, M. Devillars, qui avait instauré ces séances de transparence financière. À son arrivée en 2018, M. Rest, le directeur financier, souhaitait appliquer trois années consécutives de hausses des frais de scolarité de 8 % pour redresser la situation budgétaire. En 2021, il notait : « Si les recettes sont en hausse depuis trois ans, le niveau actuel (30,2 M€) reste toujours inférieur à celui de 2017. »
Cette baisse s’explique en grande partie par la perte de 500 élèves depuis 2017, entraînant un engrenage inquiétant : moins d’élèves = hausse des frais de scolarité = encore moins d’élèves. Pour faire passer ces augmentations, les webinaires se voulaient un exercice de pédagogie, permettant aux parents de poser leurs questions et d’obtenir des réponses en direct.
Avec l’arrivée de la nouvelle proviseure, Mme Bellus, la méthode change radicalement. Fini l’interaction : place au monologue. Selon elle, l’échange en direct est « évidemment » impossible. Pendant la diffusion, la frustration monte dans les groupes WhatsApp, où de nombreux parents expriment leur exaspération en temps réel. En amont du webinaire, le collectif de parents avait pourtant envoyé une liste de 21 questions précises pour tenter de mieux comprendre la situation financière de l’établissement. Ils estiment que seules 2 ou 3 questions ont été abordées.
Un flou persistant sur le financement
De nombreux chiffres avancés lors du webinaire du 6 février semblent en contradiction avec les éléments comptables des années précédentes. Par exemple, la proviseure affirme que « l’aide directe ou indirecte que l’AEFE apporte au Lycée français Charles de Gaulle est à peu près évaluée à 10 millions d’euros par an. » Pourtant, les documents comptables accessibles montrent un montant bien inférieur : moins de 4,4 millions d’euros en 2023, ou 5,4 millions si l’on inclut les bourses. Une aide en constante diminution depuis trois ans.
Comparé à ses homologues européens, le soutien de l’État français fait pâle figure. L’Allemagne finance 30% des coûts de la Deutsche Schule London et 50% des besoins d’investissement. L’école bilingue espagnole Instituto Español Vicente Cañada Blanch est, elle, entièrement financée par l’État espagnol pour ses citoyens, tandis que les autres élèves s’acquittent de 7000 livres, hors TVA.
L’aide française, déjà limitée, s’effondre encore davantage avec l’instauration de la TVA. Désormais, elle ne représente plus que 10 % des frais de scolarité payés par les parents. Une situation qui fait bondir Justine, mère de deux enfants au LFCG : « Lorsque j’ai entendu la proviseure dire que ‘globalement, sur l’ensemble du financement des établissements français à l’étranger, c’est à parité entre l’État français et les parents’, j’ai failli m’étouffer ! » s’exclame-t-elle.

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« Je paie plus de 22 000 livres par an (~25 000 €) pour mes deux enfants, et l’an dernier, les chiffres du webinaire affichaient plutôt une aide de 1 500 € par enfant. » Elle s’interroge aussi sur une autre déclaration de la cheffe d’établissement, qui réfute les rumeurs selon lesquelles « le Lycée français Charles de Gaulle mettrait un quart de son budget et le reverserait à l’AEFE. Ça, ce n’est pas le cas. » Pourtant, un simple calcul basé sur les tableaux financiers présentés lors du webinaire montre qu’avec un budget total de 40 millions de livres, 10 millions sont bien reversés à l’AEFE, souligne un autre parent.
L’AEFE ne conteste pas ces données et confirme que la situation de chaque établissement est agrégée globalement : « Un équilibre est réalisé au niveau global du budget de l’AEFE entre les subventions de l’Etat et les ressources propres (c’est-à-dire essentiellement les frais de scolarité). Cet équilibre ne peut en aucun cas exister au niveau d’un établissement.«
Comprendre le fonctionnement de l’AEFE relève du casse-tête. Sa gestion comptable est opaque, avec des flux financiers circulant sans explication détaillée. L’Agence met à disposition des établissements en gestion directe (EGD) des enseignants rémunérés par l’État français (appelés « résidents »), mais impose en contrepartie des prélèvements conséquents. Les établissements doivent ainsi reverser une participation à la rémunération des résidents (PRR), à laquelle s’ajoute un prélèvement de 6 % sur le chiffre d’affaires.
