Faire barrage à Marine Le Pen, une idée qui ne trouve plus l'écho qu'elle avait il y a encore quelques années. Les avertissements des intellectuels, des journalistes et les tribunes d'artistes, de sportifs pour exprimer leur rejet des idées d'extrême-droite n'ont plus aucun effet sur l'électorat.
Faire barrage lorsque Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour de l'élection présidentielle en 2002 était plutôt chose aisée car Jacques Chirac, même s'il était de droite n'a jamais conduit une politique aussi répressive et socialement injuste comme l'a fait Emmanuel Macron. Le bilan de Jacques Chirac était maigre d'autant qu'il a connu la cohabitation mais le personnage n'inspirait pas l'inquiétude qu'on connaît aujourd'hui avec Emmanuel Macron car il s'inscrivait dans une une pure tradition gaulliste. Il défendait certes une vision libérale de l'économie et une conception minimaliste du rôle de l'État mais dans des proportions qui restaient encore très raisonnables.
Or le second tour qui s'offre à nous aujourd'hui est de toute autre nature. Emmanuel Macron a gouverné avec une majorité parlementaire qui lui a été acquise et le bilan est sans appel. La mise à mal du modèle social français n'a jamais atteint a un tel niveau. Et il s'est accompagné de violences policières documentées qui ont fait reculer la démocratie française d'après les standards internationaux.
Faire barrage en 2002, ce n'est donc pas pareil que faire barrage en 2022 car remettre Emmanuel Macron pendant encore 5 ans nous assure la mort annoncée de toutes les principales conquêtes sociales (retraite, chômage, droit des travailleurs etc). C'est donc donner au président sortant les clés pour reprendre le travail qu'il a commencé mais qu'il n'a pas pu terminé à cause de la pandémie.
La pandémie est désormais derrière nous et les craintes de voir Emmanuel Macron revigoré par une victoire électorale sont réelles car de cette hypothétique victoire naîtra peut-être une nouvelle France où tomber malade, se soigner, faire des études supérieures, prendre sa retraite ne seront tout simplement plus possibles. Oui Marine Le Pen est xénophobe et représente un danger réel pour les musulmans notamment mais son avantage est qu'elle n'a pas de bilan ce qui la rend pour un grand nombre d'électeurs politiquement plus acceptable qu'Emmanuel Macron. Le mal fait par le président sortant aux mouvements protestataires a prédisposé l'opinion publique à tenter l'aventure Le Pen. Tort ou raison, la responsabilité est à chercher auprès du président sortant dont la pratique du pouvoir a été à rebours de ce qu'il avait annoncé pendant la campagne de 2017. Jeune, dynamique et ouvert sur le monde, les Française ont cru à l'avènement d'une France moderne et conquérante en rupture totale avec l'ancien monde. Au lieu de cela, ils ont eu les droits en moins et la matraque en plus.
Ce qui rend donc l'élection de Marine le Pen hautement probable aujourd'hui, ce n'est pas tant le racisme et la xénophobie ambiante même s'il est vrai qu'ils sont enracinés dans une bonne partie du pays mais plutôt le mal fait à la France et la mise à sac des biens communs au profit d'intérêts privés. Choisir le pire qu'on ne connaît pas pour éviter le pire qu'on connaît déjà, c'est tout le sens du vote pour Marine Le Pen qui se profile le 24 avril.