C'est un procès hors norme qui s'ouvre demain à Versailles. Ikea, le géant de l'ameublement sera sur le banc des accusés après qu'un vaste système d'espionnage a été découvert. Dans son édition du 22 mars, Le Monde révèle la tenue de fichiers illégaux pendant de nombreuses années et alimentés par des opérateurs privés mais aussi par des policiers. Les directions de plusieurs magasins (Franconville, Reims et Avignon) sont mises en cause et il y a fort à parier que ces pratiques révélées par une simple clé usb soient répandues à l'échelle de toute la chaîne.
Enquêtes sur la vie privée de ses propres salariés, appels à des détectives privées et même à des fonctionnaires de police pour fouiller dans une base de donnée (STIC) que seul l'Intérieur peut consulter. Du syndicaliste chevronné au salarié qui se met en arrêt maladie en passant par un salarié stigmatisé pour ses origines (gitan), tout y passe et rien n'arrête la multinationale qui obtient même le concours de plusieurs ripoux. De quoi conforter le lien entre patrons voyous et police qui rime avec milice dans l'opinion publique.
Une affaire aussi tentaculaire que celle-ci va donc continuer d'alimenter les théories de plus en plus documentées établissant une connivence incestueuse entre le monde économique et l'autorité politique dont la légitimité n'est plus que l'ombre d'elle-même. Si la police vient en appuie à un groupe pour nettoyer "au carsher" les élus syndicaux, les malades ou les salariés n'ayant pas forcément la "bonne origine", que lui reste-t-il de légitimité et de crédibilité vis-à-vis de la population? Vraisemblement aucune. La manifestation contre la loi Sécurité Globale qui a encore rassemblé hier des milliers de personnes prouve que ces fonctionnaires bien armés et bien protégés à défaut d'équiper correctement le personnel soignant aura bien du mal à réhabiliter son image aujourd'hui calamiteuse.
Ikea déjà accusée par plusieurs ONG d'accélérer de façon intensive la déforestation dans le monde, enquête donc de façon occulte des années durant sur ces propres salariés. Des faits suffisamment graves qui justifieraient amplement l'incarcération des mis en cause mais présomption d'innocence oblige, surtout lorsqu'elle concerne des délinquants en col blanc, on imagine sans difficulté qu'Ikea continuera ses frasques car l'amende encourue par la marque suédoise, 3,75 millions d'euros maximum, est une goutte d'eau dans l'océan des bénéfices qu'elle détient.