Cette contribution varie d’un pays à l’autre, sans réelle logique. Un rapport du Sénat pointait ce manque de cohérence en 2018. Les rapporteurs soulignaient que, dans une même zone géographique, « des établissements de même statut présentent des taux éloignés. Par exemple, le Lycée français de Madrid se voit appliquer un taux de PRR de 39 %, tandis que le Lycée français Charles de Gaulle à Londres est à 57 %, alors qu’il s’agit de deux EGD emblématiques du réseau, scolarisant respectivement 3 600 et 2 900 élèves. »
Aujourd’hui, la situation s’est encore aggravée : le taux de PRR du Lycée français de Londres atteint 63 %. Concrètement, cela signifie que pour 12 millions de livres de salaire payés par l’AEFE aux enseignants, le Lycée doit en reverser 7,6 millions. À cela s’ajoutent 1,6 million de livres de cotisation complémentaire et d’autres charges accessoires.
Résultat ? Hors bourses, l’aide nette de l’AEFE en 2023, incluant les subventions diverses, ne dépasse pas 4,36 millions d’euros, soit 3,6 millions de livres pour l’établissement londonien.
L’AEFE reconnait qu’elle ne finance qu’ « un tiers environ le coût des enseignants détachés dans l’établissement » mais ajoute que cela « représente un très grand effort de la part du budget de l’agence et de l’Etat » (dans les faits, environ £4 millions uniquement). Elle indique que si « les deux tiers restants sont financés par les parents qui ont inscrit leurs élèves au lycée, » ce ne serait toutefois pas le taux de participation le plus élevé du réseau qui atteint, selon elle, 73% dans un autre établissement, mais sans indiquer s’il s’agit d’un établissement européen ou même comparable et sans nous répondre quand nous demandons des précisions.
En contradiction avec les éléments diffusés lors des Conseils d’Etablissement du Lycée, qui ne font pas apparaitre ces chiffres lorsqu’est indiquée la participation nette de l’AEFE, l’Agence précise cependant : « Pour information, la participation à la Rémunération des Résidents et Détachés (PRRD) est composée du traitement indiciaire, de l’avantage familial, de l’Indemnité compensatrice des conditions de vie locale (ICCVL) et des charges sociales. Toutefois, elle ne prend pas en compte le coût complet des enseignants détachés puisqu’elle n’inclut pas la part patronale de la pension civile qui représente en 2025 78,5% du salaire. Celle-ci est prise en charge par l’AEFE pour tous les personnels détachés par l’Agence. »
La légende des locaux prêtés gratuitement
Interrogé sur le financement du Lycée, le Consulat, qui supervise étroitement l’établissement, répond simplement : « En raison de son statut particulier, le LFCG est fortement subventionné par l’État français, d’où des frais de scolarité bien inférieurs à ceux des écoles privées locales. » Dans les faits, si les frais de scolarité du Lycée sont effectivement plus bas que ceux des autres écoles françaises de Londres, cela s’explique avant tout par l’absence de loyer. Le Lycée Winston Churchill, au nord de Londres, rembourse chaque année un emprunt immobilier qui représente près de 4 500 livres par élève.
La proviseure elle-même souligne cette particularité : « Nous avons beaucoup de chance parce que si vous connaissez bien l’emprise de South Ken, dans un lieu prestigieux comme le nôtre, au centre-ville d’un des quartiers les plus huppés de Londres, nous ne payons pas de loyer puisque nous ne sommes pas propriétaires de ce lieu [sic]. Je dis bien que le Lycée Français Charles de Gaulle n’est propriétaire de rien. »
La version officielle, souvent répétée, est que le Lycée occupe gratuitement des locaux prêtés par l’État français. Une belle histoire… mais démentie par les faits historiques. L’histoire du Lycée, bien documentée dans un livre coécrit par Olivier Rauch, ancien proviseur de 2011 à 2016, montre que son expansion a été largement autofinancée, via des montages financiers parfois ingénieux.
