Jean-Marie Le Pen n'avait pas le droit de dire que les chambres à gaz sont un point de détail de l'histoire en 1987. Mais on peut dire en 2021 que Petain a sauvé des juifs. Jean-Marie Le Pen a été ostracisé pour avoir parlé d'inégalité des races mais on s'émerveille d'entendre qu'il n'y a que des noirs et des arabes dans les prisons.
Mais que s'est-il passé en France pour que la vigilance vis-à-vis des propos révisionnistes, racistes et xénophobes se soit effondrée? Les temps changent et les esprits avec mais est-ce suffisant pour expliquer l'indifférence voire l'adhésion à des idées ouvertement fascistes trente ans plus tard? Alors que Jean-Marie Le Pen a été exclu des plateaux télévisés pendant très longtemps sauf en période de campagne, code électoral oblige, des médias mainstream sont devenus aujourd'hui des caisses de résonance à part entière de l'idéologie raciste. Marine Le Pen a dédiabolisé son parti pour le rendre fréquentable mais au prix d'un langage polissé et même édulcoré. Sauf que la frange ultra-nationaliste est excédée de ne plus pouvoir "nommer les choses" comme disent les ténors de la droite-extrême.
Nommer les choses ou nommer les gens? Il est en réalité surtout question de remettre au goût du jour des boucs émissaires pour expliquer l'inflation, le chômage, la précarité et bien sûr l'insécurité. Et des boucs émissaires pour endosser la responsabilité de ce malaise social grandissant, il y en a à foison. Les musulmans, les Roms, les migrants, les Africains et tous ces peuples "anciennement colonisés qui veulent à leur tour coloniser la France" selon la théorie zemmourienne qui elle aussi, rencontre un français succès. Or Marine Le Pen aurait tenu le quart de ces propos que les médias et les fabricants d'opinion auraient crié en chœur au retour du diable Jean-Marie Le Pen. Marine Le Pen n'est évidemment pas moins xénophobe qu'Éric Zemmour mais c'est bien Éric Zemmour qui a aujourd'hui les pleins droits en matière d'expression médiatique malgré ses condamnations judiciaires qu'il érigé en trophées sur les plateaux télévisés.
Pourquoi avoir fait disparaître Dieudonné des radars médiatiques pendant qu'Éric Zemmour officie toujours malgré ses frasques verbales dont on ne voit pas le bout du tunnel. L'un est condamné pour incitation à la haine raciale mais l'autre aussi. Sauf que l'un est banni et l'autre encensé sans vraiment comprendre ce qui sépare les deux hommes. C'est Marine Le Pen qui doit se morfondre face à tant d'injustices car le fonds de commerce d'Éric Zemmour a été littéralement copié-collé du corpus idéologique de Jean-Marie Le Pen mais les médias étant aujourd'hui les faiseurs de rois, c'est donc eux qui décident de mettre le curseur au niveau de leurs préférences et de leurs appétences.
Comprenne qui pourra mais ne comprendra pas qui veut car défendre le racisme sous la bannière de la liberté d'expression et en condamner un autre relève clairement de l'arbitraire. Un arbitraire qui prive l'opinion publique - pas l'opinion des sondages mais celle qui manifeste, milite et proteste contre l'ordre établi - de sa propre indignation car l'idée définitivement acquise est bien de distiller dans l'inconscient collectif l'intolérance comme la norme et non plus comme une défiance de l'esprit.
Billet de blog 11 octobre 2021
De Jean-Marie Le Pen à Éric Zemmour, chronique d'une idéologie bannie puis tolérée
Jean-Marie Le Pen n'avait pas le droit de dire que les chambres à gaz sont un point de détail de l'histoire en 1987. Mais on peut dire en 2021 que Petain a sauvé des juifs. Jean-Marie Le Pen a été ostracisé pour avoir parlé d'inégalité des races mais on s'émerveille d'entendre qu'il n'y a que des noirs et des arabes dans les prisons
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