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Billet de blog 4 juin 2020

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Ahmed Sylla joue le rôle d'un esclave dans un sketch sur le plateau de TPMP

Peut-on rire de tout? C'est une question qu'on peut légitimement se poser depuis qu'un sketch de 2013 joué sur le plateau de TPMP a été exhumé le 2 juin sur le réseau social Twitter où l'étoile montante du cinéma français, Ahmed Sylla imite un esclave africain en compagnie de Jérémy Ferrari.

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Peut-on rire de tout? C'est une question qu'on peut légitimement se poser depuis qu'un sketch de 2013 joué sur le plateau de TPMP a été exhumé le 2 juin sur le réseau social Twitter où l'étoile montante du cinéma français, Ahmed Sylla imite un esclave africain en compagnie de Jérémy Ferrari. 


Mais jusqu'où ira cette nouvelle génération d'artistes issus de l'immigration pour passer à l'antenne? Un sujet aussi lourd que celui de l'esclavage peut-il être traité autrement qu'en soupirant de tristesse et de désolation? La réponse tombe sous le sens : NON. Mais c'est sans compter sur l'opportunisme mercantile de certains qui, pour percer médiatiquement, acceptent de danser sur la tombe de leurs ancêtres. L'esclavage et la traite négrière qui y est associée ont fait plusieurs dizaines de millions de morts et réduits autant d'hommes et de femmes au rang d'objets sur lesquels les possédants avaient un droit de vie et de mort.

Quand on sait cela, on se dit qu'un homme, noir de surcroît, ne vendra jamais un héritage aussi lourd. Or Ahmed Sylla a non seulement vendu mais à vil prix cette histoire si douloureuse d'une partie de l'humanité pour quelques minutes de rire, pensant que ces rires consolideraient une popularité qui en définitive n'est qu'un leurre. En réalité, ce sketch qu'il a accepté de jouer où il tourne en dérision la condition d'esclave est un scandale innommable à l'heure où le monde entier est à l'heure de la dénonciation du rascisme antinoir dont le symbole a pris le visage de Georges Floyd, homme noir mort après une interpellation policière insupportable à voir.

Si un homme noir, au lieu de s'indigner face à une xénophobie galopante et totalement décomplexée, préfère se donner en spectacle en se moquant de ses ascendants, c'est bien le signe que notre époque est malade. Malade du "je suis prêt à tout pour réussir" alors que nous vivons des moments historiques dans le monde qui exigent un sursaut de dignité et de révolte pour fustiger avec force ce rascisme d'État dont les premières victimes sont incontestablement les personnes de couleur noire. Ces noirs qui paient un lourd tribut dans les exactions commises par la police sur les quarante dernières années sans parler de l'exclusion sociale dont ils souffrent au quotidien.

On ne peut pas rire de l'esclave pas plus qu'on ne peut rire de la shoah, du sida ou de la famine et rappeler une telle évidence montre bien que les repères de la morale et du bon sens dans le petit écran s'effacent au fil du temps. Triste époque.

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