Le cœur historique du Lycée, le bâtiment Molière, a été construit en 1936 sur un terrain acquis par l’Université de Lille, située Queensberry Way. L’achat a été financé par un décret parlementaire voté en 1931, octroyant 13 millions de francs à Lille après une campagne patriotique en France. Marie d’Orliac, la fondatrice de l’école, a également contribué en vendant une maison qu’elle possédait pour 17 000 livres, tandis que l’université a déboursé 18 000 livres supplémentaires pour acquérir le freehold du terrain. Lille a également contracté trois emprunts pour financer la construction, que l’État français s’est engagé à rembourser.
En 1946, le Lycée passe sous le contrôle exclusif de l’Université de Lille. Dans les années 1950, le besoin d’agrandissement se fait sentir. Le secrétaire général de l’Institut Français imagine alors une solution novatrice : hypothéquer les bâtiments existants pour financer l’achat de parcelles situées plus au sud (actuel bâtiment Victor Hugo). Mais l’État ne pouvant pas rembourser l’hypothèque, il crée le Trust de l’Ambassade, une entité juridique anglaise agissant sous la direction de celle-ci. Dans les années 1970, le Trust vend certains actifs situés dams le périmètre pour financer l’achat de nouveaux bâtiments sur Cromwell Road. L’État français, lui, achète directement les terrains bombardés situés face au Musée d’Histoire Naturelle pour y construire des infrastructures modernes.
Au fil des décennies, la question d’un déménagement du Lycée vers un site plus grand et plus abordable a été évoquée. En 1990, une étude est menée pour construire un établissement de 4 000 places un peu plus loin du centre de Londres. Mais l’Ambassade s’y oppose, préférant maintenir la présence du Lycée à South Kensington, près du Consulat.
Contrairement à la légende, les locaux ne sont pas « prêtés gracieusement » par l’État français, mais ont bien été acquis pour le Lycée, via le Trust de l’Ambassade. Ce dernier a été monté exclusivement dans ce but et n’a aucune autre mission. Dans le passé c’est aussi l’Etat qui a refusé que le Lycée déménage.
Certes, le Lycée Français Charles de Gaulle n’a pas d’existence juridique propre. Il dépend directement de l’AEFE, une agence publique qui assure sa gestion administrative, financière et pédagogique. Le Lycée fonctionne donc comme une extension de l’État français à l’étranger. Mais en pratique, c’est bien le Lycée qui assume la gestion et l’entretien des locaux, comme les récents travaux sur les fenêtres, le chantier en cours sur la cantine (4 millions de livres, financés par les frais de scolarité) ou encore le remplacement des chaudières prévu pour demain. Etant centenaire, le Lycée bénéficie donc logiquement de l’avantage de n’avoir ni loyer ni remboursement d’emprunt conséquent.
Face aux interrogations des parents, la direction du Lycée semble de plus en plus fébrile
Un parent, qui s’est penché sur les documents financiers disponibles, ne comprend pas pourquoi aucune solution n’est mise en place pour alléger la facture : « On nous parle d’un remboursement de 63 % à l’AEFE, soit le taux le plus élevé d’Europe apparemment. Pourquoi, compte tenu de la situation, ne pas l’abaisser au niveau du Lycée de Madrid ou de Milan ? Cela permettrait d’économiser plusieurs millions. »
Le Lycée Charles de Gaulle est en effet actuellement deux fois plus cher que la moyenne des autres établissements en gestion directe de l’AEFE en Europe. Seule une poignée d’entre eux facture d’ailleurs plus de 8 000 € par an, certains sont gratuits (c’est la cas de ceux couplés avec une école allemande).

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Montant annuel des frais de scolarité payés par enfant (2024/25 ou 2025/26) dans les EGD européens
Il pointe aussi un autre problème : « Les enseignants employés par l’AEFE perçoivent une aide couvrant les frais de scolarité, qu’ils reversent ensuite au Lycée. Avec la TVA, cette somme augmente de plusieurs centaines de milliers de livres. Pourquoi ne pas la prendre en charge directement via l’Agence ? » Enfin, il s’étonne du manque de réactivité sur la récupération de TVA, même marginale : « Pourquoi le Lycée met autant de temps alors que l’école allemande avait déjà fait des estimations il y a plusieurs mois ? »
Dans ce climat de tensions, les rumeurs circulent. « On entend dire que l’AEFE a donné pour consigne de désinscrire tous les parents qui ne paieraient pas la totalité des droits de réinscription avant fin février, » confie un parent.
