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Billet de blog 12 février 2022

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Dix pour cent (saisons 1 et 2)

Nous voilà dans l’agence ASK qui s’occupe de bichonner les acteurs francophones les plus célèbres, de Cécile de France à Isabelle Adjani. En leur faisant signer des contrats, les agents perçoivent 10 % du cachet global. Il faut donc gagner leur confiance et s’adapter voire anticiper leurs envies éventuelles.

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Illustration 1

Nous voilà dans l’agence ASK qui s’occupe de bichonner les acteurs francophones les plus célèbres, de Cécile de France à Isabelle Adjani. En leur faisant signer des contrats, les agents perçoivent 10 % du cachet global. Il faut donc gagner leur confiance et s’adapter voire anticiper leurs envies éventuelles. Pour cela, on peut compter sur les 4 agents de cette agence. Gabriel est un tendre débonnaire qui déteste les conflits. Ce gentil barbu vit seul mais s’en passerait bien. Son amie Andréa est une fonceuse déterminée et entreprenante mais parfois irascible. Homosexuelle revendiquée,elle aime séduire mais tient fermement à son indépendance. De son côté, Matthias est le Dark Vador des agents. Costume trois pièces et air sévère, ce fin diplomate n’est pas là pour rigoler. Enfin, Arlette est une « institution » dans le métier. Ancienne impresario, elle n’a plus à faire ses preuves et ses clients lui sont fidèles. Mis à part cette dernière, chacun d’entre eux a aussi son assistant : Noémie, la commère de service, Hervé, le gay très maniéré et enfin, Camille, qui se fait embaucher par Andréa pour assurer cette fonction suite à un concours de circonstances.

Cette présentation est un peu longue mais elle est importante car on se rend compte assez rapidement que l’on a affaire à des archétypes de personnages propres au vaudeville. L’ensemble se base donc sur du comique de situations : quiproquos, non-dits, imbroglios sentimentaux et familiaux seront les moteurs de l’intrigue. Et pour que cela fonctionne, il faut des idées surprenantes et des répliques formidables. Et il y en a … un peu. Mais entre deux sourires, on soupire devant les exagérations scénaristiques qui aboutissent parfois au cabotinage de certains comédiens. Cela aurait pu être efficace si cette outrance était poussée à son maximum mais ce n’est pas le cas. Alors, sans remettre en cause le jeu des acteurs qui sont bons dans le registre que le genre requiert, l’ensemble est trop sage et pas assez irrévérencieux alors que c’est normalement ce qui fait le sel d’un bon vaudeville. Heureusement, certains personnages évoluent car sur plusieurs saisons, ils ne pouvaient pas rester figés dans leurs postures initiales. En cela, le traitement de la relation entre Matthias et Camille (incarnés par 2 formidables comédiens) est une réussite. Par leur présence, la narration gagne indéniablement en sensibilité.

Reste maintenant l’élément qui a fait de «10 pour cent» un vrai succès : dans chaque épisode intervient un acteur reconnu qui joue son propre rôle. Des mini-histoires s’insèrent donc dans la grande. La présence de ces stars s’explique car ils sont tous les protégés d’un des 4 agents de choc. Et dans chaque cas, il y a un problème à résoudre. Car il faut dire que les personnes que l’on aime à l’écran sont plutôt sensibles, voire carrément capricieuses. Il s’agira donc de leur faire accepter un rôle ou de gérer les petits soucis (aux grandes conséquences)des uns et des autres. Et c’est là qu’Andréa, Gabriel et consorts interviennent. Comment brosser ces personnalités dans le sens du poil, leur faire retrouver la raison devant un refus de rôle prometteur ? Pour se faire, il faut être sacrément diplomate voire manipulateur.

Avec ce matériau là, la série pouvait dépeindre un milieu professionnel au vitriol. Hélas, une nouvelle fois, tout est très gentil. Les acteurs et actrices sont de grands enfants mais ils se révèlent tous attachants et les dénouements seront heureux pour la plupart. Et si les agents sont montrés comme des requins prêts à à tout pour attirer leurs proies quitte à les piquer dans l’escarcelle du voisin, ils montrent aussi beaucoup de solidarité quand le besoin s’en fait ressentir. Et surtout, ils aiment leurs protégés : ils peuvent se transformer en taxi, baby-sitter, psychiatre si besoin... Alors, on les aime malgré leurs défauts.

Mais pourquoi un ton si consensuel ? Là, on touche à un point gênant. Car en filigrane et sous prétexte de servir le scénario, les dialogues distillent gracieusement des louanges aux acteurs présents. De là à penser que leur apparition constitue pour eux une formidable promotion, il n’y a qu’un pas. Et le fait que pendant un épisode, Julien Doré pousse la chansonnette quelques minutes avec Stéfi Celma, jeune chanteuse en devenir, confirme un peu cette sensation. D’un autre côté, à part peut-être Luchini qui arrive à dégager une émotion sincère de son personnage, la plupart d’entre eux ont un petit rôle et semblent servir avant tout de vitrine. Mais le spectateur, curieux de voir des acteurs jouer leur propre rôle, sera logiquement attiré par une idée si sympathique. Banco ! Tout le monde est gagnant !

Au final, l’attachement que l’on porte à certains protagonistes de l’histoire nous invite à continuer le visionnage. Mi-agacé, mi-amusé, on se laisse alors porter par ces mini-intrigues qui forment un tout divertissant. Mais il y a toujours quelque chose qui gratte. Car on ne peut pas s’empêcher de penser à l’acteur qui est en face de nous et qui a dû se retrouver un jour devant son agent. On imagine celui-ci essayant de trouver les mots justes pour encourager son client à jouer dans la série. « Cela sera bon pour ton image d’apparaître sous ton vrai nom. Tu en ressortiras plus humain. Et le public va adorer, c’est sûr. Bien entendu, ça ne sera pas vraiment toi, mais ils en auront l’impression ! Nourrir l’illusion, n’est-ce pas ça pas la magie du cinéma ? ». Comme le ferait Andréa, Matthias et les autres.

Disponible sur Netflix. 

Cette chronique et bien d'autres sont disponibles sur ce lien https://seriephiledudimanche.jimdofree.com/2021/02/21/10-pour-cent/

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