Ce que nous pensions être de la précarité pour les uns, ou de la survie pour les autres s'est finalement révélée être de l'abondance pour Emmanuel Macron. "C'est la fin de l'abondance" nous a dit hier avec un aplomb déroutant le président de la République en Conseil des Ministres.
Quoi de mieux pour créer un vent de panique chez les classes populaires dont l'abondance n'a jamais vraiment été le quotidien. En tout cas pas au sens où l'entend Emmanuel Macron. Par abondance, on pense aux richesses qui coulent à flots, à des salaires dignes pour tous et aucun problème de pouvoir d'achat même parmi les ménages les plus fragiles. Le terme est donc bien à mille lieux de la réalité vécue et ressentie par les travailleurs dont les salaires atteignent péniblement le SMIC, les chômeurs dont les allocations ont drastiquement baissé et qui ne suffisent évidemment pas à couvrir tous les besoins. L'inflation est à son plus haut niveau depuis très longtemps, beaucoup de familles subissent désormais de plein fouet la précarité énergétique et plus de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.
Toute cette population cherche donc désespérément depuis hier cette abondance dans laquelle le président leur reprochait de se pavaner mais sans résultat. Il faut dire que si leur vie était faite d'abondance, ce serait davantage une abondance de privations et de souffrances quand on sait que 59% des Français ont déjà du renoncer à des soins.
"Les gens qui ne sont rien" comprennent évidemment qu'ils vont encore être la cible de l'exécutif par des réformes impopulaires et des coupes budgétaires douloureuses. Pourtant la réflexion de tous ceux dont l'intelligence n'est pas suffisamment "complexe" trouveraient normal d'employer ce mot "abondance" pour évoquer le problème de nos oligarques au bilan carbone désastreux causé par leurs déplacements intempestifs en jets privés, des distributions de dividendes qui ont atteints 44 milliards d'euros pour le deuxième trimestre 2022 et de tous ces cadeaux fiscaux faits aux plus aisés qui privent l'État d'une manne financière conséquente et pourtant capable d'augmenter les salaires des enseignants, des soignants et de toutes ces professions incontestablement indispensables pour notre société.
Là où le commun des mortels voit de l'abondance, ce sont des "nécessités économiques pour redresser le pays". Deux visions qui ne se croiseront jamais. Ce discours n'est pas de bon augure. Il n'annonce pas une "bascule" selon le terme employé par Macron mais une série de décisions dramatiquement injustes dans la droite lignée de ce que nous avons connu lors du premier quinquennat.
Le niveau de cynisme dont est capable le locataire de l'Elysée se traduit merveilleusement bien dans sa propension à épargner ceux qui vivent réellement dans l'opulence et à accuser en même temps les classes laborieuses de profiter sans compter des plaisir de la vie. Un vrai talent.