Mediapart retombe dans ses travers et ça va déplaire à beaucoup d'abonnés. L'article de Laurent Mauduit qui critique les entreprises françaises refusant de quitter la Russie est à rebours de ce que le journaliste nous a habitué.
Quitter la Russie semble donc pour le journaliste émérite une solution efficace face à l'agression de l'Ukraine par la Russie. Mais comment peut-on défendre une telle idée sans imaginer les conséquences qu'elle peut engendrer pour la population? Les principaux groupes qu'il incrimine (Auchan, Mulliez, Decathlon, Leroy Merlin et Renault) emploient à eux seuls plus de 50 000 salariés en Russie. Il faudrait donc, selon la théorie de Mr Mauduit, tout fermer, plier bagages et laisser donc des milliers d'hommes et de femmes sur le carreau.
Mais enfin de quoi parle-t-on? On parle de travailleuses et de travailleurs pour la plupart d'entre eux précaires et qui n'ont que leur salaire pour vivre et même survivre. Le salaire minimum en Russie est de 12 130 roubles soit un peu plus de 105 euros. Et c'est à ces gens là que Laurent Mauduit s'attaque indirectement aujourd'hui. Que les grands groupes français fassent des profits en Russie, ça chacun le sait déjà et c'est même la vocation d'une entreprise pour peu qu'elle les réalise de façon éthique, mais ne pas voir que derrière ces grandes enseignes il y a des familles qui vivent et arrivent laborieusement à se nourrir et à se loger, c'est quand même le comble pour un des membres fondateurs de Mediapart.
En somme Mr Mauduit propose pour remédier à une situation certes grave, d'adopter des mesures qui vont nous amener à une situation encore plus grave. Inutile de faire l'ENA pour comprendre que la fermeture de tous les entrepôts et magasins des groupes tricolores en Russie va précariser davantage la société civile russe qui rappelons-le est contre cette guerre et subit elle aussi de plein fouet l'autoritarisme d'un président violent et sanguinaire.
Il faut bien évidemment que les entreprises françaises restent car leur retrait de Russie signerait potentiellement l'effondrement de l'économie russe ce qui affecterait avant tout les classes populaires et les travailleurs pauvres qui sont nombreux en Russie et ce n'est évidemment pas Vladimir Poutine qui s'en émouvrait.
Il faut ajouter en plus que ces groupes n'ont aucun lien avec l'industrie de l'armement ce qui rend d'autant plus incompréhensible la position de Laurent Mauduit. La guerre menée par Poutine est financée principalement par l'exportation des hydrocarbures ce qui démontre bien que les sanctions prises contre la Russie ne servent à rien. D'ailleurs ce sont les Français qui aujourd'hui accusent le coup lorsqu'ils font le plein d'essence à la pompe. Le prix du carburant n'a jamais été aussi haut alors que les sanctions visaient à faire plier Poutine. Poutine non seulement ne rend pas les armes mais en plus exige désormais le paiement du pétrole et du gaz en roubles ce qui va mécaniquement relever le cours de la monnaie russe alors qu'elle avait perdu plus de 40 % de sa valeur depuis l'application des sanctions au niveau européen.
Bref on ne peut qu'inviter le journaliste à un peu plus de pragmatisme dans ce conflit car depuis l'invasion russe, la ligne éditoriale de Mediapart n'est plus tout à fait celle qu'attendent les lecteurs. Pour finir, l'héroïsation de Volodymyr Zelensky est un des griefs que l'on pourrait adresser à la rédaction également car il n'a rien d'un héros et porte même en partie la responsabilité de ce bain de sang qui se passe dans son pays.