Depuis 2021, ces frais s’élèvent à 800 livres par enfant (près de 1 000 euros, et 1 200 euros avec la TVA), à régler six mois avant la rentrée pour garantir une place. Officiellement, cette mesure évite de bloquer des places inutilisées, notamment pour les familles sur liste d’attente. Pourtant, cette règle n’existait pas lorsque le Lycée comptait plus de 700 élèves en attente dans les années 2010. Aujourd’hui, le Lycée peine à remplir ses classes et cherche même à attirer de nouveaux élèves. « Ce paiement anticipé semble surtout permettre de générer près de 2,5 millions de livres de trésorerie avant la rentrée, » assure un parent d’élève.
Dans ses réponses, l’AEFE se trompe d’ailleurs en affirmant : « La date du paiement des frais de réinscription est identique chaque année et figure également dans le règlement financier. Ces paiements ne sont pas demandés le même mois : les frais de réinscription sont dus fin février et les frais du deuxième trimestre fin mars. » Non seulement le règlement financier n’indique pas les dates explicites du règlement de la facture du 2e trimestre, les parents ayant d’ailleurs reçu un email de l’école explicite : « La date limite de paiement est le 6 février 2025, » et la date de paiement des montants conditionnant la réinscription avancée de fin mars en 2021 à fin février depuis trois ans. Par ailleurs, un parent souligne que selon le règlement financier, il s’agit clairement d’une avance sur frais et non de frais de réinscription (qui seraient alors facturés en supplément, comme les frais de première inscription). Dans ce cas, la règle fiscale stipule que la TVA n’est exigible qu’au moment de l’émission de la facture finale. « Le Lycée est donc en faute en demandant une somme augmentée de la TVA, en contradiction avec son propre règlement financier, » précise-t-il.
Une enquête anonyme, initié par des parents, vise à mesurer l'impact de la TVA sur les décisions de scolarisation des familles. Elle recueille des données sur le nombre d’enfants, leur niveau scolaire et l’influence de la hausse des frais sur leur maintien au Lycée. 363 réponses ont été reçues. Elles montrent que plus de 92 % des parents éprouvent des difficultés financières du fait de l'augmentation extrêmement forte des frais de scolarité, et plus d'un tiers envisagent même de transférer leurs enfants dans une autre école.
Certains parents, qui dénoncent des pressions ou qui craignent d’être sanctionnés, déclarent ne pas trouver de soutien du côté de l’association des parents d’élèves. Un parent délégué de classe a déjà été exclu de l’association, accusé de « semer la division » et d’aller « à l’encontre de la philosophie de l’APL » . Cette éviction a conduit plusieurs autres représentants de classe à démissionner en signe de protestation. Une source interne à l’APL décrit une gestion autoritaire : « Les décisions sont prises par la présidente de l’association, sans concertation avec les autres membres, et imposées à tous. »
Le Lycée Français de Londres perd des élèves depuis huit ans, sa situation financière est de plus en plus précaire, et la contestation prend de l’ampleur. Plusieurs parents déclarent ne pas avoir payé la facture du deuxième trimestre ou avoir refusé de régler les 20 % de TVA ou l’avoir fait sous contrainte. Une telle rébellion est inédite.
Un représentant du personnel, interrogé en septembre, confiait qu’il pensait que si le gouvernement britannique restait inflexible, l’AEFE finirait par faire un geste. Il rappelait que l’Agence avait ponctionné plusieurs millions de réserves du Lycée en 2015 pour financer d’autres établissements en difficulté. Cela a d’ailleurs contribué au déséquilibre budgétaire des années suivantes. « Lorsque le Lycée avait une trésorerie, l’AEFE s’est servie pour aider le réseau, mais lorsqu’aujourd’hui les parents demandent de l’aide pour faire face aux frais de scolarité, l’Agence nous ignore. On a vraiment l’impression d’être la variable d’ajustement de l’AEFE, qui n’a que du mépris pour la situation du Lycée de Londres, » lâche amèrement un parent.
