Une pénurie de professeurs attend donc les élèves de collège et de lycée pour cette rentrée. Un stress qui vient s'ajouter à une série d'inquiétudes sur la pénurie d'électricité, les pénuries de produits alimentaires et sur l'avenir sombre qui se dessine si l'on en croit le dernier discours du président de la République sifflant la fin de "l'abondance" pour ceux qui n'ont jamais connu l'abondance.
Mais comment appréhender l'idée que son enfant n'aura peut-être pas de professeur de mathématiques, de français ou d'histoire-géographie ? Une situation totalement inconcevable il y a 20 ans. Est-on en train de sacrifier sciemment toute une génération dans l'indifférence générale? La perspective de savoir que des enfants "mal nés" auront sans doute une scolarité chaotique tourmente bien des parents mais les laisse parfaitement impuissants face à une situation qui est, il faut bien le reconnaître, l'émanation d'une volonté politique.
Ce désamour de la population pour le métier d'enseignant n'est évidemment pas une surprise. Les salaires tirés inexorablement vers le bas, un point d'indice gelé depuis très longtemps et un manque de considération patent de plusieurs ministres qui se sont succédés à rue de Grenelle pour le corps enseignant ont eu raison de l'abnégation de nos professeurs. Sans parler des infrastructures éducatives laissées à l'abandon et du matériel qui manque cruellement pour assurer des cours dans certaines disciplines spécifiques. Sauf que la victime d'une situation aussi dramatique qu'inquiétante est toute une génération qui va se retrouver vraisemblablement privée des enseignements fondamentaux et donc d'un socle commun de savoirs de connaissances, la clé de voûte pour choisir son orientation plutôt que de la subir.
Cette politique du rationnement qui touche particulièrement l'Education Nationale va donc fabriquer des freins supplémentaires à l'ascension sociale qui n'est déjà qu'un mythe et bien sûr de futurs décrocheurs. On peut d'ores et déjà imaginer que cette pénurie d'enseignants ne touchera tous les établissements. L'École alsacienne ou le lycée Henri IV seront selon toute vraisemblance épargnés par cette pénurie ce qui démontre sans grand étonnement cette fracture territoriale qui sépare et divise la communauté nationale. Certains pourront étudier la physique-chimie, les langues vivantes quand d'autres dans le département de la Seine-Saint-Denis par exemple puisque c'est dans le département où se concentreront les plus fortes pénuries de professeurs, seront livrés à eux-mêmes.
Emmanuel Macron promettait pendant la campagne présidentielle de 2017 un combat sans concession contre "l'assignation à résidence des jeunes défavorisés" selon ses propres termes. Il a fini par créer de ses propres mains cette assignation à résidence qu'il prétendait combattre. Une promesse non tenue de plus ou de moins, ainsi fonctionne la Macronie.
Le désenclavement des cités ne se fait pas que par la présence de transports en commun qui seront d'ailleurs aussi manquants pour cette rentrée mais moyennant surtout des têtes bien pleines et bien faites à l'école. Or, des jeunes sans professeurs et sans moyens alternatifs de pallier à un sous-effectif devenu structurel mais exceptionnel pour cette année d'enseignants les condamne à un échec certain. C'est un véritable déterminisme social que cette politique du tout rationnement fait germer dans notre société.
Mais tout n'est pas perdu. Ces jeunes laissés aux mains de politiques qui préparent méthodiquement leur échec scolaire pourront toujours conduire un VTC Uber pour le plus grand plaisir de notre président qui, faute d'avoir valorisé nos professeurs, a montré tout le volontarisme qu'il fallait pour faciliter l'implantation en France de la multinationale américaine. Voilà qui devrait rassurer leurs parents.