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Billet de blog 16 octobre 2019

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Familles en Syrie: chronique d’une catastrophe annoncée

Une tribune de William Bourdon et Vincent Brengarth.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Affirmer que la rétention des enfants français en Syrie - dont les parents sont partis rejoindre les rangs d’organisations terroristes - ne suscite pas l’indignation de l’opinion est un euphémisme. Le traumatisme provoqué par la succession d’attentats sur notre territoire a entraîné une attitude répulsive vis-à-vis de tout ce qui touche de près ou de loin au terrorisme. Là où cette dérive trouve néanmoins ses limites, c’est lorsque les droits fondamentaux sont directement violés et lorsque l’Etat, qui devrait en être le gardien, en devient l’artisan de leur érosion.

Outre celles d’organisations non-gouvernementales, de grandes consciences se sont élevées pour réclamer le rapatriement des enfants en Syrie, notamment celles incarnées par différentes autorités administratives indépendantes, mais aujourd’hui le gouvernement s’en moque.

L’offensive menée par la Turquie contre les forces kurdes oblige pourtant à une réaction rapide, déjà des centaines des présumés djihadistes ont fui les camps et parmi eux des étrangers et peut-être des Français. Nous avions cessé avec d’autres de sonner le tocsin sur ce risque : en faisant croire qu’en ne rapatriant pas évidemment d’abord les mères et les enfants, mais in fine bien sûr tous les Français, on assurerait la sécurité des Français. C’est l’inverse qui risque de se produire.

Au-delà, ce refus d’agir par pur opportunisme politique est pris au piège d’une position présentée comme inflexible.

L’absence de démarches pour rapatrier d’abord les enfants car plus vulnérables, mais aussi les mères et les pères, fait échec au respect des droits fondamentaux, ce dont les juridictions nationales et internationales, un jour ou l’autre, tireront les conséquences. Le gouvernement le sait. 

En effet, dans un avis adopté en Assemblée plénière le 24 septembre 2019, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a réitéré sa demande de rapatrier d’urgence l’ensemble des enfants français retenus dans les camps en Syrie et de les prendre en charge au plus vite, notamment au nom du respect des valeurs de la République. 

Dans une décision 2019-129, le Défenseur des droits a recommandé à l’Etat français de prendre toutes mesures effectives permettant de faire cesser les traitements inhumains et dégradants subis par les enfants français et leurs mères dans les camps sous le contrôle des forces démocratiques syriennes au nord de la Syrie.

Nous savions que de hauts responsables des services, à bas bruit, considéraient que cette politique désastreuse, pour la première celui qui en a été le chef, Patrick Calvar, vient d’affirmer : « Je pense quil faut les rapatrier avec les femmes et les enfants, avant tout, pour des raisons de sécurité ».

La France, en jouant avec des principes fondamentaux, a joué également avec le feu par une politique court-termiste qui, cyniquement, faisant mine d’être autiste au regard des conséquences à long terme des choix faits, a finalement permis que les portes des camps s’ouvrent à des jeunes gens, on le sait, potentielles bombes humaines.

En faisant croire aux Français qu’on les protégeait, on prend le risque de créer plus d’intranquillité pour demain. 

Quand des droits fondamentaux sont violés, notre gouvernement est non seulement isolé grâce à cette protection qui un jour tombera, est aujourd’hui isolé et de façon sans précédent, critiqué par toutes les autorités administratives indépendants françaises et les institutions internationales.

Non, le respect des principes n’est synonyme ni de mansuétude, ni de complaisance – et a fortiori de complicité – à l’égard des terroristes.

Raisonner de la sorte, à long terme, c’est faire le jeu des terroristes et c’est aussi ce qu’attendent tous les pouvoirs réactionnaires du monde, disqualifier le message universel que la France a tant de peine aujourd’hui à porter. 

Ces enfants, dont certains vont mourir, n’ont pas, que l’on sache, été contaminés par leurs parents au point de ne plus être des enfants… En tous les cas, aux yeux de l’opinion publique française, le résultat est là, ils sont comme leurs parents, déchus de fait de leur nationalité. C’est encore une fois, sans précédent.

Cet effet de contagion sournois nous dit autre chose sur la politique de notre gouvernement et le conduit à être responsable d’un discrédit grave porté aux principes de notre République. 

Ce discrédit est un effet d’aubaine terrible pour tous ceux qui se décomplexent de plus en plus sous nos yeux de porter des discours de haine, d’intolérance et qui dressent l’acte de décès de la fraternité.

Nul ne demande à la France de faire preuve de mansuétude à l’encontre de ceux qui ont fait le choix de partie en Syrie, ou dans d’autres pays atteints par des mouvements djihadistes.

La politique électoraliste visant à satisfaire l'opinion non seulement montre aujourd’hui ses limites mais surtout, ses effets absolument toxiques à l’envers de ce qui était promis à nos citoyens.

Ainsi, ce sont non seulement les principes de la République qui sont désavoués depuis plusieurs années et c’est la parole et l’action publique même de notre gouvernement qui en sont atteintes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.