La situation budgétaire de l’Agence n’aide certes pas. En 2025, l’État français réduit son financement de 14,1 millions d’euros, et le sénateur Olivier Cadic souligne les contraintes budgétaires : « Compte tenu de l’état de nos finances publiques, je crains que ses marges de manœuvre soient plutôt réduites, s’il s’agit de faire prendre en charge une TVA britannique par le contribuable français. » L’AEFE tient le même discours en affirmant ne pas avoir « les moyens budgétaires de prendre à sa charge le résultat de la décision du gouvernement britannique d’imposer les établissements privés à hauteur de 20%. »
Mais l’aide demandée reste une goutte d’eau dans le budget global de l’AEFE. En 2023, le budget total de l’Agence dépassait 1,2 milliard d’euros : 562 millions d’euros provenaient des subventions étatiques (programme et bourses) et 599,4 millions d’euros étaient issus des recettes propres (essentiellement les frais de scolarité). Pour 2025, le budget prévu s’élève à 554,2 millions d’euros, dont 440,8 millions de subventions publiques et 113,5 millions alloués aux bourses scolaires.
Malgré ces chiffres, l’AEFE refuse de bouger. Sans offrir de solution, l’Agence se borne à répéter encore que le « LFCG restera l’établissement secondaire français homologué le moins cher de Londres, » sans rappeler toutefois que c’est le plus cher du réseau mondial des EGD.
Peut-être parce que vue de la métropole, l’image des Français de Londres reste figée dans le passé ? Beaucoup continuent d’associer ces expatriés aux traders de la City des années 2000, déposant leurs enfants dans « un balai incessant de berlines de luxe et de 4×4 » devant les grilles « du plus exclusif des lycées, » qui « accueille filles et fils de stars, d’entrepreneurs à succès ou de riches banquiers exilés dans la capitale anglaise » avec « quotidien 5 étoiles, vie de quartier à la française autour de l’institution et évènements de prestige, » comme avait choisi de l’illustrer un reportage de M6 l’an passé. Un stéréotype bien loin de la réalité.
NB: Les parents qui se sont exprimés ont majoritairement souhaité garder l’anonymat, nombreux craignant des représailles de l'administration française. Les prénoms cités ont été changés.
*Nous avons contacté la direction de l’AEFE pour une interview téléphonique ou une rencontre, mais celle-ci a opté pour des réponses écrites par email et a ignoré nos demande de précisions ultérieures. Le sénateur Cadic nous a fait savoir qu’il n’était pas disponible en dehors des événements officiels organisés à Londres. Malgré une relance, nous n’avons reçu aucune réponse du député Caure. L’Ambassade est également restée silencieuse à nos sollicitations.
Disclaimer : Auteur de cet article, j’ai moi même un enfant scolarisé dans l’établissement.
Graph1: Liste des 68 établissements en Gestion Directe (EGD) tels que numérotés dans le graphique.
1 – Lycée français de Berlin, Berlin, Allemagne [no data]
2 – École élémentaire franco-allemande de Fribourg, Fribourg-en-Brisgau, Allemagne [no data]
3 – Lycée franco-allemand de Fribourg, Fribourg-en-Brisgau, Allemagne [no data]
4 – Lycée franco-allemand de Hambourg, Hambourg, Allemagne [no data]
5 – Lycée franco-allemand de Sarrebruck, Sarrebruck, Allemagne [no data]
6 – École française de Téhéran, Téhéran, Iran [no data]
7 – École Jean-Giono, Bizerte, Tunisie [no data]
8 – Lycée Gustave-Flaubert, La Marsa, Tunisie [no data]
9 – École George-Sand, Nabeul, Tunisie [no data]
10 – Établissement français Philippe-Seguin, Sousse, Tunisie [no data]
11 – École élémentaire franco-allemande de Stuttgart-Sillenbuch, Stuttgart (Sillenbuch), Allemagne
12 – École primaire française A, Ampefiloha, Tananarive, Madagascar
13 – École primaire française B, Ampandrianomby, et son annexe l’école primaire française D, à Ivandry, Tananarive, Madagascar
14 – École primaire française C, Ambohibao, Tananarive, Madagascar
15 – Lycée français de Tananarive, Tananarive, Madagascar
16 – Lycée français international de Pondichéry, Pondichéry, Inde
17 – École Georges-Brassens, Megrine, Tunisie
18 – École Robert-Desnos, Tunis (El Omrane), Tunisie
19 – Lycée Pierre-Mendès-France, Tunis, Tunisie
20 – Lycée français Théodore-Monod, Nouakchott, Mauritanie
21 – École Paul-Verlaine, La Marsa, Tunisie
22 – Collège Anatole-France, Casablanca, Maroc
23 – École Claude-Bernard, Casablanca, Maroc
24 – École Ernest-Renan, Casablanca, Maroc
25 – École Georges-Bizet, Casablanca, Maroc
26 – École Molière, Casablanca, Maroc
27 – École Théophile-Gautier, Casablanca, Maroc
28 – Groupe scolaire Jean-de-La-Fontaine, Fès, Maroc
29 – Lycée Paul-Valéry, Meknès, Maroc
30 – Lycée La Fontaine, Niamey, Niger
31 – Lycée français Victor-Hugo, Marrakech, Maroc
32 – Lycée Lyautey, Casablanca, Maroc
33 – Groupe scolaire Claude-Monet, Mohammedia, Maroc
34 – Lycée Regnault et son école primaire Adrien-Berchet, Tanger, Maroc
35 – Groupe scolaire Honoré-de-Balzac, Kenitra, Maroc
36 – Collège Saint-Exupéry, Rabat, Maroc
37 – École Albert-Camus, Rabat, Maroc
38 – École André-Chénier, Rabat, Maroc
39 – École Paul-Cézanne, Rabat, Maroc
40 – École Pierre-de-Ronsard, Rabat, Maroc
41 – Lycée français Jean-Mermoz, Dakar, Sénégal
42 – Lycée international Alexandre-Dumas et ses annexes d’Oran et d’Annaba, Alger, Algérie
43 – Lycée français international Marguerite-Duras, Ho-Chi-Minh-Ville, Viet Nam
44 – École Voltaire, Berlin, Allemagne
45 – Lycée français Charles-Lepierre, Lisbonne, Portugal
46 – Lycée français international Victor-Hugo, Francfort-sur-le-Main, Allemagne
47 – Lycée français du Caire, Le Caire, Égypte
48 – Lycée français de Valence, Valence (Paterna), Espagne
49 – Lycée français Alexandre-Yersin, Hanoi, Viet Nam
50 – Lycée Stendhal de Milan, Milan, Italie
51 – Lycée français de Vienne, Vienne, Autriche
52 – Lycée français de Barcelone, Barcelone, Espagne
53 – Lycée français Jean-Renoir, Munich, Allemagne
54 – Lycée français de Madrid et son école annexe Saint-Exupéry, Madrid, Espagne
55 – Lycée Descartes, Rabat, Maroc
56 – Lycée Chateaubriand, Rome, Italie
57 – Lycée français Alexandre-Dumas, Moscou, Russie
58 – École française d’Amsterdam, annexe du Lycée Vincent-van-Gogh de La Haye, Amsterdam, Pays-Bas
59 – Lycée français Charles-de-Gaulle, Ankara, Turquie
60 – École française de Naples Alexandre-Dumas (annexe du Lycée Chateaubriand de Rome), Naples, Italie
61 – Lycée franco-argentin Jean-Mermoz, Buenos Aires, Argentine
62 – Lycée français Jean-Monnet, Bruxelles, Belgique
63 – Lycée français de Prague, Prague, République tchèque
64 – Lycée français de Varsovie, Varsovie, Pologne
65 – Lycée Louis-Massignon, Abu Dhabi, Émirats Arabes Unis
66 – Lycée français Vincent-van-Gogh, La Haye, Pays-Bas
67 – Lycée français international Charles-de-Gaulle de Pékin, Pékin, Chine
68 – Lycée français Charles-de-Gaulle de Londres et ses écoles annexes, Londres, Royaume-Uni